Patrick Cahez (avatar)

Patrick Cahez

Ligue des droits humains et Amnesty international Bruxelles ; MRAP Dunkerque ; SUD intérieur et Observatoire du stress de France Télécom Paris

Abonné·e de Mediapart

297 Billets

2 Éditions

Billet de blog 30 décembre 2013

Patrick Cahez (avatar)

Patrick Cahez

Ligue des droits humains et Amnesty international Bruxelles ; MRAP Dunkerque ; SUD intérieur et Observatoire du stress de France Télécom Paris

Abonné·e de Mediapart

BAC Nord de Marseille: une procédure contestable qui ouvre un débat de société

Louise Fessard publie une série d'articles sur la procédure disciplinaire engagée par l'administration contre des agents de la BAC nord de Marseille. La journaliste a été présente lors des débats de la commission disciplinaire et ce qu'elle en rapporte est très intéressant par les questions de droit que cela engendre. Ces questions posent les bases d'un débat de société en soulevant la question de la conformité républicaine du fonctionnement de la police et, par ricochet, celle de la confiance en cette institution au moment du développement de son équipement en technologies de surveillance attentatoires à la vie privée. La France est-elle un Etat de droit ? Ce qui suit légitime l'interrogation.

Patrick Cahez (avatar)

Patrick Cahez

Ligue des droits humains et Amnesty international Bruxelles ; MRAP Dunkerque ; SUD intérieur et Observatoire du stress de France Télécom Paris

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Louise Fessard publie une série d'articles sur la procédure disciplinaire engagée par l'administration contre des agents de la BAC nord de Marseille. La journaliste a été présente lors des débats de la commission disciplinaire et ce qu'elle en rapporte est très intéressant par les questions de droit que cela engendre. Ces questions posent les bases d'un débat de société en soulevant la question de la conformité républicaine du fonctionnement de la police et, par ricochet, celle de la confiance en cette institution au moment du développement de son équipement en technologies de surveillance attentatoires à la vie privée. La France est-elle un Etat de droit ? Ce qui suit légitime l'interrogation.

Il n'y a a priori aucun lien entre la Bac Nord de Marseille et la NSA ou Edward Snowden. Il commence à s'en dessiner un quand le même ministre de l'intérieur justifie l'atteinte à la vie privée dans la surveillance électronique (Prism: un acte de guerre?) et promet des sanctions exemplaires avant même l'issue d'une procédure disciplinaire, laquelle soulève un sérieux doute. Dans les deux cas, qu'il s'agisse de la NSA ou de la Bac nord, l'Etat de droit est pareillement négligé. Le lien se raffermit par un même souci de la performance, ce qui est notamment évoqué dans l'affaire de la Bac nord où l'administration exigeait un "rendement" et que la NSA travaille à collecter toujours plus d'informations. Il n'est donc pas rassurant de voir un tel parallélisme, qu'il s'agisse de la violation industrielle des droits fondamentaux ou celle des garanties fondamentales d'agents publics, quand le renforcement de l'équipement électronique s'accompagne d'une régression des garanties en matière de droits civils et politiques.

Une première observation vient à la lecture des articles de Louise Fessard. Les agents de police ont été écoutés dans leurs véhicules. De quelle écoute s'agit-il ? Une écoute administrative, mais dans ce cas est-ce légal ? Une écoute judiciaire, mais dans ce cas comment les retranscriptions se retrouvent-elles dans une procédure administrative au mépris de l'article 11 du code de procédure pénale qui le prohibe et le sanctionne comme une violation du secret professionnel ? Dans ce dernier cas, les sanctions administratives du ministre de l'intérieur reposent sur une procédure viciée par un recel de violation du secret professionnel. Le ministre, en validant la décision du conseil de discipline, s'en ferait alors le complice.

Une seconde observation vient de la révélation par les articles des retranscriptions parcellaires des écoutes qui faussent la réalité des propos tenus et des faits. Une dénaturation des faits pose problème. D'une part, l'enquête préliminaire doit être neutre et impartiale selon la jurisprudence de la Cour de cassation (1). D'autre part, une retranscription parcellaire, ne répondant pas à cette obligation d'impartialité (2), fait obstacle aux droits de la défense et au droit à un procès équitable (3), qui s'appliquent en matière disciplinaire (4). Enfin, un procès-verbal comportant des allégations inexactes est jugé comme étant un faux en écriture publique par la Cour de cassation. Ceci s'ajoute au recel de violation du secret professionnel.

