Les rédactions s'entendent déjà à vendre le duel Macron Le Pen alors que les états-majors politiques savent qu'un tel deuxième tour de l'élection présidentielle n'intéresse pas 70% de l'électorat.
Cela donne déjà la mesure du risque d'abstention au second tour, si les rédactions s'abstiennent de trouver des candidats sérieux et des programmes qui corrigent efficacement les inégalités économiques et sociales. Aucun média ne propose à l'électorat un tableau synthétique de la situation économique et sociale ; alors que tous, ou presque, proposent des pages bourse pour les spéculateurs.
Il ne sera pas possible de jouer la surprise comme pour les régionales, dont les résultats devraient conduire à s'interroger sur la qualité du journalisme politique.
L'électorat a une exigence démocratique légitime de fond. Il ne se mobilise que s'il est pris au sérieux. S'il est respecté. Ce qui n'est pas le cas, comme le montre le traitement médiatique de la déclaration de l'acteur Pio Marmaï, décontextualisée et sans rappel historique des violences et des responsabilités politiques.
ACRIMED pose le diagnostic d'un "journalisme hippique".
Le festival de Cannes, dans la métaphore animalière, interroge s'il ne s'agit pas plutôt d'un journalisme de poisson rouge. Bruno Patino, qui fut doyen de l’école de journalisme de Sciences Po Paris pendant 14 ans, qualifie cela de "civilisation du poisson rouge".
La question se pose logiquement en considération de la précipitation des médias à courir après les réseaux sociaux et à vouloir les gagner de vitesse ; au risque de se ridiculiser, ce qui révèle un mépris de l'information et du public.
L'interrogation est d'importance dans une période électorale.
Comme le montre la recension de la déclaration de Pio Marmaï, l'information est déconnectée de la réalité, sans recontextualisation ni mise en perspectives des dérives politiques (condamnations de l'exécutif des Nations Unies du Conseil de l'Europe et de l'UE pour sa répression sanglante des gilets jaunes, manifestation du 19 mai, loi sécurité globale, réforme des retraites, régression sociale et des libertés publiques ...)
Le 4° pouvoir serait-il aussi médiocre que les trois autres qu'il critique ?
Cela ne peut qu'amplifier le doute sur la profession des journalistes - qui ont fait le succès de Macron - quant on relève l'écho important qu'ils donnent au propos de Pio Marmaï lors de la conférence de presse sur le film " La fracture " de Catherine Corsini ; tout en omettant de rappeler le bilan dramatique de la répression dont Christophe Castaner est responsable et que ces mêmes journalistes absolvent en lui donnant le beau rôle de dénoncer la violence :
- «Macron, j'aimerais bien aller chez lui et lui péter la gueule» : la sortie polémique de Pio Marmaï en plein Festival de Cannes
- Cannes : des propos de Pio Marmaï sortis de leur contexte créent la polémique
- Festival de Cannes : l’acteur Pio Marmaï aimerait «péter la gueule» d’Emmanuel Macron
- "Macron, j'aimerais bien lui péter la gueule" : un acteur français tacle le président en direct du Festival de Cannes
- "Macron, j'aimerais lui péter la gueule" : Pio Marmaï fait polémique malgré lui
- Pio Marmaï rêve de "péter la gueule" à Macron, Castaner dénonce un "appel à la violence"
- "Macron, j’aimerais bien lui péter la gueule !" : la sortie de Pio Marmaï à Cannes fait polémique
- Festival de Cannes : Pio Marmaï veut «casser la gueule» d'Emmanuel Macron
- Pourquoi Pio Marmaï fait polémique à Cannes
- Cannes. Des propos de Pio Marmaï sur Emmanuel Macron font polémique, Christophe Castaner répond
- Pio Marmaï : ses propos virulents à l'égard d'Emmanuel Macron à Cannes font polémique
- ...
Si Une société se juge à l’état de ses prisons (Camus), la démocratie s'apprécie par le sérieux de son information et de ses professionnels.
En l'état actuel, le journalisme est aussi de basse intensité (Cf. not. l'analyse de Julia Cagé). Il existe des exceptions, mais l'appréciation d'ensemble est très inquiétante dans la perspective de 2022. C'est d'autant moins admissible qu'un risque de 70% d'abstention en cas de duel Le Pen Macron au 2° tour est déjà annoncé.
Il n'y a pas de fatalité. Il n'y a que des abdications.