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Billet de blog 24 juillet 2017

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LREM : "Le rabot en marche !" pour relancer la rentabilité des investisseurs

Les allocations logement, les droits du travail, le budget des universités, de la santé, de l'éducation, de la culture, des transports, des finances, des affaires étrangères, de la défense, de la police, de la justice, ... Le pouvoir annonce des soldes. Il se débarrasse de l'existant. Pour mieux s'endetter aussitôt, dans l'urgence, à taux plus intéressants pour les investisseurs ?

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Le candidat des médias - Le Monde diplomatique - n'est pas celui du progrès social - Médiapart.

La régression globale des droits de l'Homme, qu'ils s'agissent des civils et politiques (banalisation de l'état d'urgence) ou des droits économiques, sociaux et culturels (réforme du code du travail), entre autres, se déduit des annonces politiques qui indiquent que le pouvoir n'a pas pour objectif d'affirmer ou de rétablir la démocratie mais qu'il se limite à faire de la comptabilité, pour le profit d'un petit groupe de la population.

La société, dans ce qui crée le lien social et l'adhésion à une communauté, s'efface, en droit et en fait, derrière une approche désincarnée, celle d'un livre de comptes, tenu au seul bénéfice des spéculateurs. C'est discriminatoire.

La réduction de la dette - telle qu'elle est évoquée par le pouvoir - paraît plus motivée par le manque de rentabilité des emprunts d'Etat, dont les taux trop faibles - voir négatifs - ne rapportent plus assez aux prêteurs.

Le problème des dirigeants politiques paraît être de savoir comment assurer de meilleurs rendements financiers.

Dans cette hypothèse, le "désendettement" actuel est la première phase d'une stratégie destinée à créer une situation capable de satisfaire l'attente des investisseurs à deux chiffres de rentabilité - c'est-à-dire supérieure à 10%.

Le "désendettement", tel qu'il se traduit dans les faits, est de déséquiper le pays ; en faire un terrain nu, ou presque, sur lequel on va reconstruire ce qui existait déjà, mais en moins rentable.

Rien de mieux pour le rééquiper en leasing ensuite - logique des partenariats publics privés - à des tarifs prohibitifs.

Cette stratégie montre que l'endettement n'est pas l'obsession politique à laquelle les discours entretenus depuis des années tentent de convaincre l'opinion (voir à ce sujet le prix pharaonique de la cité judiciaire de Paris et le "pentagone français" de Ballard). L'objectif politique est de relancer les profits des investisseurs sur le dos d'une collectivité qui ne dispose pas des moyens d'aller voir ailleurs.

Cette hypothèse amène donc à s'interroger si le pouvoir ne tente pas de se débarrasser d'un endettement peu rentable - très favorable aux contribuables (qui n'ont pas les moyens de faire de la fraude fiscale à grande échelle) - pour en garantir un beaucoup plus intéressant et rapidement à ceux qu'on retrouve dans la fraude fiscale à grande échelle (comme auteur, complice ou receleur).

BFM détaille le montant du coup de rabot pour 2017 seulement :

4,5 milliards d'euros dont :

  • 268 millions d'euros au ministère des finances
  • 282 millions d'euros au ministère des Affaires étrangères
  • 260 millions d'euros au ministère des transports
  • 850 millions d'euros à la défense
  • 526 millions d'euros à l'intérieur
  • 160 millions d'euros à la justice
  • 75 millions d'euros à l'éducation nationale
  • 50 millions d'euros d'économies à la culture
  • ...

C'est autant d'équipements qui manqueront d'être remplacés ou entretenus et qui devront l'être nécessairement du fait de leur vétusté ainsi provoquée.

La solution très rentable pour le prêteur de financer ce remplacement existe déjà.

Les partenariats publics privés permettent de garantir une rentabilité élevée que menacent des services publics, mêmes endettés, financés par des prêts trop bas.

Ce n'est peut-être pas par hasard que les agents publics des collectivités territoriales sont ciblés.

La privatisation des services communaux des eaux, la vente des équipements publics financés par l'Etat et les collectivités territoriales (autoroutes, aéroports, communication, transports, ...) a ouvert la voie à des relais de croissance pour le privé que financeront la TVA de la consommation des ménages modestes, les salariés et agents publics, les contribuables captifs (petits propriétaires mobiliers et immobiliers n'ayant ni la possibilité de se payer des conseillers fiscaux ni de déménager ou de déplacer leurs investissements).

La privatisation s'affirme ainsi comme le but poursuivi par le discours du désendettement.

Il s'agit de transférer le poids de la dette publique de l'Etat sur les ménages par des redevances privées (cf. les péages d'autoroute par exemple).

Tout se privatise : la police (c'est déjà inscrit dans le code de la sécurité intérieure), l'armée (voire les compagnies privées qui interviennent sur des zones de conflits), la santé publique (remplacée par des cliniques), la sécurité sociale (maladie, chômage, retraite : voir les premiers articles du code de la sécurité sociale et du code de la mutualité), la justice (les procédures d'arbitrage privées), ...

La logique d'une telle vision politique est que l'Etat ne sert à rien (sinon contraindre les plus faibles au profit des plus forts). C'est libertarien.

Le marché de la privatisation des services publics, y compris régaliens, se fera d'autant mieux que la société est déstabilisée. Il n'y a rien de pire contre l'instabilité que des services publics disposant de moyens et d'effectifs suffisants.

Une société instable - ou déstabilisée - est donc une opportunité économique, un relais de croissance pour les investisseurs qui opèrent ou envisage d'opérer dans ces secteurs.

La substitution de "conflits de basse intensité" aux guerres ouvertes signale que la tendance à la privatisation n'a pas de limite et des avantages pécuniaires. Une guerre ouverte menace l'économie, un conflit de basse intensité est un relais de croissance pour un nombre important d'activités commerciales.

La république en marche et son rabot se contredisent.

Un pouvoir dont le fond du discours est d'affirmer qu'il est déjà en faillite montre qu'il n'a aucune imagination ou qu'il ment.

  • Dans le premier cas, il subit plutôt d'inventer et de proposer des plans d'investissement public, créer de l'emploi, en les finançant par une lutte efficace contre la fraude fiscale (180 milliards d'euros par an).
  • Dans le second cas, il envisage de s'en prendre aux citoyens captifs de l'Etat - les salariés, les agents publics, les ménages modestes - pour rassurer les "marchés" et leur garantir des rendements élevés.
  • Dans les deux cas, il donne l'image d'un pouvoir faible, politiquement parlant, qui abdique devant l'argent plutôt que d'affirmer une justice sociale garantissant l'égalité effective de tous dans l'accès au droit et à la démocratie.

Financièrement, un pouvoir politique n'a aucun intérêt quand des algorithmes font déjà très bien fructifier les profits des "investisseurs" (sur le dos des épargnants). Il suffit de comparer l'évolution des indices boursiers avec le rendement de l'épargne proposée aux particuliers.

Talleyrand, qui ne connaissait pourtant pas l'informatique, affirmait que " Les financiers ne font bien leurs affaires que lorsque l'Etat les fait mal ". Talleyrand savait ce qu'il disait. Il a fait de très bonnes affaires.

Il a apparemment des successeurs.

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