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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 4 février 2024

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Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante ! Saison 4, Première partie (I) ; tout début)

Cette Saison ne traitera que du point I-1 (Mosaïque ethniques et inégalités) avec une introduction où le racisme (dit « scientifique » celui-là) envers les Kanak va curieusement réapparaître. Elle se limitera au point I -11 (La colonisation, la marginalisation et la tentative d’extinction des Kanak). Le point suivant I -12 (L’évolution contemporaine de la population) sera présenté à la Saison 5…

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

I – les contraintes sociales nées de l’histoire : inégalités et luttes ethniques, luttes de classes

Avant l’histoire[1], deux mots concernant… la tectonique des plaques et la haute préhistoire. Deux apports assez récents sur l’histoire très ancienne du Caillou sont en effet intéressants à évoquer, ne serait-ce que pour avoir conscience de la relativité de nos connaissances scientifiques.

La théorie de l’Allemand Alfred Wegener, celle de la dérive des continents[2] née en 1912, fut méprisée, avec un très large consensus des scientifiques géologues pendant un demi-siècle, jusqu’à l’acceptation, autour de Mai 68 de celle de la tectonique des plaques[3] : la majorité desdits scientifiques retournèrent alors leurs vestes[4]. « En Calédonie, on se fout de tout ça ! Marre de toutes ces digressions ! » hurleront beaucoup de lecteurs ; digression encore certes, mais qui peut intéresser le Caillou : L’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer) vient de découvrir, avec d’autres, le continent (immergé à 97 %) nommé Zealandia[5] ; le Caillou et la Nouvelle-Zélande en sont les deux principales parties émergées et ce phénomène est d’ailleurs à l’origine des mines de nickel au sommet des montagnes du Caillou : sans Zealandia pas de nickel ! Il s’agit en fait d’une nouvelle plaque tectonique de la taille de l’Inde, découverte par plusieurs campagnes, dont la VESPA (Volcanique Evolution of South Pacific Arcs). Bien sûr, encore un gag à la Signé Furax direz-vous ; et cette plaque se promène en Vespa ! Cette découverte est pourtant vraie ; on peut la trouver sur Wikipédia et sur le site du gouvernement de Nouvelle-Calédonie (gouv.nc) qui ne permet évidemment aucune fake news[6].

L’autre nouveauté est celle de la révision de l’origine du peuplement de l’Australie et de la Mélanésie (Îles Noires, rappelons-le) : origine peut-être presque directement africaine. Personne ne semble étonné quand est indiquée une origine asiatique aux Kanak (celle des Austronésiens, définis par une langue[7] et non pas par des caractéristiques physiques) alors que les Mélanésiens ont la peau noire (on écrit maintenant plutôt, pour être politiquement plus correct : « ont le teint mat ou couleur ébène »…). Des recherches récentes montrent que les Mélanésiens seraient bien venus d’Afrique (comme tout le monde…) en passant par Taïwan mais sans perdre leur couleur (comme les minorités négritos, proches des pygmées, d’Asie et des Indiens dravidiens du Sud). Bref, les Africains à l’origine de l’humanité[8] auraient bien une branche sur le Caillou.

D’autres pensent que c’est beaucoup plus compliqué ; dont l’anthropologue calédonien Christophe Sand : encore une impasse regrettable de l’édition de 2018. Pourtant, les textes de ses interventions n’étaient pas épuisés : j’aurais pu les trouver sur la Toile[9]. Il s’agit probablement d’un autre nationaliste calédonien qui s’ignore. Sand (comme Jean-Pierre Taieb Aïfa) est un « Caledoun », un descendant des « Arabes » (en fait donc surtout des Kabyles) qui arrivèrent sur le Caillou comme bagnards[10]. Sand tentera de lutter contre le point de vue courant chez beaucoup d’archéologues où ce qu’il faut bien appeler un racisme, cependant couvert par un esprit dit scientifique, resurgit ; il s’agit de la question de la continuité ou de la rupture entre la brillante civilisation Lapita[11] et celle qui a suivi avec les Kanak historiques. D’où la longue introduction de cette première partie. Et ce n’est pas du tout une digression…

Cette première partie (I) sera exposée en trois temps (mais donc en de nombreuses Saisons dans le feuilleton).

D’abord l’analyse de la considérable mosaïque ethnique et des inégalités qui se traduisent au niveau spatial de l’organisation en Provinces (I-1). On traitera en premier lieu du processus ancien de la colonisation, avec marginalisation et tentative d’extinction des Kanak (I-11). Ensuite, de l’évolution contemporaine de la population : tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes néocolonial possible… jusqu’à un coup de tonnerre (I-12). Il s’agit en effet d’un coup de tonnerre dans un ciel pourtant apparemment serein : après la ruée vers l’Eldorado, l’exode des Blancs européens, mais en majorité écrasante des Métros de Nouméa la Blanche (I-13).

