Traduction de son allocution (Reverso) :
Bonjour à vous tous, et bienvenue au Vatican.
Je suis heureux d’avoir l’occasion de saluer votre délégation à l’occasion de votre participation à la conférence du groupe ECR qui se tient ces jours-ci à Rome.
Tout d’abord, je voudrais vous remercier pour votre travail au service non seulement de ceux que vous représentez au Parlement européen mais aussi de tous les membres de vos communautés. En fait, occuper une haute fonction au sein de la société implique la responsabilité de promouvoir le bien commun. Je vous encourage en particulier à ne jamais perdre de vue les oubliés, ceux qui sont dans les marges, ceux que Jésus-Christ a appelés « les derniers » parmi nous (cf. Lc 9, 48).
En tant que représentants élus démocratiquement, vous reflétez une gamme de points de vue qui s’inscrivent dans un spectre plus large d’opinions diverses. En effet, l’un des objectifs essentiels d’un parlement est de permettre à ces opinions d’être exprimées et discutées. Pourtant, la marque de toute société civilisée est que les différences sont débattues avec courtoisie et respect, pour la capacité d’être en désaccord, d’écouter attentivement, et même d’entrer en dialogue avec ceux que nous pouvons considérer comme des opposants, témoigne de notre révérence pour la dignité donnée par Dieu à tous les hommes et femmes. Je vous invite donc à vous tourner vers saint Thomas More, le patron des hommes politiques, dont la sagesse, le courage et la défense de la conscience sont une inspiration intemporelle pour ceux qui cherchent à favoriser le bien-être de la société.
A cet égard, je fais volontiers écho à l’appel de mes récents prédécesseurs selon lequel l’identité européenne ne peut être comprise et promue que par référence à ses racines judéo-chrétiennes. La sauvegarde du patrimoine religieux de ce continent n’a cependant pas seulement pour but de sauvegarder les droits des communautés chrétiennes, ni surtout de préserver certaines coutumes ou traditions sociales qui, en tout cas, varient d’un lieu à l’autre et au cours de l’histoire. C’est avant tout une reconnaissance de fait. En outre, chacun est bénéficiaire de la contribution que les membres des communautés chrétiennes ont apportée et continuent d’apporter pour le bien de la société européenne. Nous n’avons qu’à rappeler quelques-uns des développements importants de la civilisation occidentale, en particulier les trésors culturels de ses cathédrales imposantes, son art et sa musique sublimes, ainsi que ses avancées scientifiques, sans parler de la croissance et de l’expansion des universités. Ces développements créent un lien intrinsèque entre le christianisme et l’histoire européenne, une histoire qui devrait être chérie et célébrée.
Je pense en particulier aux riches principes éthiques et aux schémas de pensée qui constituent le patrimoine intellectuel de l’Europe chrétienne. Ceux-ci sont essentiels pour sauvegarder les droits divinement conférés et la valeur inhérente de chaque personne humaine, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Ils sont également fondamentaux pour répondre aux défis posés par la pauvreté, l’exclusion sociale, la privation économique, ainsi que par la crise climatique actuelle, la violence et la guerre. Faire en sorte que la voix de l’Eglise, notamment à travers sa doctrine sociale, continue d’être entendue, ne consiste pas à restaurer une époque passée, mais à garantir que les ressources clés pour la coopération et l’intégration futures ne soient pas perdues.
Ici, je voudrais réitérer l’importance de ce que le pape Benoît XVI* a identifié comme étant le dialogue nécessaire entre « le monde de la raison et le monde de la foi – le monde de la rationalité laïque et le monde de la croyance religieuse » (Discours à la société civile, Westminster Hall, Londres, 17 septembre 2010). En effet, cette conversation publique, dans laquelle les hommes politiques ont un rôle hautement significatif, est vitale pour respecter la compétence spécifique de chacun, ainsi que pour fournir ce dont l’autre a besoin, à savoir un rôle mutuellement « purifiant » pour s’assurer qu’aucun ne soit victime de distorsions (cf. ibid.). Ma prière est que vous jouiez votre propre rôle en vous engageant positivement dans ce dialogue important, non seulement pour le bien des peuples d’Europe, mais de toute notre famille humaine.
Avec ces quelques pensées, je vous assure d’un souvenir dans mes prières, et j’invoque sur vous et sur vos familles les bénédictions de sagesse, de joie et de paix de Dieu. Merci.
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* " L’ordre juste de la société et de l’État est le devoir essentiel du politique. Un État qui ne serait pas dirigé selon la justice se réduirait à une grande bande de vauriens, comme l’a dit un jour saint Augustin: «Remota itaque iustitia quid sunt regna nisi magna latrocinia ? » (C’est pourquoi, sans la justice, que sont les royaumes sinon de grandes bandes de brigands ?) " (Encyclique Deus caritas est § 28 a)
Voir a/s de cette citation d'Augustin : Histoire, Théorie du lien social " Actualité du droit naturel. Augustin et Benoit XVI " 30 septembre 2011 Philippe Cibois. Texte dans lequel l'auteur aborde la notion de " Libidino dominandi ", expression latine, qui désigne la soif de dominer, le désir orgueilleux de commander, de contrôler les autres et d'exercer sa puissance, une forme de concupiscence (cf. auj. Netanyahou, Trump, Poutine, ...).
Pascal l'associait à l'orgueil, la volonté de s'imposer, et la considèrait comme une illusion de maîtrise de soi et des autres, menant à l'insatisfaction (cf. les joies tristes, l'impermanence de la satisfaction, ou les " passions tristes " de Spinoza) . Le succès de la libidino dominandi marque un déclin philosophique. Pierre Bourdieu la reprend pour analyser les dynamiques de pouvoir social, notamment la domination masculine. En résumé, la libido dominandi est la pulsion de pouvoir et de domination sur autrui.
C'est à rapprocher de la notion d'hubris, concept grec antique désignant la démesure, l'orgueil excessif, l'arrogance ou la violence qui pousse un mortel à se croire supérieur aux dieux, défiant ainsi l'ordre cosmique et entraînant sa chute, symbolisée par Némésis, la déesse de la vengeance ; en français moderne, cela se traduit par un excès orgueilleux de comportement.
Cela renvoie à son tour à l'« homme prométhéen » qui fait référence à la figure mythologique de Prométhée, caractérisée par un esprit de défi, de progrès technique et de foi dans la puissance humaine, qui ose narguer les dieux - l'autorité) - pour offrir le savoir (le feu) à l'humanité. Il symbolise ainsi un idéal de l'hubris et une volonté démesurée de l'homme à s'élever au prix d'une punition divine (mythe d'Icare et sa chute).
Cette prétention mégalomane et mythomane s'illustre aujourd'hui dans le transhumanisme ou la philosophie contemporaines : les Gafam qui entretiennent le régime Maga de corruption généralisée de Trump, la politique génocidaire de Netanyahou, le comportement criminel de Poutine.