https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2008-1-page-9.htm#no23
" Leurs ouvrages n’ont pas seulement une valeur anecdotique ou documentaire, ils annoncent et préparent la discussion des Lumières, en façonnant les outils conceptuels et argumentatifs qui permettront à celle-ci de se développer dans toute sa force argumentative. Il s’agit de la Cautio criminalis du jésuite F. von Spee [23] et de la dissertation De tortura ex foris christianorum proscribenda du jurisconsulte Christian Thomasius de Halle [24] Les deux essais ont eu une large diffusion, en déplaçant la discussion sur l’abolition de la torture du plan moral ou juridique au plan également politique. Von Spee appuie ses réflexions sur son expérience personnelle, de femmes accusées de sorcellerie et, dans sa Cautio criminalis, il affirme s’exprimer uniquement à partir d’expériences vécues directement. Dans cet ouvrage, le jésuite montre le lien entre l’idéologie de la dénonciation, la suspicion a priori, la pratique de la torture et la confession de la culpabilité. Il exprime ainsi une critique radicale du lieu commun d’après lequel la confession serait la meilleure preuve dans le domaine pénal [25]. "
Notes
[1] Une première version de ce texte est parue en allemand sous le titre : « Folter in der christlichen Tradition : Wie kann man aus den Fehlern der Vergangenheit lernen ? », Schweizerische Kirchenzeitung, 1996, p. 687-698. Une version remaniée et augmentée est également parue en italien sous le titre : « Il pensiero e la prassi cristiana di fronte alla tortura : elementi per un bilancio critico », Annali di scienze religiose 2, 1997, p. 301-318. La présente traduction se réfère à cette deuxième publication, tout en l’actualisant de façon ponctuelle.
[23] Voir les éditions modernes : F. von Spee, Cautio criminalis, Tübingen-Bâle, Franke Verlag, 1992, ainsi que Munich, dtv-Taschenbuchverlag, 1987?. La littérature secondaire sur von Spee se fait de plus en plus vaste. On conseille notamment : I. M. Battaffarano, « Von Spee zu Beccaria. Der Kampf um die Abschaffung der Folter und der Hexenprozesse in der frühen Neuzeit », in : Id. (éd.), Friedrich von Spee, Rovereto, Reverdito Ed., 1989, p. 223-264 ; G. R. Dimler, Friedrich von Spee von Langenfeld : eine beschreibende Bibliographie, Amsterdam, Rodopi, 1984 ; H. P. Geieln, Die Auswirkungen der Cautio Criminalis von F. von Spee auf den Hexenprozess in Deutschland, Cologne, Wasmund Verlag, 1963 ; J. F. Ritter, F. von Spee 1591-1635, Trèves, Ein Edelmann, Mahner und Dichter, 1977 ; G. Jerouschek, « Friedrich von Spee als Justizkritiker », Zeitschrift für Strafrechtswissenschaft 108, 1996/2, p. 243-265 ; Chr. Feldmann, Friedrich Spee, Fribourg-en-Brisgau, Herder Verlag, 1993 ; F. Gunther (éd.), Friedrich Spee zum 400. Geburtstag, Paderborn, Bonifatius Verlag, 1995 ; K. J. Miesen, Friedrich Spee, Wiesbaden, Panorama Verlag, 1996 ; H. Weber, F. Gunther, Friedrich Spee, Trèves, 1996 ; sur le contexte géographique et historique, voir : F. Gunther (éd.), Hexenprozesse und deren Gegner im trierisch-lothringischen Raum, Weimar, Dadder Verlag, 1997.
[24] Voir Chr. Thomasius, Über Folter, Weimar, 1960 ; Chr. Thomasius, Über die Hexenprozesse, Munich, dtv-Verlag, 1986 ; sur la littérature secondaire, voir : R. Liebewirth, Christian Thomasius, sein wissenschaftliches Lebenswerk, Weimar, 1955 ; M. A. Cattaneo, Delitto e pena nel pensiero di Christian Thomasius, Milan, 1976 ; Id., « Beccaria e Sonnenfels. L’abolizione della tortura nell’età teresiana », in : Id., Illuminismo e legislazione penale, Milan, led, 1993, p. 63-76 ; W. Schmidt, Ein vergessener Rebell. Leben und Wirken des Chr. Thomasius, Diederichs Verlag, 1995.
[25] Selon la devise : confessio est regina probationum
Bibliographie :
" ALLEMAGNE 1631 : UN CONFESSEUR DE SORCIERES PARLE - CAUTIO CRIMINALIS " Friedrich Spee Von Langenfeld - Traduction, introduction, notes, chronologie et index de Olivier Maurel Editions l'Harmattan Collection : Allemagne d'hier et d'aujourd'hui
En Allemagne, au début du XVIIe siècle, la chasse aux sorcières bat son plein et allume partout ses bûchers. Un Jésuite, Friedrich Spee von Langenfeld (1591-1635), est chargé de confesser les condamnés, des femmes surtout, de tous milieux. Au cours de ces confessions, il se rend compte que ces malheureuses n'ont de sorcières que le nom et ne sont arrêtées, emprisonnées, torturées et condamnées au bûcher que pour avoir été accusées par d'autres inculpés eux-mêmes soumis à d'effroyables tortures. Il adresse alors à l'Empereur et aux princes une dénonciation rigoureuse du mécanisme qui, à travers tout le pays, conduit à la torture et à la mort des milliers d'hommes, de femmes et même d'enfants. Son témoignage est un des premiers grands réquisitoires contre la torture. Avec une liberté d'esprit étonnante pour son époque. Friedrich Spee montre l'enchaînement qui, partant des superstitions populaires, met en marche inexorablement la machine judiciaire, avec souvent la complicité active ou tacite de l'Eglise et du pouvoir temporel. Sa compassion, son ironie et parfois son désespoir font de ce document unique un grand témoignage d'humanité, comparable à celui de Bartolomé de Las Casas en faveur des Indiens.
La Cautio criminalis, ouvrage célèbre en Allemagne, n'a été traduite qu'une fois en français, en 1660, et n'a pas été rééditée depuis.
A l'opposé de Spee, l'ambitieux Daniel Hauff
" En 1662, quand un adolescent s’accuse de sorcellerie, Hauff, en tant qu’avocat du conseil, enquête sur l’affaire. Il a déclenché une avalanche de procès et a gravi les échelons. Il est allé littéralement sur des cadavres pour se profiler et atteindre l’objectif d’être élu au Conseil Secret, qui était alors le plus haut organe du gouvernement.
Au début, les habitants de Vaihingen et de Möhringen étaient pratiquement les seuls à être touchés, ce qui faisait alors partie des propriétés de la ville d’Esslingen. Mais bientôt, des citoyens de la ville d’Esslingen eux-mêmes ont été accusés de chantage à la torture.
Lorsque la femme d’un membre du Conseil a été soupçonnée de sorcellerie, on a offert à Hauff la place qu’il souhaitait dans le Conseil secret pour mettre fin aux procès. Mais Hauff est tombé malade et est mort subitement. En effet, son successeur a été nommé étonnamment rapidement et les autres procédures ont été rapidement clôturées. "