Patrick Cahez (avatar)

Patrick Cahez

Ligue des droits humains et Amnesty international Bruxelles ; MRAP Dunkerque ; SUD intérieur et Observatoire du stress de France Télécom Paris

Abonné·e de Mediapart

297 Billets

2 Éditions

Billet de blog 20 mars 2023

Patrick Cahez (avatar)

Patrick Cahez

Ligue des droits humains et Amnesty international Bruxelles ; MRAP Dunkerque ; SUD intérieur et Observatoire du stress de France Télécom Paris

Abonné·e de Mediapart

Réforme des retraites : Qu'est-ce qu'un(e) élu(e) de la République ?

Le pouvoir invoque l'élection pour se justifier. L'élection ne légitime pas l'action de l'élu. C'est sinon valider les pouvoirs autoritaires issus des urnes. L'élection n'est qu'un mode de désignation du mandataire temporaire, à qui l'électorat confie la gestion des affaires publiques dans le respect du cadre de son mandat, pour garantir le bien-être général, but d'une société démocratique.

Patrick Cahez (avatar)

Patrick Cahez

Ligue des droits humains et Amnesty international Bruxelles ; MRAP Dunkerque ; SUD intérieur et Observatoire du stress de France Télécom Paris

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Invoquer le titre d'élu(e) de la République pour s'exonérer de toute obligation ou responsabilité et se permettre d'imposer juridiquement  n'importe quoi est abusif. Les partis politiques ont constitutionnellement l'obligation de garantir le respect des droits imprescriptibles, qui s'entendent aujourd'hui à l'ensemble des traités protecteurs des droits humains ratifiés par la France ; selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui s'intéresse d'abord à la réalité pratique, plutôt qu'aux déclarations. La Convention « vise à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires mais « concrets et effectifs » ». La France ayant ratifié cette convention, il doit logiquement en aller de même avec le respect de ses propres dispositions constitutionnelles.

Le but de toute société démocratique est de garantir le bien-être général dans l'égal respect de la dignité de chacun et de chacune.

Le droit en pose le principe depuis plus de deux siècles dans les préambules de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la Constitution des Etats-unis d'Amérique. C'est le sens du mot République tel qu'il doit s'entendre dans une société démocratique et tel que doit l'interpréter tout candidat à une fonction publique.

Un élu, y compris le président de la République, est un agent public, soumis au respect du principe de légalité. Ce n'est que le mode de recrutement qui le différencie des fonctionnaires. Etre un(e) élu(e) de la République sous-entend donc nécessairement et préalablement d'agir en conformité aux dispositions constitutionnelles et conventionnelles et de le faire en transparence. L'élection oblige donc plus qu'elle ne permet.

C'est un impératif d'autant plus catégorique quand l'élu(e) de la République est le gardien de la constitution et qu'il est donc soumis à l'obligation positive d'en garantir l'efficacité. Il ne peut pas sinon invoquer de bonne foi une légitimité des urnes s'il se retranche derrière les apparences, ou une tierce personne, et méprise les obligations que lui impose son élection. Des dictateurs sont issus des urnes et ont commis des crimes. Leur condamnation ou la poursuite de leurs actes démontrent qu'une légitimité issue des urnes est inopérante pour se justifier.

En effet, l'élection ne vaut pas quitus, ni blanc seing, ni permission à négliger le droit et les limites de l'action politique qu'il pose pour garantir le caractère démocratique du fonctionnement des institutions ; c'est-à-dire le respect de la volonté de la population, détentrice exclusive de la souveraineté nationale.

La question de la légitimité de l'action publique se pose donc quand l'exécutif, directement ou par l'intermédiaire des élus ou d'une institution, ne respecte plus le cadre constitutionnel et conventionnel qui borne l'action publique.

Il est insuffisant d'invoquer le respect du formalisme, d'un prétendu cheminement démocratique, quant celui-ci n'est que superficiel et viole au fond tant l'esprit que le but des véhicules juridiques mis en oeuvre pour contourner, comme en l'espèce pour la réforme des retraites, le droit fondamental :  le préambule de la constitution de 1946, la prohibition conventionnelle de la régression sociale, la hiérarchie des normes et les règles de légistiques, qui en imposent le respect. Cette escroquerie intellectuelle procède par inversion normative pour à faire échec à des normes supérieures en détournant des règles de forme.

