http://www.franceculture.fr/emissions/culture-eco/le-code-du-travail-est-il-lami-du-chomage
La réforme du marché du travail est la dernière des réformes structurelles à mener pour le gouvernement. Réforme structurelle, c’est une expression tiroir mais qui a un sens bien précis. On désigne par réforme structurelle les réformes qu’un pays devrait mener pour que sa croissance soit égale à sa croissance potentielle. L’idée étant qu’il y a un idéal à atteindre, la croissance potentielle et des moyens pour y arrive, les réformes structurelles.
Cette notion de croissance potentielle est sujette à caution, les économistes atterrés notamment n’y souscrivent pas. (Voir ici la récente étude d’Henry Sterdyniak de l’OFCE). Ceux qui y croient et publient régulièrement des chiffres à ce sujet ont plus de poids en ce moment puisque ce sont les économistes du FMI, de la BCE, de l’OCDE, et les analystes financiers qui donnent le là sur les marchés, notamment de dette, or nous leur empruntons en moyenne 4 milliards d’euros par semaine. Il ne s’agit donc pas de les froisser.
Objectif : la croissance potentielle
Selon ces économistes, la croissance potentielle est liée à l’offre : production, le capital, et le travail. La production le gouvernement s’y est déjà attelé avec le pacte de responsabilité, le grand chantier qui vient, on l’a compris, c’est le travail.
Or par quoi est limitée l’offre de travail ?
1- par le nombre de personnes en âge de travailler, d’où l’idée qu’il faut travailler plus et plus longtemps
2 – par le chômage structurel. Ce chômage ayant pour cause selon ces théories néo-classiques: la non qualification ou l’inadéquation de la main d’œuvre et le peu d’incitation que les chômeurs auraient à travailler. Les lobbys patronaux en ont ajouté une troisième : la peur d’embaucher de peur de ne pouvoir licencier ensuite.
Pas de preuve et pourtant…
On peut prendre l’exemple de l’Allemagne ou de l’Angleterre, citer leurs réformes, les mini job à 800 euros outre Rhin, les contrats 0 heures outre manche, aligner ensuite la baisse du taux de chômage dans ces deux pays et dire, voilà c’est la preuve… c’est une démonstration rhétorique, pas économique.
Elle ne tient pas compte des facteurs extérieurs, l’Allemagne a profité de la croissance des pays voisins, l’Angleterre a dans le même temps dévalué la livre…
La recherche en économie est plus sérieuse, les étudiants qui sont là le savent. Or il n’y a aucune preuve que la rigidité du marché du travail soit la cause du chômage, et pour cela je m’appuie sur les dires de Jean Tirole qui sera notre invité tout à l’heure et qui ne fait pas partie des économistes atterrés. Il existe des dizaines d’études empiriques sur le sujet, elles font généralement des comparaisons entre pays, mais les données sont nous dit le prix nobel « vieilles ou biaisées ». Dans un rapport qu’il avait remis en 2003 au conseil d’analyse économique sur la protection de l’emploi et les procédures de licenciements, il citait une de ses études comparant le Portugal et les Etats Unis et ses conclusions étaient très très prudentes. Si la protection de l’emploi s’accompagne d’une durée du chômage plus longue au Portugal, ce n’est pas pour autant que la protection a pour conséquence une plus longue durée sans emploi. « Une corrélation n’implique pas un rapport de causalité » écrivait-il.
Les politiques pourraient méditer cette phrase plus souvent, le débat y gagnerait en hauteur.