Ces deux observations suffisent à créer un doute sur la régularité de la procédure. La commission de réforme est composée de hauts responsables de la police. Comment ces deux observations ont-elles pu leur échapper malgré leur très grande expérience judiciaire et leurs qualifications qui en font des professionnels reconnus et affirmés du droit ?

La contradiction soulève la question du manquement grave (5) et du détournement de pouvoir (6).

Le traitement de l'affaire de la Bac Nord de Marseille renvoie à la situation que subit encore aujourd'hui Dominique Loiseau. L'injustice que vit encore ce dernier est inadmissible et les nombreuses années écoulées paraissent ne pas avoir fait évoluer des pratiques contestables et contestées.

Le Conseil d'Etat introduit son rapport 2003 sur la fonction publique en rappelant que : " La France s’est préoccupée très tôt de se doter d’une fonction publique moderne, c’est-à-dire bénéficiant d’un “état” opposable au pouvoir politique, pour la faire échapper au favoritisme et à l’arbitraire. " Au sens de ” situation juridiquement protégée “, comme le souligne le rapport de M. Jules Jeanneney, député, au nom de la Commission de l’administration générale, départementale et communale, des cultes et de la décentralisation, chargée d’examiner le projet de loi sur les associations de fonctionnaires, (Journal Officiel, Chambre des Députés, 2ème séance ordinaire du 11 juillet 1907), ” La situation des fonctionnaires… n’a de valeur que si elle n’est point précaire, que si elle est à l’abri des fantaisies, des injustices, de l’arbitraire toujours possible du pouvoir, que si elle est gouvernée par des règles fixes dont le respect soit assuré, que si, pour tout dire en un mot, le fonctionnaire peut opposer au pouvoir son droit et si la fonction publique est, suivant le mot de Ihering, “juridiquement protégée “.

Les enquêtes sur la Bac nord de Marseille ne respectent pas les dispositions de l'article 15-2 du code de procédure pénale.

L'inspection générale des services judiciaires est en effet absente de la phase d'investigation alors que la loi dit que " Les enquêtes administratives relatives au comportement d'un officier ou d'un agent de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police judiciaire associent l'inspection générale des services judiciaires au service d'enquête compétent. Elles peuvent être ordonnées par le ministre de la justice et sont alors dirigées par un magistrat. " La police est un auxiliaire de justice et la violation l'article 15-2 fait échec au contrôle et à la surveillance effectifs de l'autorité judiciaire (ministère public et chambre d'instruction) comme en dispose le code de procédure pénale (articles 12,13, 224 et s.).

Se pose aussi la question du défaut de base légale (7).

Les enquêtes administratives disciplinaires ne sont prévues par aucun texte de loi malgré l'obligation posée par l'article 34 de la Constitution et la compétence exclusive du législateur en la matière comme en juge le Conseil constitutionnel (Décision 84-173 DC du 26 juillet 1984, considérant 4 et 5) et la Cour de cassation (voy. les deux décisions relative à l'illégalité du Décret n° 2004-1364 du 13 décembre 2004 modifiant le code de procédure pénale et relatif à l'application des peinesChambre criminelle, 26 juin 2013, 12-81.646 et Chambre criminelle, 26 juin 2013, 12-88.265 )

Il ne semble pas non plus que ces enquêtes disciplinaires respectent les Recommandation Rec (2001) 10 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le Code européen d’éthique de la police, adoptées par le Comité des Ministres, le 19 septembre 2001, lors de la 765° réunion des Délégués des Ministres.

