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Billet de blog 11 septembre 2013

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Syndicat SUD Intérieur : la liberté d'expression des fonctionnaires

Le syndicat SUD intérieur publie un tract national sur la censure de la liberté d'expression des fonctionnaires alors que Philippe Pichon vient d'être jugé sur un dossier - visé par une instruction mettant en cause la police - sur la base duquel le ministère public n'hésite pas à requérir une condamnation et un avocat réclamer 4000 euros de dommage et intérêts au nom de l'Etat.

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Le syndicat SUD intérieur publie un tract national sur la censure de la liberté d'expression des fonctionnaires alors que Philippe Pichon vient d'être jugé sur un dossier - visé par une instruction mettant en cause la police - sur la base duquel le ministère public n'hésite pas à requérir une condamnation et un avocat réclamer 4000 euros de dommage et intérêts au nom de l'Etat.

Le fossé entre le droit et sa mise en pratique interpelle sérieusement sur l'illusion de "l'apparence du droit", ou son interprétation contestable au sein du ministère de l'intérieur, expliquant, par exemple, les poursuites contre Philippe Pichon, malgré les incohérences de ce dossier.

D'une part, la mission première du ministère de l'intérieur n'est pas la répression mais la garantie des libertés publiques.

La liberté d'expression, y compris celle du fonctionnaire, est une liberté publique, un droit de l'Homme, comme le rappelle SUD et la Ligue des droits de l'Homme :

Liberté d'expression: du défi au délit

Le site du ministère place lui-même cette mission de garantir les libertés publiques en priorité :

Garantir la sécurité des citoyens et des biens

  • Élaborer et faire respecter les règles garantissant aux citoyens l'exercice des libertés publiques, notamment par le suffrage universel.
  • Protéger la population contre les risques ou fléaux de toute nature et contre les conséquences d'un conflit éventuel.

Source : http://www.interieur.gouv.fr/Le-ministereI

Il y a dès lors une inversion des priorités, laquelle inversion est très dommageable à l'Etat de droit, puisqu'elle fait prévaloir la répression sur les libertés publiques (voir par exemple la condamnation de l'Etat par le TA de Lyon à propos du comportement du ministère de l'intérieur à l'égard des Roms).

La mission du ministre de l'intérieur à garantir l'effectivité des Libertés publiques est confiée à la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ).

Cette même direction est en charge de la gestion et du conseil juridiques du ministre dans les contentieux.

Cette direction suit les dossiers comme le confirme la représentation de l'Etat dans l'accusation en la personne de Madame Pascale Léglise contre Philippe Pichon et Sihem Souid.

Madame Léglise est une magistrate, professionnelle du droit. Elle dirige le conseil juridique et le contentieux de la DLPAJ.

Le tract de SUD soulève cependant un doute très sérieux sur la validité et l'impartialité de ce contrôle et ce suivi tant les approximations de la Direction des libertés publiques du ministère de l'intérieur à propos de la liberté d'expression inspirent le plus grand scepticisme.

Sud intérieur

Il devient dès lors légitime, au vu des critiques sérieuses qu'énonce le tract de SUD sur la fiche sur la liberté d'expression des fonctionnaires publiée par la DLPAJ, de s'interroger sur la rigueur des poursuites dont font l'objet les fonctionnaires, sous le contrôle de cette DLPAJ et donc, notamment, celles qui accablent Philippe Pichon.

Ce scepticisme est redoublé dans l'affaire de Philippe Pichon quand on sait, en plus des erreurs de la DLPAJ :

- Que l'action du ministre de l'intérieur, contre Philippe Pichon mais pas seulement, est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire (article 13 du code de procédure pénale, voir égal. Code européen d'éthique de la police) ;

- Que le parquet veille impartialement au respect de la loi (art. 31 du code de procédure pénale) ;

- Que la " clameur publique " justifie l'ouverture d'une enquête en flagrance selon l'article 53 du code de procédure pénale ;

- Qu'en cas de faux le procureur se saisit lui-même des faux et les poursuit selon les articles 642 et suivants du code de procédure pénale ;

- Que la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que : "constitue un faux l'acte fabriqué par une ou plusieurs personnes à seule fin d'éluder la loi et de créer l'apparence d'une situation juridique de nature à porter préjudice à autrui" et que "l'altération frauduleuse de la vérité affectant la substance d'un procès-verbal dressé par un commissaire de police, fonctionnaire public, dans l'exercice de ses fonctions, revêt la qualification criminelle du faux en écriture publique et ce, lors même qu'un tel procès-verbal ne vaudrait qu'à titre de simple renseignement" (Aff. 04-84.742 et Aff. 02-87.628 ) ;

- Qu'un faux en écriture publique est une infraction criminelle (Art. 441-4 du code pénal) laquelle impose l'ouverture d'une instruction (article 79 du code de procédure pénale) ;

- Et que le parquet de Paris informé par la " clameur publique " qu'il y aurait un faux dans le dossier de Philippe Pichon ne s'en saisit pas et ne le poursuit pas, mais accable la victime de ce faux, au mépris des droits de cette victime consacrés par l'article préliminaire du code de procédure pénale.

