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Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 1 mai 2025

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Le retour de Godot-Valls sur le « Caillou », Jour 2, relâche...

On ne travaille donc pas à faire progresser la paix le premier jour de mai (que la plupart des journalistes nomment la « fête du travail », comme Pétain) ! Valls fait ainsi un peu de tourisme. Mais il ne m’est pas interdit, avec un ton certes acerbe (pourquoi laisser ce monopole aux loyalistes radicaux !) de revenir sur quelques questions de fond concernant l’avenir institutionnel de la Kanaky

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Pour le tourisme[1], Valls s’est rendu dans une tribu isolée de la Province Nord, à Ouaté près de Pouembout, à une bonne heure de route de la RT1 en pleine montagne ; mais en hélicoptère, sans doute depuis Nouméa. Il y a des lustres, on aurait pu assister à des danses kanak en tenues légères ; ce fut plus sobre : visite d’une « classe découverte » dédiée à la promotion de la culture kanak.

...

Concernant les questions de fond, notons d’abord  le retour des avis d’un grand spécialiste du dossier calédonien : Ferdinand Mélin-Soucramanien[2], professeur de droit public et constitutionnaliste, co-auteur avec Jean Courtial du rapport de 2014 sur l’avenir institutionnel de l’archipel ; tout est dit dans le titre de l’article qui n’est qu’une énième tentative de la balle au centre, l’une de ses spécialités : « ...le principe d’indivisibilité de la République est plus souple et résistant qu’on ne le pensait ». Un peu de baume au cœur dans le pessimisme ambiant, mais surtout l’application de la méthode Coué.

Le troisième référendum pose-t-il question ? « Bien évidemment, sur le plan politique, compte tenu de l’appel des indépendantistes à la non-participation au troisième référendum organisé en décembre 2021, c’est une autre affaire. Ces trois référendums, qu’on le veuille ou non, ont conclu à la volonté majoritaire d’un maintien d’un lien avec la République française [je souligne encore, PC : quel type de lien ?]. [...] Après, tout dépend bien entendu de la nature du lien avec la République française ». Et encore, sur le sujet central du débat, il insiste : « Donc le lien avec la République française est acquis. Tout l’enjeu, c’est de savoir concilier le lien avec la République française et l’exercice du droit à l’autodétermination. Puisque l’exercice du droit à l’autodétermination, là aussi, c’est une exigence des Nations Unies et c’est aussi une exigence constitutionnelle française, puisque depuis 1946, on considère que le droit à l’autodétermination est perpétuellement ouvert pour les populations d’outre-mer. C’est inscrit dans la Constitution de 1946, ça a été repris tel quel dans la Constitution de 1958. Là aussi, c’est la position particulière de la France, son positionnement sur la scène internationale, qui est en jeu ».

Il arrive enfin au fond de la question de la réforme institutionnelle : « ... une souveraineté flexible, en quelque sorte. La Nouvelle-Calédonie peut gagner à ces nouvelles relations. La République française aussi peut sortir gagnante, parce que si la souveraineté n’est pas flexible, qu’elle est rigide, elle casse ! C'est une loi de la physique des matériaux qu’on est en train d’éprouver aujourd’hui avec la Nouvelle-Calédonie et cette nouvelle souveraineté flexible qui se fait jour ». À la question « Donc le principe d’une République une et indivisible peut se concilier avec une forme de souveraineté de ces territoires ? », la réponse qui était dans le titre de l’article est claire : « On pensait que c’était impossible dans une vision rigide, un peu étroite, de l’indivisibilité de la République. Et ce qu’on voit avec la Nouvelle Calédonie, c’est qu’on peut réinventer, réenchanter finalement ce modèle »

Et avec répétition de ce qui a tant de fois été dit et redit : « Cela renvoie à la fameuse pensée visionnaire de Jean-Marie Tjibaou : ce qui importe, ce n’est pas la question de l’indépendance, mais la question de la négociation des interdépendances. Pour ma part, pour vous dire le fond de ma pensée, c’est parce que je suis viscéralement attaché à l’indivisibilité de la République française, à sa promesse d’universalisme, que je soutiens cette évolution du principe d’indivisibilité. Je pense sincèrement que s’il n’évolue pas, il est condamné à disparaitre ».

Mais il est farouchement opposé à la partition du pays, à un « dépeçage, de la Nouvelle-Calédonie »« C’est évidemment la solution du pire, parce que c’est la reconnaissance d’une forme d’échec. On l’oublie parfois, mais en Algérie, juste avant l’indépendance, certains avaient imaginé autour de Pierre Mesmer, une partition de l’Algérie. Une partie de l’Algérie restant française et une autre partie devenant indépendante. Et le général de Gaulle, à l'époque, avait exclu cette hypothèse, très fermement, en disant, la formule est juste et forte, qu’il ne voulait pas d’un "Israël français" ». 