Les syndicats ont refusé de siéger à la commission disciplinaire qui est une instance paritaire, laissant ainsi l'administration décider seule des sanctions, qui sont lourdes et disproportionnées selon les avocats des policiers poursuivis. Les syndicats contestent le fait que la procédure disciplinaire précède la conclusion de la procédure judiciaire ouverte en parallèle. Il y a effectivement une incohérence, sachant que l'administration est tenue par les constatations du juge judiciaire. Cette inversion procédurale se fait donc au mépris des droits et garanties des fonctionnaires en matière disciplinaire, ce qui offre un motif aux syndicats pour se porter partie civile dans les procédures judiciaires pour dénoncer la violation des droits collectifs des fonctionnaires, comme le droit leur permet de le faire. Sud intérieur l'a fait dans une de mes affaires.

Un commentaire d'un lecteur laissé au bas de l'article de Louise Fessard est significatif du malaise : " Trêve d'hypocrisie ! on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs et le métier d'éboueurs de la société est souvent salissant."

Le parallèle entre la police et les éboueurs est osé, la police serait à l'Etat de droit ce que les éboueurs sont à la société de consommation. Ceci témoigne de la profondeur d'un malaise qui interpelle nécessairement le ministre de l'intérieur qui ne peut pas l'ignorer. La confiance entre l'institution et l'opinion est faible. La défiance des syndicats à l'égard de l'administration montre que cette perte de confiance s'exprime également au sein même de la police.

Il devient donc urgent de revenir à un service public fondé sur la confiance et les rapports humains, plutôt que sur un simple respect du formalisme dont l'affaire que rapporte Louise Fessard crée un doute sérieux sur sa régularité ; sans parler des moyens techniques et légaux coûteux qui sont adoptés au mépris des libertés publiques et des droits de l'Homme, largement abordés dans des articles de Médiapart.

Les questions qu'engendre la procédure disciplinaire de la Bac nord de Marseille pose donc les termes d'un sérieux débat de société, d'un choix de société.

Comment se satisfaire d'une procédure disciplinaire aussi confuse dans une fonction régalienne de l'Etat qui soulève un doute sérieux sur l'impartialité et la neutralité de son fonctionnement ? Un tel doute pesant sur la gestion des fonctionnaires de police ne peut que déteindre sur les autres procédures et, par ricochet, entretenir le scepticisme quant à l'effectivité de la sécurité juridique à laquelle peut prétendre tout justiciable. La procédure disciplinaire et pénale que décrivent les articles de Louise Fessard interpellent donc tous les citoyens.

Il n'est pas raisonnable, pour l'avenir de la démocratie, d'accepter les affirmations du pouvoir quant à l'issue de cette procédure disciplinaire, ce qui est un préjugement qui contrevient au rappel du Conseil d'Etat cité précédemment, d'autant que la procédure pose de sérieuses questions de droit et que ce même pouvoir légifère contre les droits fondamentaux, sans assurer l'indépendance stratégique de la sécurité du pays. Il se dégage de telles incohérences un sentiment désagréable de vivre dans un pays où l'Etat de droit est soldé à tous les étages pour des motifs étrangers au service de l'intérêt général et des principes fondamentaux de la République (voir Ecomouv : l'abdication du contrôle démocratique du gouvernement, ...).

Au delà de la procédure disciplinaire, l'affaire de la Bac Nord de Marseille interpelle aussi à propos de l'effectivité du droit d'accès à une autorité judiciaire indépendante.

Cette affaire n'a été portée que tardivement à la connaissance du ministère public par les autorités policières au mépris de l'obligation de l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale. Et comprenne qui pourra, le policier qui a informé les autorités des dysfonctionnements du service a été révoqué !? (voir aussi France Info : " Le témoignage d'un ex-membre de la BAC de Marseille: l'un des quatre policiers à avoir dénoncé les "ripoux" de la BAC nord, raconte dans Libération les agissements de ses ex-collègues et l'étrange aveuglement de sa hiérarchie ")

Tarder à agir compromet ou permet la dissipation des preuves. Les agents sanctionnés aujourd'hui sont-ils ceux qui méritent vraiment de l'être ou ne sont-ils que des boucs émissaires ? Quelle est donc alors l'effectivité du contrôle du parquet sur la police dans ces conditions, s'il y est fait obstacle ?

Le texte de loi impose d'informer le procureur sans délai. Ne pas le faire peut constituer une atteinte à l'action de la justice (Articles 434-1 à 434-7). Il y a eu échec à la loi (Articles 432-1 et 432-2). Cela n'est ni poursuivi ni même évoqué alors qu'il est fait obstacle au contrôle de la police par l'autorité judiciaire.

