L’enquête Accès aux droits met ainsi en lumière un phénomène de dualisation des relations que les citoyens entretiennent avec les forces de sécurité : certains groupes sociaux bénéficient de relations conformes au code de déontologie, tandis que d’autres apparaissent davantage confrontés à des comportements inappropriés voire discriminatoires.
À l’échelle de l’enquête, cette dualisation s’observe d’abord au niveau des contrôles d’identité. Sur les 5 dernières années, l’expérience du contrôle d’identité s’est étendue à une part croissante de la population – plus d’un quart de la population de France métropolitaine en a fait l’expérience. Pourtant, celle-ci ne se déroule pas toujours de la même manière selon les caractéristiques sociales des individus (âge, genre, origine perçue, situation financière). Les personnes peu contrôlées par le passé, et qui désormais le sont davantage (femmes, cadres, personnes âgées, etc.), font l’objet de simples
contrôles d’identité, généralement ponctuels, courtois et perçus comme justifiés. Pour les personnes perçues comme noires, arabes ou maghrébines, les jeunes, les hommes et les personnes précaires, on assiste en revanche au maintien de contrôles plus fréquents, plus souvent assortis de palpations de sécurité, d’injonctions à quitter les lieux ou de conduites au poste, mais aussi de comportements contraires aux règles de déontologie des forces de sécurité.
Ces expériences contrastées s’incarnent également à travers l’expérience du dépôt de plainte ou de main courante, à l’occasion de laquelle certains groupes sociaux sont davantage confrontés à des comportements inappropriés des forces de sécurité. Les groupes qui déclarent subir des pratiques policières contraires au code de déontologie ne sont pas les mêmes suivant que l’interaction se déroule à l’initiative de la police (contrôle d’identité) ou à celle des individus (dépôt de
plainte ou de main courante). Cependant, le fait que certains d’entre eux, tels que les jeunes ou les personnes perçues comme noires, arabes ou maghrébines, fassent l’objet d’expériences dégradées dans les deux cas de figure suggère l’existence de comportements discriminatoires car ciblés sur certains groupes sociaux plutôt que d’autres.
Loin d’être anodines, ces expériences négatives entretiennent un lien étroit avec une moindre confiance accordée aux forces de sécurité : les personnes qui en font l’objet déclarent également plus souvent être méfiantes ou inquiètes en présence de la police, recourent moins au dépôt de plainte que d’autres et remettent davantage en question le bien-fondé des contrôles dont elles font l’objet. Face à des comportements inappropriés de la part des forces de sécurité, les recours restent, pourtant, peu fréquents. Ces éléments illustrent l’impact, réel, que les manquements à la déontologie des forces de sécurité pourraient avoir en matière de confiance institutionnelle et de cohésion sociale.
Cette érosion de la confiance et de la légitimité octroyées aux forces de sécurité peut enfin avoir des conséquences directes sur le déroulement de l’action policière : elle nourrit en effet les crispations entre la population et les forces de sécurité et, in fine, peut conduire à une escalade des tensions en contexte d’intervention. Conscient des conditions de travail difficiles des forces de sécurité, le Défenseur des droits souhaite donc, par ce rapport, favoriser la réflexion pour établir des relations plus apaisées entre celles-ci et la population