Il est alors étonnant que le Parquet n'ait pas attendu l'appréciation de l'autorité judiciaire indépendante, le juge d'instruction, pour s'assurer de ne pas poursuivre un innocent et prendre le risque d'être lui-même contraint à s'expliquer (Articles 432-1 à 432-3).

Que peut bien signifier une telle précipitation au risque de commettre une erreur judiciaire ? Nonobstant un éventuel soupçon d'escroquerie au jugement.

D'autre part, et selon le code pénal (Article 432-10), réclamer 4000 euros, sur une procédure susceptible d'être déclarée illégale, pourrait-être répréhensible. L'Etat n'engage-t-il pas ainsi un peu témérairement et précipitamment la responsabilité de son agent judiciaire du trésor en le faisant se constituer partie civile contre la victime d'un faux en écriture publique dont l'affaire est à l'instruction ? L'avocat lui-même n'aurait-il du pas se déporter, en attendant au moins le résultat de l'instruction ?

« Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ». (source : Barreau de Paris)

L'affaire de Philippe Pichon, en l'état de ce qu'il est permis d'en savoir par la presse et la notoriété publique, témoigne donc d'une certain manque de rigueur dans les poursuites et d'une très grande inertie d'un système.

C'est la question de fond du débat initié par SUD dans son tract national à propos de la fiche de jurisprudence perfectible de la DLPAJ sur la liberté d'expression des fonctionnaires, dont le bénéfice est clairement refusé à Philippe Pichon. D'où l'intérêt à prendre connaissance du dossier de SUD.

Summum jus summa injuria

Asinus asinum fricat

source image

_____________________

Lien pour accéder à l'article complet accompagné de la fiche DLPAJ sur la liberté d'expression des fonctionnaires ::"Exemple d’errance et de fourvoiement administratifs : La DLPAJ et son interprétation très perfectible des Libertés publiques."

Solidaires Unitaires Démocratiques Intérieur
Membre de l’Union Syndicale Solidaires
80-82 rue de Montreuil 75011 Paris
sud.interieur@gmail.com
Tel : 06 48 57 04 98
WWW.SUDINTERIEUR.FR

Le tract de SUD Intérieur est téléchargeable sous le lien suivant :

Exemple d'errance et de fourvoiement administratifs : la DLPAJ et son interprétation très perfectible des Libertés publiques

Autres sources :

Prison avec sursis requise contre l'ex-policier Philippe Pichon

Par Louise Fessard

Une peine de prison de 4 à 6 mois avec sursis a été requise mardi contre Philippe Pichon, un ancien commandant de police poursuivi pour avoir transmis à la presse, dans son combat contre les illégalités des fichiers de police, les fiches Stic de deux personnalités.

Lire aussi :

Il faut réintégrer le commandant Pichon

Les soutiens de l'ex-policier Philippe Pichon dénoncent «une affaire d'Etat»

Procès du policier Philippe Pichon

Le procès du policier Pichon est renvoyé

Mise à la retraite d'office du policier Philippe Pichon confirmée

Un policier risque la révocation pour avoir dénoncé les dérives du fichier Stic

Les fichiers de police, de dangereux récidivistes

Les policiers lanceurs d'alerte continuent d'être harcelés par leur ministère

Falsification de PV : des policiers de Tarbes sont accusés

Des écoutes administratives illégales à tire-larigot?

Scandale de l’IGS: qui peut contrôler la police des polices ?

Jurisprudence sur les faux en écriture publique :

Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 18 mai 2005, 04-84.742, Publié au bulletin

Titrages et résumés : FAUX - Altération de la vérité - Acte fabriqué à seule fin d'éluder la loi et de créer l'apparence d'une situation juridique - Ordonnances établies par un médecin salarié sous le nom d'un confrère exerçant à titre libéral.
Constitue un faux l'acte fabriqué par une ou plusieurs personnes à seule fin d'éluder la loi et de créer l'apparence d'une situation juridique de nature à porter préjudice à autrui.

Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 28 octobre 2003, 02-87.628, Publié au bulletin

Titrages et résumés : FAUX - Faux en écriture publique ou authentique - Ecriture publique - Définition - Procès-verbal dressé par un commissaire de police.
Ne donne pas de base légale à sa décision l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer, en raison de la prescription triennale, sur les faits dénoncés par la partie civile qui arguait de faux les énonciations d'un procès-verbal dressé par un commissaire de police, retient que le procès-verbal incriminé n'avait pour objet que de relater les motifs et circonstances de la remise de la personne concernée à l'autorité administrative aux fins d'examen médical dans les conditions prévues par les articles L. 342 à L. 349, alors applicables, du Code de la santé publique, et que, même rédigé par un représentant de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions, et fût-il entaché du faux intellectuel allégué, il ne saurait constituer le crime prévu par l'article 441-4 du Code pénal.
En effet, à la supposer établie, l'altération frauduleuse de la vérité affectant la substance d'un procès-verbal dressé par un commissaire de police, fonctionnaire public, dans l'exercice de ses fonctions, revêt la qualification criminelle prévue audit article et ce, lors même qu'un tel procès-verbal ne vaudrait qu'à titre de simple renseignement.

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