L'obligation d'impartialité (8) du ministère public ne pouvant s'apprécier qu'en considération de la motivation de ses décisions, il s'en déduit que la récente réforme de l'article 31 du code de procédure pénale induit une obligation de motivation à la charge du parquet, sans laquelle le contrôle de l'impartialité de ses décisions est impossible. Cette obligation de motivation s'affirme d'autant plus nécessaire que le parquet n'est qu'une partie au procès et qu'il existe un risque d'atteinte aux droits de la défense.

Le Conseil constitutionnel juge que le parquet n'est une partie au procès : "Il n'est pas douteux que le parquet est une partie au procès pénal et que par conséquent il est contraire aux règles du procès équitable de doter une partie d'une faculté que la ou les autres n'ont pas," (Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002).

"Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice".

Le parquet ne peut donc pas jouir d'une situation contraire au principe d'égalité des armes : "le principe de l’égalité des armes – l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable – requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire " (voy. CEDH requête no 28584/03 c. France et L’égalité des armes dans les enceinte judiciaires par M. Jean-Pierre Dintilhac, conseiller à la Cour de cassation).

Il s'en déduit que le principe du contradictoire s'exerce à l'égard du Parquet comme d'une autre partie et que celui-ci doit donc s'expliquer sur les interpellations qui lui sont faites. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’impossibilité pour une partie de prendre connaissance de l’avis du ministère public et de répondre à ses conclusions avant le prononcé de l’arrêt méconnaît son droit à une procédure contradictoire (CEDH, 20 février 1996, Vermeulen c. Belgique, requête N°19075/91).

Ce point a d'autant plus d'importance que le parquet fait grief au droit au procès équitable comme l'a dénoncé Bernard Stirn, président de la section du contentieux au Conseil d'Etat. Les magistrats du parquet exerceraient « une forte influence » sur « leurs collègues du siège »(« Les libertés en question », 6e éd., Clef Montchrestien, 2006, p. 76). Guy Canivet, ancien premier président de la Cour de cassation et actuel membre du conseil constitutionnel, a, quant à lui, affirmé devant l'Assemblée nationale que « dans la pratique quotidienne du procès pénal, il en résulte une confusion active et visible entre parquet et siège, qui brouille l'idée d'une justice impartiale et place la défense en position de déséquilibre » (Assemblée nationale : audition du 11 avril 2006, Rapport d'André Vallini à l'Assemblée nationale du 6 juin 2006, n° 3125 - note 500).

Il se déduit donc de tout ce qui précède l'importance des informations rapportées par Louise Fessard et leur incidence sur l'Etat de droit en France. Il apparaît clairement qu'il y a de la négligence, voire du mépris, pour des normes fondamentales.

La procédure relative aux agents de la Bac Nord en est une illustration pratique.

Les termes du débat sont posés.

Peut-on encore se satisfaire d'une illusion formaliste du droit ou doit-on exiger le respect de l'Etat de droit ?

L'enjeu est la démocratie et les formes républicaines des institutions, desquelles découlent leur légitimité et la confiance de l'opinion. Un Etat qui ne respecte pas ses règles fondamentales ne mobilise plus ses électeurs. Le caractère démocratique des institutions dépend donc essentiellement de la rigueur de ces institutions à respecter le droit dont elles n'ont reçu qu'une délégation pour le faire appliquer correctement.

Plus philosophiquement, l'actualité politique interpelle chacun sur le choix entre "apparence" ou "conscience". Il n'y a pas de fatalité. Il suffit de savoir dire non.

