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Ligue des droits humains et Amnesty international Bruxelles ; MRAP Dunkerque ; SUD intérieur et Observatoire du stress de France Télécom Paris

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Le droit selon l’école de Bruxelles : l'Ecole critique du droit international

La méthode critique postule une liberté de pensée et des recherches en accordant une attention particulière à la pratique des sujets de l’ordre juridique international, de manière à dépasser une approche purement formaliste des règles de droit international et en prenant également en compte le rôle des rapports de force dans les processus de création et d’application de la règle.

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https://cdi.ulb.ac.be/a-propos-du-centre/lecole-critique-de-droit-international-de-bruxelles/

 Olivier Corten s’est attaché à approfondir divers concepts : celui du raisonnable [23], de la « nature des choses » [24], des rapports entre les registres de légitimité et de légalité dans l’argumentation en droit international [25], des techniques d’interprétation [26], de l’idéologie en droit [27], des lacunes [28], et à présenter des synthèses sur la sociologie juridique [29], la sociologie politique du droit [30] et la méthodologie du droit international public [31].

Pendant la période 1965 à 1990 – période de guerre froide, et surtout de mutation dans la composition de l’ONU – les membres du Centre ont mis leur expertise en droit international au service de diverses causes :

  • des peuples qui luttaient contre le colonialisme [42],
  • pour l’application du droit humanitaire aux luttes de libération nationale (nombreux travaux d’Eric David et important colloque du Centre en 1970 [43]);
  • La nécessaire distinction entre luttes de libération nationales et terrorisme fut développée par un colloque du Centre de 1973 [44] ;
  • Eric David montre la différence entre volontaires et mercenaires [45].
  • Jacques Noël évoque la défense du principe de non-intervention par les Etats latino américains face aux Etats-Unis [46].
  • Michel Vincineau se préoccupe des exportations d’armes et le droit des peuples [47]; deux colloques sur le problème de la militarisation de l’espace sont organisés par le Centre [48]. Parallèlement il participera, à titre personnel, au combat pour la dépénalisation de l’homosexualité [49].
  • Le droit des peuples à disposer de leurs ressources naturelles contre l’exploitation néo coloniale fait l’objet d’articles [50].
  • Paulette Pierson-Mathy, qui a été pendant plusieurs années associée aux travaux du Centre, principalement comme secrétaire de rédaction de la RBDI, également attachée au Centre d’études africaines de l’Institut de Sociologie, concentre ses publications et  ses recherches sur les rapports entre droit international et luttes de libération nationale,  luttes menées principalement en Afrique mais aussi au Moyen Orient et en Extrême Orient [51].
  • Le Centre défend les positions de l’Assemblée générale pour un Nouvel ordre économique international (qui a d’ailleurs avorté),
  • Il soutient les peuples soumis à des dictatures établies en Amérique latine avec le soutien des Etats-Unis (Guatemala, Saint-Domingue, Argentine, Chili [52], etc), et le peuple grec face à ses colonels.
  • Avec Pierre Mertens [53] les droits de l’homme trouvent un vigoureux défenseur. Au-delà de ses écrits, Pierre  Mertens se signale par de nombreuses missions d’observation du respect des droits de l’homme.
  • La défense des peuples Vietnamien [54], Palestinien [55] et Saharaoui, retient les efforts de plusieurs d’entre nous.
  • Eric David élargit son intérêt à l’ensemble du droit international humanitaire par de multiples travaux [56].

Les choses vont changer avec la fin de la guerre froide. Celle-ci entraîne la suprématie des Etats-Unis, le déclin des idéologies socialistes, la marginalisation du tiers-monde ainsi que le grignotage de l’Etat providence en Europe par l’économie néo-libérale et la mondialisation triomphantes. Francis Fukuyama annonce « la fin de l’histoire ».