Un pouvoir qui ne respecte pas les conditions dans lequel il doit s'exercer perd donc sa légitimité. Il ne peut pas faire grief au bien-être général. Il ne peut pas non plus en appeler à l'ordre, notion subjective, pour ordonner la répression, déjà condamnée par la communauté internationale, quand lui-même ne respecte pas l'ordre juridique constitutionnel et conventionnel qui s'impose à lui, le seul ordre public qui vaille.

L'argent n'est pas créateur de droit et le Droit est une matière autonome qui n'est pas accessoire à l'économie.

Au contraire, c'est le Droit qui encadre l'économie au risque sinon de ne plus faire société, mais de revenir à l'état de nature, celui du rapport de forces, de la loi du plus fort ou du plus riche, nonobstant la question de l'origine honnête ou non de la fortune. C'est valider la logique du crime organisé. Cette confusion peut expliquer la tendance à la corruption, à l'affairisme, aux conflits d'intérêts et aux prises illégale comme l'illustre de plus en plus régulièrement la chronique politique. Au point d'anesthésier les journalistes et banaliser le scandale ordinaire.

La République repose sur l'adhésion du plus grand nombre, pas sur la contrainte. L'histoire montre que l'ordre n'est pas la justice et qu'il faut parfois créer du désordre pour rétablir la justice. C'est ce que la population a démontré et obtenu en manifestant contre le CPE. La loi votée et validée par le Conseil constitutionnel a été retirée par le président de la République.

L'élu(e) de la République ne peut invoquer son titre que s'il respecte le droit qui encadre l'exercice de son mandat et qu'il est en accord avec la volonté nationale. Le dissensus entre le titulaire et sa fonction naît de la défaillance à remplit ces conditions. En appeler à la République, comme à l'honneur, valeur cardinale française, nécessite d'être irréprochable. C'est sinon contre productif.

En effet, la République n'est pas un paillasson qu'on oppose à celles et ceux qui la composent et sur qui s'essuient les pieds ceux qui l'invoquent.  Quant à l'honneur, " L’honneur est une essence qui ne se voit pas ; beaucoup semblent l’avoir, qui ne l’ont plus. " (Othello sc. 11)

*

*          *

Mise à jour :

Liberation.fr Macron : présidentialisme sans légitimité au service du marché

Prolonger :

Qu’attend-on aujourd’hui d’un représentant du peuple ? 

Qu’attend-on des représentants du peuple en démocratie ? Doivent-ils écouter le peuple, le parti ou leur conscience ? Qu’est-ce qui doit primer : leur jugement ou leur comportement ?

Avec      

  • Erwan Sommerer maître de conférences en Science politique à l'Université d'Angers, et membre du Centre Jean Bodin    
  • Samuel Hayat chercheur en science politique au CEVIPOF (CNRS / Sciences Po)  

Géraldine Muhlmann et ses invités se demandent ce qu'on attend aujourd'hui d'un représentant du peuple.

ég. :

- France culture :

- Médiapart :

Jacques Rancière: «Le PS a largement tué la gauche»

Dans « À l’air libre » mercredi, le philosophe Jacques Rancière décrit, à un an de la présidentielle, la « situation critique pour ce qu’on appelle la gauche ».

Bibl.

- " La Constitution maltraitée " par Laureline Fontaine

Voir : « Le Conseil constitutionnel ne joue pas le rôle de contre-pouvoir »

- " Une brève histoire du droit en Europe Les 2500 dernières années " par Tamar Herzog

Historienne et enseignante à Harvard, Tamar Herzog propose ici un ouvrage qui, plutôt que de considérer le droit comme immuable, le réinscrit dans l’histoire et ses aléas.

Comment invente-t-on le droit et selon quels principes ? Qui le fabrique et dans quelles circonstances ? Depuis Rome, le moment initial, jusqu’à l’éclosion de l’Union européenne en passant par les refondations médiévales, les évolutions outre-Atlantique et les prétentions universalistes occidentales, elle dévide l’écheveau complexe mais vivant des normes dont les sociétés se sont successivement dotées pour se gouverner.
À travers ce vaste récit aux nombreux rebondissements, elle propose notamment une lecture lucide de l’opposition dite traditionnelle entre le « droit continental » et la common law anglaise, et parvient enfin à fournir à ses lecteurs des repères lumineux pour saisir ce qu’il en est du droit aujourd’hui et ce qu’il pourrait en être demain.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.