"La France est un pays étrange, qui invente des notions juridiques très élaborées, dont les principes qui les régissent sont régulièrement démentis par le fonctionnement concret des institutions. (...) Le service public est une merveilleuse invention dont on peut penser qu'elle devrait être de nature à faciliter la vie des peuples. Les contradictions, voire la schizophrénie, font peut-être partie de l'identité nationale française. Il arrive cependant un moment où l'écart entre les principes enseignés et la réalité vécue est tel que l'on se prend à douter de l'utilité d'enseigner des principes si peu appliqués." Jean Marie Pontier - professeur à l'université Paris I - Panthéon Sorbonne "Les étrangetés du service public" AJDA 2008 p.65

______________________

POUR ALLER PLUS LOIN :

Textes de références :

Droit international et communautaire :

Directive n°2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales. Cette directive est invocable au visa de l'article 88-1 de la Constitution conférant une valeur constitutionnelle au droit de l'Union et au visa de l'article 6 du traité de fonctionnement de l'Union européenne intègre au droit de l'Union la Convention européenne des droits de l'Homme et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, le droit à un procès équitable auquel la directive fait  référence (la question de l'accès au dossier par l'avocat durant la garde à vue, voir article 7 de la directive). Le respect d'une directive non transposée s'impose en considération du principe de bonne foi édicté par le de droit des traités et la jurisprudence de la CEDH Demir et Baykara § 85 et 86.

Droit interne pertinent :

Principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs

Article préliminaire du code de procédure pénale

Article 11 du code de procédure pénale

Décret n° 2013-784 du 28 août 2013 relatif aux missions et à l’organisation de l’inspection générale de la police nationale - NOR: INTC1318080D

Arrêté du 28 août 2013 relatif à l’organisation de l’inspection générale de la police nationale - NOR: INTC1320185A

La circulaire  : http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/10/cir_37586.pdf

Conclusions et propositions de la Mission indépendante de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et gendarmes au cours d'une enquête administrative présidée par Mattias Guyomar, qui a rendu son rapport au ministre de l’Intérieur le 13 juillet 2012 (dossier de presse) - voir notamment la proposition N°13.

Ce rapport, qui n'est pas consultable en ligne, a donné lieu à deux notes de service de la direction générale de la police nationale s'agissant du déroulement des enquête administrative :

Note N° PN/CAB/N°2012-6371-D du 22 octobre 2012 relative au respect du principe de la séparation fonctionnelle des enquêtes administratives et judiciaire par l'IGPN.

Note N° PN/CAB/N°2012-6367-D du 22 octobre 2012 relative à l'assistance et à l'information de l'agent dans le cadre de l'enquête administrative (l'agent peut être assisté de la personne de son choix et à le droit d'être informé des conclusions à l'issue de l'enquête). Cette note rappelle le respect du principe du contradictoire (donc l'accès au dossier d'enquête et non pas seulement au dossier administratif). La convocation de l'agent à l'audition informe le fonctionnaire des faits reprochés et un délai raisonnable est respecté entre la notification et la convocation. L'assistant du fonctionnaire a la possibilité de déposer des observations écrites à l'issue de l'audition qui sont annexées à la procédure.

Voir aussi Note PN-CAB N°11-004619-D du 27 juin 2011 rappelant les les règles qui différencient la conduite de l'enquête administrative de l'engagement de la procédure disciplinaire stricto sensu.

Ces notes ne sont pas non plus consultables en lignes. Elle ne figurent pas sur le site Légifrance consacré à la publication des circulaires et instructions conformément à l'article 1er du décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires. Leur valeur normative est donc nulle.

Le défaut récurrent de publicité au ministère de l'intérieur méprise le respect du "principe de transparence de la vie publique", consacré par la loi N°2013-907 du 11 octobre 2013, dont l'article premier impose aux membres du Gouvernement et aux personnes titulaires d'un mandat électif local ainsi qu'à celles chargées d'une mission de service public d'exercer leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité.

Les articles de Louise Fessard sur le déroulement de la procédure disciplinaire de la Bac Nord de Marseille :

Police

Dans les secrets de la Bac Nord de Marseille Par Louise Fessard

Mediapart a pu assister aux conseils de discipline de six policiers de l’ex-brigade anticriminalité Nord, les 17 et 18 décembre. Ils ont été lourdement sanctionnés, malgré des pratiques très éloignées du « système organisé » décrit en octobre 2012 lors de leur chute. L'enquête interne de l'IGPN s'est révélée bâclée tandis que l'instruction judiciaire est, elle, toujours en cours.

