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Macron : un démophobe ?

Les démocraties sont hantées par un spectre : la "démophobie", qui tend à restaurer les oligarchies et les hiérarchies dont elles limitent le pouvoir.

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Alors que la démocratie, en principe, est la souveraineté du peuple, certaines élites intellectuelles ou politiques appréhendent son expression directe. Le peuple serait désinformé, manipulé, ignorant; il serait gouverné par ses affects et ses intérêts, il aurait perdu la langue, le goût, la politesse, le sens de l'effort; il n'aurait aucune qualité, tendrait à l'uniformité et étoufferait les voix singulières. Il y aurait un risque inhérent à la démocratie : elle ne ferait pas venir au pouvoir des gens qualifiés, mais n'importe qui. Ces élites (qui peuvent se situer politiquement de l'extrême-gauche à l'extrême-droite) ont peur du peuple, elles sont allergiques à sa voix dont elles dénoncent le manque de maturité - comme si le peuple devait être perpétuellement mineur. Marc Crépon appelle "démophobes" ces élites qui se méfient de la démocratie, tout en s'en réclamant. Elles peuvent réaffirmer la liberté de parole et de pensée, défendre les droits de l'homme, proclamer leur solidarité à l'égard des faibles et des pauvres, tout en critiquant et en en dévaluant les manifestations concrètes. Elles se disent amies du peuple, mais avec réserve et inquiétude. En général, les "démophobes" soutiennent les oligarchies, mais leur idéologie peut conduire au pire quand ils s'organisent, quand ils instituent des lieux de pouvoir destinés à les protéger contre les dangers supposés du peuple. Ils s'en prennent alors directement à lui par la répression, la censure, les arrestations arbitraires, etc... Cela peut mener jusqu'au meurtre de masse (comme dans la Russie stalinienne ou le Cambodge de Pol Pot). Le "démophobe" militant et convaincu peut devenir "démocide".

Souvent, cette démophobie est associée à une technophobie. Les nouvelles technologies sont dénoncées comme incontrôlables et dangereuses, ou génératrices d'apathie, d'indifférence, de soumission, de dépression, etc... Démophobes et technophobes minimisent les capacités de résistance idiomatique du peuple. Ils ne considèrent que le côté pathogène (de la télévision, des médias ou des blogs), sans prendre en compte les possibilités critiques ni l'inventivité des sujets. Ils oublient que la démocratie, comme la technique, ne sont pas homogènes mais hétérogènes, à la façon des pharmaka grecs.

Marc Crépon suggère de n'utiliser ce mot, "démophobie", qu'avec des guillemets, parce qu'il dérange les frontières établies. Les "démophobes" sont habités par une nostalgie aristocratique. Ils pensent que si la politique était réservée aux savants ou aux militants, aux personnes éduquées ou aux experts, si les anciennes distinctions et hiérarchies étaient rétablies et respectées, alors il pourrait y avoir une "véritable" démocratie. Mais dans la situation "actuelle", toujours marquée par le recul, la dé-civilisation, voire la catastrophe, cette "véritable" démocratie est irréalisable. Ils faut donc se méfier du peuple, de l'étranger comme de l'autochtone qui prétend à l'égalité, de l'excès des revendications comme du cumul des droits.

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Mise à jour :

Élysée et gouvernement Entretien

« Nous vivons une véritable allergie au peuple : une démophobie »

Pour le philosophe Marc Crépon, la France connaît une régression démocratique irréfragable sous le joug d’Emmanuel Macron. Au point que le prétendu pays des droits de l’homme accoste des rivages autoritaires, sinon dictatoriaux. Entretien radical et judicieux. Par Antoine Perraud le 1 mai 2023

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