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Billet de blog 13 novembre 2024

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Qu’est-ce que l’antisionisme ?

Les soutiens inconditionnels du génocide en Palestine assimilent systématiquement toute critique des crimes d’Israël à de l’antisémitisme pour étouffer le débat et la revendication légitime du respect des droits humains et de la dignité. Trois commentaires d'Arrêt sur images offrent un début de clarification permettant de combattre le confusionisme assimilant antisionisme à antisémitisme.

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J. Grau

23 juillet 2022 à 14:44:40

45 j'approuve

Bonjour et merci pour cet article intéressant et nuancé. J'aimerais tout de même réagir à une phrase que je trouve inexacte et dangereuse :

" Mais si l'antisionisme est incontestablement une des formes modernes de l'antisémitisme, on ne peut accepter, collectivement, que la critique d'Israël et de sa politique soit systématiquement suspecte ou accusée antisémitisme. "

Non, l'antisionisme n'est pas "incontestablement" une des formes modernes de l'antisémitisme ! Il est certain que des antisémites patentés se cachent derrière la bannière de l'antisionisme pour éviter de passer en justice ou pour ne pas trop effrayer les gens. Parfois, cela devient carrément grotesque, pour ne pas dire drôle, comme lorsque Dieudonné disait sur une chaîne iranienne que c'étaient les sionistes qui avaient crucifié Jésus ! Mais il n'en demeure pas moins qu'on peut être hostile au sionisme sans être antisémite. C'est le cas, par exemple, de tous les Juifs qui ont refusé de cautionner l'aventure sioniste au début du 20ème siècle (notamment pour des motifs religieux). Aujourd'hui, l'historien Shlomo Sand me semble être un bon exemple d'un antisioniste qu'on ne saurait soupçonner d'antisémitisme. Il ne souhaite pas la disparition de l'Etat d'Israël, mais il est choqué que n'importe quelle personne juive, même habitant à l'autre bout de la planète, puisse devenir citoyenne israélienne alors que de nombreux Palestiniens ne peuvent revenir dans la terre d'où leur famille a été chassée. C'est cela le sionisme : le fait d'accorder un privilège à une ethnie (ou une pseudo-ethnie, qui est largement une construction historique) au détriment de gens qui habitent depuis des siècles sur un petit territoire du Proche-Orient. Maintenant, peut-être y a-t-il d'autres définitions du sionisme... Je sais que certains sionistes, à une certaine époque, voulaient une véritable égalité entre les Juifs et les Palestiniens, mais j'ai peur que leur conception du sionisme ne soit demeurée ultra-minoritaire. 

(...)

_________________

J. Grau

23 juillet 2022 à 23:54:30

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8 j'approuve

Merci pour ces informations. Mais même si le terme "antisionisme" a été créé par les staliniens, le refus du sionisme est plus ancien, et il n'est pas forcément antisémite. Il peut y avoir plein de formes d'antisionisme (ou de refus du sionisme, pour employer une périphrase plus neutre). Il y a  ou il y a eu des Juifs très critiques à l'égard du sionisme, que ce soit pour des raisons religieuses ou des raisons politiques (comme c'est le cas pour Shlomo Sand, dont la critique du sionisme a des racines dans un mouvement d'extrême gauche, si j'ai bien compris). Cf. à ce sujet l'article de Wikipedia sur l'antisionisme. Cf. aussi, pour avoir plus d'informations, ce long texte extrait d'un livre d'Alain Gresh : Israël-Palestine, vérités sur un conflit

https://blog.mondediplo.net/2006-11-29-Judaisme-sionisme-et-fantasmes-III

Ce qu'affirme Gresh, en s'appuyant sur des citations qui me semblent probantes, c'est que le sionisme a été dès le départ un mouvement colonial, comparable à la colonisation progressive des Etats-Unis et de l'Australie par des descendants d'Européens, au détriment des peuples indigènes de ces deux  pays. L'expropriation des Arabes était déjà envisagée par Th. Herzl. Cela ne veut pas dire que tous les sionistes étaient favorables à une solution violente, mais ce n'est pas la mouvance pacifique et respectueuse des Palestiniens qui l'a emporté historiquement. Par ailleurs, il y a tout de même une spécificité du colonialisme sioniste : il a été motivé au départ par un antisémitisme très violent dans plusieurs pays d'Europe (dont la France), qui a culminé avec la Shoah. Cela n'excuse pas tout, mais cela permet tout de même de mieux comprendre comment l'idée d'un Etat juif en Palestine a pu avoir une légitimité aux yeux de beaucoup de Juifs du monde entier, mais aussi pour beaucoup de non-Juifs.... Cependant, comme l'explique Alain Gresh, il y a aussi une autre raison à cette légitimité : les Européens, et notamment les Anglais, se sentaient beaucoup plus proches des sionistes (originaires majoritairement d'Europe) que des Palestiniens. 

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frdubuis-150406 frdubuis

24 juillet 2022 à 00:35:24

J. Grau

5 j'approuve

Merci pour cette mise au point. Effectivement, cette phrase dans l'article est extrêmement problématique et dénote une grave méconnaissance de la question. Elle ne fait que reprendre une formule péremptoire, utilisée par les défenseurs absolus de la politique d'occupation israélienne. Cette formule antisionisme = antisémitisme ne s'embarrasse pas de définir ni le sionisme, ni l'antisionisme, ce qui permet d'y englober pratiquement tout discours critiquant la politique israélienne ou se montrant favorable à une solution à un Etat. Le sionisme ne se limite pas à l'existence de principe de l'Etat d'Israël. Il consiste en une certaine conception de l'Etat d'Israël en tant qu'Etat juif et un ensemble de politiques dont bon nombre sont intrinsèquement contraires au droit international (annexion de Jérusalem-Est, installation de colonies de peuplement, mesures discriminatoires appliquées à la population palestinienne, occupation indéfinie des territoires palestiniens sous prétexte d'une revendication d'une souveraineté juive...). Le fait que certaines personnes puissent verser dans l'antisémitisme en se prévalant d'une critique du sionisme ne signifie aucunement que de manière générale un discours que l'on pourrait qualifier d'"antisioniste" (encore faudrait-il en définir certains critères) relève en aucune manière d'une forme - moderne ou non - d'antisémitisme.

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