C’était aller un peu vite en besogne et sans compter sur l’apparition de nouvelles contradictions, à l’Est comme à l’Ouest : la multiplication de conflits internes, l’émergence de nouvelles puissances économiques, l’apparition de nouvelles forces comme la « société civile », la crise financière du monde capitaliste, l’unilatéralisme américain et ses aventures en Asie. Il s’agit maintenant  de maintenir les acquis des grands principes des relations amicales, de régler dans le respect du droit les conflits armés internes de plus en plus nombreux dans un monde où l’Etat souverain est affaibli, de faire face à la pauvreté qui atteint maintenant le monde développé. Les combats du Centre deviennent pour une bonne part conservateurs des principes juridiques acquis.

 Les membres du Centre, s’impliquent donc dans de nouveaux combats :

  • Olivier Corten et Pierre Klein publient plusieurs ouvrages critiquant le droit d’ingérence [57].
  • Le Nouvel ordre international annoncé sous Bush I fait l’objet d’un ouvrage collectif acide [58].
  • On s’inquiète d’un Conseil de sécurité instrumentalisé qui prend des allures de législateur (Catherine Denis) [59]
  • Et plus encore de l’unilatéralisme américain dans une série de domaines [60].
  • La défense des droits de l’homme reste un champ de recherches avec Philippe Frumer [61].
  • La tentative d’universalisation du modèle occidental de démocratie [62] ou l’idée de la naissance d’un« Etat de droit international  [63]», ne provoque que scepticisme.

La plupart des membres du Centre (Olivier Corten, Pierre Klein, Barbara Delcourt, Eric David, Olivier Paye, François Dubuisson, Anne Lagerwall) s’appliquent à décrypter les justifications des aventures militaires opérées sous divers prétextes : la guerre du Golfe (Irak/Koweit 1990-1991) [64], celle d’Afghanistan (novembre 2001) ; l’ensemble des violences faites au droit international par la guerre en Yougoslavie [65], l’intervention armée en Irak [66], les constructions pour justifier la sécession du Kosovo [67], « l’intervention consentie » de l’Ethiopie en Somalie [68].

Très spectaculaire fut l’appel de Juristes de droit international concernant le recours à la force contre l’Irak » [69] lancé à l’initiative du Centre et qui devait ultérieurement inspirer la Déclaration de Bruges sur le recours à la force par l’Institut de droit international [70].

On retrouve les mêmes auteurs dans plusieurs travaux traitant des menaces insidieuses contre l’ordre international au nom de concepts variés : l’ingérence humanitaire [71], la lutte contre le terrorisme [72], les guerres préventives [73], la guerre juste [74], l’usage abusif de la légitime défense [75], son extension à des opérations de police contre des « groupes terroristes », la « responsabilité de protéger [76] ; l’autorisation implicite, présumée ou rétroactive du Conseil de sécurité, le « droit d’intervention » de certaines organisations régionales,  etc.

Dans son ouvrage « Le droit contre la guerre » [77] Olivier Corten fait bonne justice de ces déviances et des théories à la mode qui tendent à atténuer la protection des individus en période de conflits armés ou en situation de crise.

Un thème récurrent de l’activité du Centre (Eric David, Vaios Koutroulis, et d’autres) est la protection des victimes des conflits armés, la diffusion de l’activité des juridictions pénales internationales (notamment le TPIR) et l’amélioration des voies de recours pour les victimes civiles par la compétence universelle [78]. Les causes de l’échec de cette dernière tentative, qui a fait trembler les chancelleries, ont été analysées implacablement par Olivier Corten [79].

La défense des droits des peuples coloniaux à l’autodétermination reste une constante pour le Centre : au Sahara occidental [80] et en Palestine [81]. L’investissement d’Eric David et François Dubuisson dans les travaux du Tribunal Russel pour la Palestine ont été notables. Mentionnons encore la défense de l’Etat souverain, bête noire de la mondialisation, et pourtant dernier rempart face aux ravages qu’inflige aux citoyens le triomphe de l’économie néo libérale [82].

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