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Billet de blog 17 septembre 2014

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Les partis politiques sont les gardiens des principes fondamentaux et des liberté publiques selon l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen qui doit s'interpréter à la lumière de l'évolution de ces droits et libertés depuis 1789, et y inclure donc tous les nouveaux droits de l'Homme : " Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. "

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Les partis politiques sont les gardiens des principes fondamentaux et des liberté publiques selon l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen qui doit s'interpréter à la lumière de l'évolution de ces droits et libertés depuis 1789, et y inclure donc tous les nouveaux droits de l'Homme : " Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. "

Parmi ceux-ci se trouve la liberté de circuler des personnes. Le droit à la liberté d'aller et venir. L'entrave à cette liberté relève de l'appréciation seule du juge judicaire selon l'article 66 alinéa deux de la Constitution instituant "L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle". Or, le projet en discussion méprise ce principe en confiant au juge administratif le contrôle de la privation de circuler comme l'Assemblée nationale vient de l'adopter (ICI et LA).

La liberté de circuler est également consacrée par le droit international public et le droit de l'Union européenne, qui est de valeur constitutionnel selon l'article 88-1.

Le législateur, les politiques, ne peuvent donc pas se fourvoyer impunément, se compromettre, dans le mépris des principes fondamentaux en l'habillant d'un formalisme superficiel sans jouer avec et risquer de perdre la confiance de l'opinion.

C'est très grave, comme Mesdames Isabelle Attard, Marie-Françoise Bechtel, Danielle Auroi ou M. François de Rugy soulignent fort justement les incohérences de fond du texte et ses conséquences pour l'individu, Pierre Lelouche proposant à l'Assemblée la privation des droits sociaux associée à l'interdiction de sortie du territoire.

La lecture du débat permet de relever des pépites.

M. Pascal Popelin est inquiétant  : " En droit, les choses sont simples : tous les mots ont un sens et le concept de « droits sociaux », (...), n’existe pas ! ".

L'UMP vole au secours du gouvernement avec l'approbation du président de la Commission des lois

Mme Danielle Auroi. Il me semble que tout cela est une question d’interprétation, et que la Cour européenne de justice pourrait se prononcer autrement. Nous maintenons donc notre amendement.

M. Guillaume Larrivé. Je ne voudrais pas compromettre M. le ministre en volant trop bruyamment à son secours, mais –pardon de le dire aussi directement – d’un point de vue juridique, l’amendement du groupe écologiste est proprement délirant. (...) Mais prenez garde, chers collègues, de ne pas entacher nos débats du soupçon selon lequel l’action du ministère de l’intérieur serait toujours illégitime si elle n’est pas bénie par l’autorité judiciaire. Ce n’est pas la République française ; ce n’est pas l’État de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

Très bien ?

Peut-on vraiment se féliciter ou se réjouir à ce point et dans ces conditions de l'invention d'une flétrissure administrative que " l'interdit administratif de sortie du territoire " devra supporter et dont il n'aura jamais la certitude qu'elle soit corrigée ?

Une telle mesure confère à la France l'image d'une prison dont le pouvoir tend à interdire à ses citoyens la possibilité de s'en évader. Il y a meilleur exemple de démocratie.

La République laïque repose sur le respect et la rigueur des principes qu'elle énonce, consacre et prétend défendre ou promouvoir.

L'adoption du texte par l'Assemblée nationale atteste du contraire.

Si la majorité de la représentation nationale ne respecte pas les valeurs de la République, elle les décrédibilise. Il est donc vain de se plaindre de ceux qui les menacent.

De la même façon, elle confère, paradoxalement, plus d'attrait aux références opposées à la laïcité et en fait des valeurs dans lesquelles, les gens - qu'elle stigmatise par sa persistance à étoffer son arsenal répressif, fut-il "adminsitratif" - peuvent avoir la faiblesse de penser y trouver un refuge, un échapatoire.

L'intervention des autorités religieuses est d'autant moins crédible qu'elles interviennent à la demande des autorités politiques qui ne respectent pas leurs propres valeurs.

Poser des interdits tout en ne respectant pas ses obligations est le plus sur moyen de délégitimer l'action publique et de convaincre les indécis eux-mêmes de l'existence d'un droit légitime qu'ils ont à franchir un interdit, parce qu'il est arbitraire ; parce qu'on leur donne aussi l'idée que la France est une prison, dans laquelle ils n'ont aucun droit et de laquelle il ne leur est plus autorisé de partir, au mépris des libertés et des droits fondamentaux.

Enfin, des députés UMP et le ministre de l'intérieur soutiennent l'idée de la déchéance de la nationalité française.

Cela revient à exclure une personne en lui faisant reproche des conséquences de n'avoir pas bénéficié de la garantie effective du droit à l'instruction - dont l'Etat a l'obligation positive d'assurer - qui est la condition essentielle et nécessaire pour être un citoyen intégré dans la société. L'analyse du parcours scolaire et social des 1000 Français partis en Syrie peut préciser la justesse ou le caractère erroné de l'idée sous-jacente à la privation de la nationalité qui peut se résumer par : l'individu est exclu de la communauté nationale parce que l'Etat ne lui a pas donné les moyens de s'y intégrer.

Les débats de l'Assemblée montrent que la législation sur le terrorisme n'est que l'arbre qui sert à cacher la forêt de l'abdication politique en matière sociale.

Le terrorisme est un nouveau millénarisme. La peur qu'il répand permet de faire oublier les négligences de l'Etat sur l'essentiel. L'absence de rigueur intellectuelle dans les démocratie est à la fois le terreau et le but des organisations qui veulent les déstabiliser.

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