Dans les secrets de la Bac Nord de Marseille (2): «Vous êtes des guerriers» Par Louise Fessard

Mediapart a assisté aux conseils de discipline de six policiers de l’ex-brigade anticriminalité Nord, les 17 et 18 décembre 2013. Pression du chiffre, culture du guerrier, hiérarchie lointaine, gestion erratique des indics : on découvre des policiers se prenant pour des super-héros et travaillant sans filet de sécurité, dans des quartiers ravagés par les trafics.

Ce que l'IGPN reproche aux policiers de la BAC Nord Par Louise Fessard

BAC nord de Marseille : le procureur dénonce «un système organisé» Par Louise Fessard

BAC Nord: les ripoux sont réintégrés... pas le lanceur d'alerte Par Louise Fessard

BAC Nord: Valls défend l’action de l’ex-numéro deux de la police marseillaise Par Louise Fessard

Scandale de l’IGS: qui peut contrôler la police des polices ? Par Louise Fessard

Police : la fabrique des statistiques et la culture de la performance 28 mars 2008 |  Par Erich Inciyan

Appliquée à la police, la «culture du résultat» incite à manipuler les statistiques de la délinquance, selon l'enquête de deux chercheurs spécialisés. Jean-Hugues Matelly et Christian Mouhanna décryptent les effets pervers des «sarkomètres»

Les autres articles de Médiapart auxquels se réfère ce billet :

INTERNET

La NSA américainea piraté Orange Par Jérôme Hourdeaux

Selon des documents fournis par Edward Snowden, une unité spéciale de hackers de l'agence américaine a introduit un virus dans le réseau informatique d'un consortium de seize sociétés – dont Orange –, gérant le câble sous-marin qui achemine les communications téléphoniques et internet depuis Marseille vers l'Afrique du Nord, les pays du Golfe et l'Asie.

L'Union européenne et Microsoft : vingt ans de dépendance aveugle  Par Jérôme Hourdeaux

Les institutions européennes ne veulent pas entendre le message politique lancé par le hacker qui a piraté la messagerie du parlement, comme l'a révélé Mediapart. Et il semble hors de question de remettre en cause le partenariat (100 millions d'euros) unissant, depuis vingt ans, la commission européenne et Microsoft, à chaque fois renouvelé sans appel d'offres.

La NSA, un aspirateur à renseignements depuis sa création Par Iris Deroeux

L'agence américaine de surveillance des communications née dans les années 1950, en pleine guerre froide, semble aujourd’hui capable de tout enregistrer et tout stocker, sans trier et sans se soucier de la légalité. Normal, elle a été créée pour ça.

Ministère de la défense et Microsoft : les dessous du contrat «open-bar»  Par Jérôme Hourdeaux

Le ministère de la défense a renouvelé le contrat équipant ses ordinateurs, au grand dam des défenseurs du logiciel libre. Sa signature initiale, contre l'avis d'un groupe d'experts de l'armée, avait suscité de nombreuses inquiétudes. En pleine affaire Snowden, le choix du géant américain interroge.

Surveillance électronique: le Parlement inquiète  Par Jérôme Hourdeaux et Louise Fessard

Branle-bas de combat des acteurs d'Internet contre la loi de programmation militaire : celle-ci organise l'accès des services de renseignements aux données électroniques. S'agit-il de la mise en place d'un « Prism » à la française ? C'est ce que dénoncent la plupart des acteurs de l'Internet quand les parlementaires parlent d'un renforcement des protections individuelles.

Affaire PRISM : Valls appelle à «être lucide»  La rédaction de Mediapart 08/07/2013 - 12:00

Pour le ministre de l'intérieur, « pour protéger leur population, tous les États ont besoin d’accéder à certaines communications électroniques ». A lire sur le site de L’Usine digitale.

Manuel Valls refuse la demande d'asile d'Edward Snowden 04 juillet 2013 |  Par La rédaction de Mediapart

Le ministre de l'intérieur Manuel Valls a rejeté, jeudi 4 juillet, la demande d'asile d'Edward Snowden, cet ancien consultant de la NSA à l'origine de révélations sur l'espionnage des communications mondiales.