Le second sujet abordé ici est celui de la « loi fondamentale » proposée par Valls, abordé dans un article justement ce 1er mai[3] qui commence par : « Indépendance dissimulée pour les uns, innovation juridique nécessaire pour les autres, le principe d’inscrire dans la Constitution française une loi fondamentale qui consacrerait le nouveau statut calédonien divise. Mais que renferme exactement cette notion juridique, inscrite dans le projet d’accord de Manuel Valls ? Éléments de réponse ».

Cette loi conférerait à la Nouvelle-Calédonie la fameuse « compétence de la compétence » déjà évoquée dans nos billets précédents : la possibilité de modifier, sans concertation avec l’État, les règles relatives à l’organisation politique et institutionnelle du Pays. Un saut vers l’indépendance fustigent les loyalistes radicaux : selon Philippe Blaise, deuxième vice-président de la Province Sud et membre du groupe Les Loyalistes au Congrès « "Une loi fondamentale est une Constitution qui ne dit pas son nom, [qui] vise à nous amener sournoisement à accepter de devenir un État associé", en opposition avec l’idée d’une "République une et indivisible" consacrée par l’article 1 de la Constitution française ». L’article rappelle ce que Mélin-Soucramanien affirmait dans l’article précédent : « L’acte le plus important en termes de souveraineté, c’est l’établissement d’une constitution propre au territoire considéré. Dire qu’il va y avoir une loi fondamentale, c’est finalement reconnaître la souveraineté, qui est le terme juridique exact du territoire en question ».

En revanche, Calédonie ensemble, par la voix de Philippe Dunoyer, ne crie pas au loup : « "C’est certes une constitution, mais inscrite dans la Constitution française", précise l’ancien député calédonien. Il y voit avant tout "une méthode" à adopter pour permettre à la Nouvelle-Calédonie de choisir un statut "qui ne corresponde à rien de ce qu’on connaît, qui est débarrassé de tout prérequis ou référence". Une façon de s’écarter du débat houleux autour de l’accord de Nouméa, "plancher de négociations" pour les indépendantistes, mais dont Les Loyalistes ne veulent plus entendre parler ».

Mais, qu’on le veuille ou non, cela rappelle les « États associés » du Pacifique (par exemple Les îles Cook et Niue liés à la Nouvelle-Zélande) quasi-indépendants mais en fait des sortes de protectorats[4].

Quant au dernier article sur l’autodétermination[5], rien de nouveau sous le soleil...

...

Le traditionnel défilé du 1er mai à Nouméa du seul syndicat très indépendantiste, l’USTKE, a été interdit[6] par le Haussariat qui fut plus souple avec les manifestations des loyalistes radicaux contre Valls... Dans l’Hexagone, manifs non unitaires, un peu comme d’habitude et assez clairsemées. Je suis allé (faute de manif USTKE ; n’étant d’ailleurs pas en Kanaky...) manifester à Abbeville et chanter avec la chorale militante du coin : gros succès de cette chorale mais dans un défilé maigrelet.

Notes

[1] Voir :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/province-nord/pouembout/manuel-valls-en-nouvelle-caledonie-entre-deux-journees-tres-politiques-immersion-dans-une-tribu-de-la-chaine-1582841.html

[2] Voir, le 28 avril :

https://outremers360.com/bassin-pacifique-appli/interview-ferdinand-melin-soucramanien-la-nouvelle-caledonie-montre-que-le-principe-dindivisibilite-de-la-republique-est-plus-souple-et-resistant-quon-ne-le-pensait

[3] Voir :

Avenir institutionnel : qu’est-ce que la "loi fondamentale", censée définir le futur statut de la Nouvelle-Calédonie ? | Les Nouvelles Calédoniennes

[4] Voir mon billet du 16 octobre 2024, Buffet sur le « Caillou » : la solution de l’ « État associé » sera-t-elle évoquée ? sous-titré, Faute de véritable indépendance-association, on en parle beaucoup, mais à demi-mot. Il n’y a pas qu’ « Indépendance, point » versus « Calédonie française » ; l’ « État associé » serait la solution mi-figue mi-raisin (entre « pleine souveraineté avec partenariat » et « autonomie étendue »). Ou traduction en vocabulaire politiquement plus correct : protectorat de l’époque coloniale ? Tout est là…

Voir donc :

Buffet sur le « Caillou » : la solution de l’"État associé" sera-t-elle évoquée ? | Le Club

[5] Voir :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/avenir-institutionnel-discorde-sur-le-droit-a-l-autodetermination-comment-concilier-l-inconciliable-1582745.html

[6] Voir :

Le défilé du 1er-Mai remplacé pour la première fois par un pique-nique syndical

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