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Billet de blog 29 mai 2024

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Le bavarnaüm

Le bavarnaüm caractérise un président bavard qui sème le capharnaüm. L’époque connaît de nombreuses formes de bavardages - vérité alternative, propagande, mensonge, désinformation, manipulation, marketing, influenceurs, communication, réseaux sociaux, publicité, … - et la saturation des médias par des communiqués ou des discours pompeux oblige à s’intéresser au bavarnaüm.

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L’actualité – Ukraine, Palestine, Yemen, Arménie, Géorgie, Ouïghours, Soudan, Libye, Sahara occidental, Nouvelle-Calédonie, … - témoigne de l’échec des politiques et d’une communication verbeuse et mensongère scandaleuse. Aucun pays n’en a le monopole ou l’exclusivité.

Le bavardage caractérise donc l’actualité auxquels la réduisent des politiques et des commentateurs.

Le bavarnaüm ne se limite pas à la politique, même s’il y trouve un terrain propice, et il s’applique et s’adapte à tous les domaines : l’économie, le droit, la biologie, la médecine, … les conflits.

Le bavarnaüm n’a rien de récent. Il a connu de grands maîtres qui jouissent encore d’une réputation étonnante : Nostradamus, Cagliostro, … Leur succès encore actuel montre que rien n’échappe à l’influence du bavarnaüm si le public n’est pas curieux ou doté d’esprit critique.

Mais il n’y a pas de fatalité.

Internet, qui fait le succès du bavarnaüm, est aussi l’outil qui permet de lui faire échec, en allant rechercher les sources, les vérifier en les croisant, … C’est de moins en moins garanti ; puisque les champions du bavarnaüm favorisent les GAFAM, aux dépends de l’indépendance numérique et stratégique du pays, d’un continent et de ses populations.

D’où l’importance de se sensibiliser au phénomène du bavarnaüm et apprendre à le prévenir.

A moins de vivre dans un pays dirigé par des menteurs compulsifs qui le pratiquent systématiquement, le bavarnaüm s’observe dans le léger comme le grave.

Le bavarnaüm a une prédilection pour le premier. Le léger demande en effet moins d’efforts et le bavarnaüm est une discipline de paresseux. La seule disposition nécessaire est d’être ratiocinateur, abscons ou abstrus. D’où la propension de certaines rédactions à inviter souvent l’extrême-droite à débiter des âneries ?

Le but du bavarnaüm n’est pas de distraire mais de tourner en dérision ce qui est grave et de disqualifier celles et ceux qui le dénoncent. Cela s’observe facilement sur les réseaux sociaux où l’insulte sert rapidement d’argument. Voir les menaces. L’effet du bavarnaüm a l’intérêt de donner une idée du degré de maturité démocratique.

Le bavarnaüm s’autoentretient et s’autopromeut.

Il garantit lui-même son succès par la publicité du montant des budgets et de ses dépenses somptuaires. Les millions qu’il permet de brasser entretient l’illusion d’un relai de croissance, une part de PIB, une source importante de revenus... Le bavarnaüm se signale par l’inflation des revenus et le succès des animateurs de télévision poubelle, des éditorialistes d’information spectacle, d’experts omniscients – toutologues ultracrépidariens - de polygraphes prophétiques, de brutes diplômées, … L’ensemble offre une synthèse bavarde de la pensée du proxénète. Des mercenaires de la com’ sans retenue. Des adeptes du bavarnaüm vont jusqu’à justifier le viol en exprimant de l’admiration pour le violeur.

Le bavarnaüm est un privilège de professions bavardes. Elles pensent intéresser le public mais les mesures médiamétrie, la chute des ventes de la presse et l’abstention montrent cependant le contraire. Les professionnels du bavarnaüm détournent l’essentiel des populations des questions d’intérêt général ; autour desquelles se fait, s’entretient et prospère le lien social. Leur abus de bavarnaüm a détruit le lien social en justifiant, contre l’évidence, une régression sociale de plus en plus brutale, contre un public de moins en moins dupe.

Enfin, le bavarnaüm n’est pas un art mais une escroquerie intellectuelle.

C’est au mieux une technique, un plan. Celle de diluer la question posée dans du bavardage – intérêt de la question, histoire de la question, incidence géographique de la question, … - pour ne pas répondre, dans l’attente d’une autre question.

La superficialité du bavarnaüm s’observe dans sa méthode à privilégier la forme – souvent ampoulée – sur le fond – souvent ignoré ou méprisé.

Le style est futile - du pédantisme jusqu’au vulgaire - pour éluder et contourner les faits.

Le bavarnaüm s’articule et se développe sur une illusion précieuse ou grossière. Les éléments de langage qu’il répète jusqu’à la nausée. Il n’aborde et se limite qu’aux apparences. C’est une discipline d’illusionniste.

Le bavarnaüm est indécent, voir indigne ou lâche, face aux drames et aux scandales que provoque l’impéritie politique et diplomatique qu’il s’applique à justifier.

Le bavarnaüm est l’expression du vide. Plus il est creux, plus le bavarnaüm résonne. Verbe que le buzz a substitué au verbe raisonner.

Le bavarnaüm écarte d’ailleurs la question du juste. Trop subtil. Il ne vise que l’utilité immédiate à très court terme. Il s’apparente au raisonnement d’un tableur Excell.

Le bavarnaüm apprécie son succès à sa résonance, au nombre de répétitions et de reprises sur la toile. Du quantitatif pur. Exclusivement. C’est le degré zéro de l’intelligence et les adeptes du bavarnaüm se rassurent en affirmant que l’intelligence artificielle est l’avenir. Comme la start-up nation. Le mantra superficiel et fragile d’un modèle technique qui peut disparaître par l’effet d’une panne d’électricité, d’une éruption solaire, de personnes mal intentionnées exploitant les faiblesses d’un système dont le code est écrit avec les pieds…

L’adepte du bavarnaüm ne se préoccupe pas des subtilités. Il a déjà prononcé trois discours, fait le buzz plusieurs fois, produit de nombreux dossiers de presse adressés à de nombreux médias sur l’avenir du monde et l’impossibilité de se passer de lui.

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