Renseignement: «Il peut y avoir des pratiques qui sortent de la loi» selon Manuel Valls 18 juin 2013 |  Par Louise Fessard

Le ministre de l'intérieur a présenté lundi sa réforme des services de renseignement, dont la DCRI sort renforcée. Manuel Valls a reconnu qu'il pouvait « y avoir des pratiques qui sortent de la loi », mais il a renvoyé tout renforcement du contrôle de la DCRI à 2015.


______________________

NOTES :

(1) - La chambre criminelle a consacré avec force par l’arrêt "Schuller" rendu le 27 février 1996 le principe selon lequel n’était pas admissible une preuve procédant d’une "machination de nature à déterminer (l)es agissements délictueux et que, par ce stratagème, qui a vicié la recherche et l’établissement de la vérité, il a été porté atteinte au principe de la loyauté des preuves".

" des arrêts de chambres de l'instruction ont assimilé à une cause de nullité de procédure une situation avérée de partialité, solution que semble avoir implicitement acceptée la Cour de cassation (Crim 11/2/2004 03-80596 Bull N°39). "

La Chambre criminelle étend l'exigence d'impartialité comme condition de validité à l'enquête préliminaire : " Attendu que, si le défaut d' impartialité d'un enquêteur peut constituer une cause de nullité de la procédure, c'est à la condition que ce grief ait eu pour effet de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure ou de compromettre l' équilibre des droits des parties ; " Crim 14 mai 2008 N°80-80483

(2) - La police judiciaire est placée sous l'autorité du ministère public (articles 12 et 13 du code de procédure pénale) soumis à l'obligation d'impartialité (article 31 du code de procédure pénale). Il est dès lors normal que la police soit soumise à une pareille obligation d'impartialité. Cette obligation est renforcée en matière administrative comme rappelé encore récemment à l'article premier de la  LOI n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : " Les membres du Gouvernement, les personnes titulaires d'un mandat électif local ainsi que celles chargées d'une mission de service public exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité (...) " . Pénalement, l'obligation de probité et d'intégrité se trouve déjà inscrite dans l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale qui impose la dénonciation des infractions - au risque sinon de s'en rendre complice selon la Doctrine. L'importance de cette exigence est logique quand l'écriture publique est élevée au niveau d'un écrit authentique et dont l'erreur est sanctionnée par une peine criminelle, puisque constituant, selon le Code panl, "des atteintes à la confiance publique" (LIVRE IV : Des crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique, TITRE IV : Des atteintes à la confiance publique, CHAPITRE Ier : Des faux. Articles 441-1 à 441-12)

La Géorgie a été condamnée dans l'affaire Gharibachvili c. Géorgie par la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir confié une enquête sur des violences policières au parquet « responsable de l'enquêteur accusé d'avoir infligé des mauvais traitements ». (Voy. également affaire Guja c. Moldavia et l'Avis du Commissaire aux droits de l'homme, Thomas Hammarberg, sur le règlement indépendant et efficace des plaintes contre la police )

(3) - L'article 6, paragraphe 2, régit l'ensemble de la procédure pénale, indépendamment de l'issue des poursuites, et non le seul examen du bien-fondé de l'accusation. Dès lors qu'il ressort de l'examen du dossier que l'enquêteur a mené son enquête uniquement à charge, et que les poursuites engagées ont été maintenues, l'arrêt de la juridiction du fond a cristallisé le sentiment que seule la prescription a pu éviter au requérant une condamnation, et consacré une violation de l'article 6, paragraphe 2. CEDH 30 mars 2010, Poncelet c. Belgique, n° 44418/07

(4) - CEDH 18 févr. 2010, n° 22584/06 Le respect du droit à un procès équitable, pris sous l'angle particulier du principe du contradictoire, exige que le défendeur à une procédure disciplinaire ait pris connaissance de toute pièce, notamment lui étant défavorable, dont les juges ne peuvent être assurés qu'elle n'a pas eu d'incidence sur l'issue du litige, y compris lorsque cette pièce est issue d'une procédure civile distincte et n'a été que citée dans la procédure disciplinaire.

L'applicabilité de l'article 6(1) de la convention à la fonction publique AJDA : chronique de jurisprudence de la CEDH Le droit de la fonction publique

Applicabilité de l'article 6§1 de la CEDH dans le contentieux disciplinaire des magistrats AJDA 2008 p.932 CE 12-12-2007 M.S. N°293301

Voir également affaire Sergueï Zolothoukine c. Russie - Requête no 14939/03 10 février 2009 - Cour eur. dr. h., Gde Ch. La Cour de Strasbourg a été saisie d'une procédure administrative ayant abouti à une sanction reposant sur les mêmes faits ayant déjà été punis pénalement, posant la question de la conformité de la "double peine" - pénale et administrative - à l'égard d'un fonctionnaire (voy. La « double peine » : diversité des ordres juridiques et pluralité des systèmes répressifs Roland Vandermeeren, Conseiller d'Etat, professeur associé à l'université de Paris (Panthéon-Sorbonne)
AJDA 2003 p. 1854) :

120.  La Cour a constaté ci-dessus que le requérant avait été condamné pour « actes perturbateurs mineurs » dans le cadre d’une procédure administrative qui doit être assimilée à une « procédure pénale » au sens autonome que possède cette expression dans le cadre de la Convention. Après que la condamnation fut devenue « définitive », plusieurs accusations en matière pénale furent portées contre l’intéressé. La plupart d’entre elles avaient trait au comportement qu’il avait manifesté à des moments différents ou en des lieux différents. Toutefois, l’accusation d’« actes perturbateurs » renvoyait précisément au même comportement que celui visé par la condamnation antérieure pour « actes perturbateurs mineurs » et aussi elle englobait en substance les mêmes faits.

121.  A la lumière de ce qui précède, la Cour estime que les poursuites engagées contre le requérant en application de l’article 213 § 2 b) du code pénal concernaient essentiellement la même infraction que celle pour laquelle l’intéressé avait déjà été condamné par une décision définitive en vertu de l’article 158 du code des infractions administratives.

122.  Dès lors, il y a eu violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.

(5) - Qu'est-ce qu'un manquement grave ? Pierre Sablière, Conseiller juridique à la Commission de régulation de l'énergie AJDA 2007 p. 1571

(6) - Réflexions sur la dimension morale du détournement de pouvoirs. AJDA 2007 p. 2236 Christelle BALLANDRAS ROZET Maître de conférences à l’Université Jean Moulin  Lyon III

(7) - L'engagement des poursuites disciplinaires dans la fonction publique : Un régime « introuvable » RFDA 2001 p. 421 Stéphane Bolle, Docteur en droit public de l'Université de Montpellier I ; Chargé d'enseignement à l'Université de Montpellier III

(8) -La Cour européenne des droits de l'Homme a refusé de reconnaître à plusieurs reprises le ministère public français comme une autorité judiciaire indépendante (voir les arrêts cités ci-après). Il n'en demeure pas moins que le magistrat du parquet est soumis à une obligation d'impartialité.

Et un : Cour EDH, 5e Sect. 10 juillet 2008, Medvedyev c. France, req. n° 3394/03 « que le procureur de la République n'est pas une "autorité judiciaire" au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié » (§ 61).

Et deux : CINQUIÈME SECTION AFFAIRE MOULIN c. FRANCE (Requête no 37104/06) ARRÊT STRASBOURG 23 novembre 2010 : " Dès lors, la Cour estime que le procureur adjoint de Toulouse, membre du ministère public, ne remplissait pas, au regard de l'article 5 § 3 de la Convention, les garanties d'indépendance exigées par la jurisprudence pour être qualifié, au sens de cette disposition, de « juge ou (...) autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires »." (§ 59)

Et trois : " Du fait de cette jurisprudence antérieure, dans l'arrêt Vassis c/ France du 27 juin 2013 (décision ici), la CEDH se contente de rappeler que "la question de savoir si les magistrats du ministère public peuvent être qualifiés de « juge ou (...) autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » au sens autonome des dispositions de l’article 5 § 3 de la Convention" a été tranchée dans l'arrêt Moulin. Elle confirme donc en tous points les décisions antérieures." (Michel Huyette La CEDH confirme son point de vue sur le statut du ministère public français )

... Zéro.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’auteur n’a pas autorisé les commentaires sur ce billet