Le second champ d’analyse présentera les inégalités flagrantes, souvent donc régionales et, ainsi, ethniques (mais pas que : la lutte de classes est aussi présente dans la société moderne !) : salaires, revenus, pauvreté (I-2). D’abord l’analyse des salaires et des revenus avec, donc, les fortes inégalités (I-21). Puis la simple description de la lutte pour la récupération par les Kanak des terres spoliées (lutte non complètement aboutie) ; cette description étant équilibrée par le rappel de quelques analyses théoriques des sociétés dites « primitives » (I-22). Enfin sera posée la grande question : « La société kanak est-elle soluble dans l’argent ? » ; et les politiques publiques peuvent-elles intervenir, et dans quel sens ? (I-23).

Le troisième temps de cette première partie présentera, après l’analyse précédente de la transformation partielle de la société kanak, des développements concernant la société « moderne » du Caillou ; Vie chère et luttes syndicales I-3. La Calédonie est encore une économie de comptoir, sans aucun doute, où la vie est chère, très chère (I-31). Et les syndicats de salariés sont plus émiettés qu’en Métropole (I-32). Pourtant, les luttes syndicales, grâce surtout à une Intersyndicale, furent les catalyseurs des réformes économiques acceptées de temps en temps par les politiques (I-33).

 ...

Un certain racisme d’anthropologues dits « scientifiques » rôde encore. Heureusement, un anthropologue natif du Caillou, vraiment scientifique celui-là, critiquera ce point de vue ; ce qui nous amènera à une hypothèse personnelle concernant l’évolution à très long terme de la société coutumière kanak[12]

* La civilisation dite Lapita, rupture ou continuité avec les Kanak qui suivirent ?  Une question éminemment politique

« Sautons quelques millénaires, en oubliant les céramiques Lapita que les Kanak n’ont, semble-t-il, pas récupérées » osais-je écrire dans l’édition de 2018. Je faisais encore ainsi l’impasse sur une grave question : y a-t-il une continuité entre la civilisation Lapita des premiers arrivants vers 1300 ou 1000 av. J.-C. (dont l’âge d’or fut en fait bref, environ 250 ans, à la fin de ce millénaire) et la civilisation kanak qui a suivi ? La question est donc éminemment politique ; et il n’est ainsi plus question de la sauter !

Pourtant, cette question était posée depuis bien longtemps[13], avec des articles de grands journaux et une exposition. Pourquoi une importance politique à cette exposition qui décrit également la découverte de cette civilisation ? Christophe Sand (déjà rencontré brièvement dans nos Préliminaires) répond à cette question dans l’article cité : « Dans la situation de la Nouvelle-Calédonie, l’importance de cette découverte était énorme. Les Kanaks, qui s’appuyaient sur leur statut de premiers occupants, ont longtemps refusé l’idée d’un peuplement antérieur. Puis les colons ont profité de la sophistication de l’art lapita pour prouver qu’il y avait eu plus intelligents et plus développés que les Kanaks ». Et revoilà donc le racisme qui revient ! Il ajoute : « Il faut attendre 2002 et une conférence internationale sur la civilisation lapita organisée à Nouméa et Koné, dans la Province Nord, pour que cette mémoire de la civilisation océanienne soit enfin reconnue ».

La question est surtout devenue un buzz plus récemment, avec, par exemple une contribution qui réitère le point de vue de Sand[14] : « Les colons quant à eux, se sont servis des découvertes Lapita pour montrer l’existence d’une civilisation intelligente et développée antérieure aux Kanak ». Un autre article, de Sand, son interview par la revue GEO (publié fin 2018) m’avait, et pour cause échappé[15] ; il y précise encore, quant à l’aspect politique : « Les caractéristiques culturelles spécifiquement kanak ne se sont peu à peu développées qu’il y a environ mille ans. Elles comportaient une tradition d’accueil des étrangers : les traditions orales kanak sont remplies de récits décrivant l’arrivée de familles originaires d’autres archipels de l’arc mélanésien ou de Polynésie occidentale. Ces arrivées épisodiques ont contribué à diversifier le patrimoine génétique et à enrichir les cultures de l’archipel ». Ces Lapita, fondateurs donc des Mélanésiens, dont les Kanak, n’étaient déjà plus les Austronésiens venus de Chine par Taïwan ; ils s’étaient déjà métissés avec les Papous.

* Pas de société, fût-elle « primitive », sans histoire ! Le développement de la critique  des tenants de la rupture entre Lapita et Kanak par Sand

Sand est un homme clé dans toute cette histoire, singulièrement dans son aspect politique sur le Caillou. On peut l’écouter et le voir lors de sa dernière conférence, en septembre 2018 au Centre culturel Tjibaou. Il était encore le patron de l’Institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique (IANCP) ; il en fut viré peu après, et assez salement, en 2019, juste avant les élections provinciales[16]. Cette conférence reprend toutes ses recherches, et singulièrement un livre de 2010. Rien que la présentation de ce livre vaut le coup d’œil, surtout sa conclusion où la question politique était donc clairement posée il y a presque une quinzaine d’années : « L’identification d’une continuité culturelle entre la période Lapita et ce qui suit vient réfuter l’idée d’un " remplacement de population " à la fin de la période Lapita en Mélanésie ». Il s’agit, à mon avis, livre de 2010 et conférence de 2018, des sources d’informations les plus riches concernant le sujet, avec des aspects théoriques certes critiquables, mais qui résonnent avec mes propres recherches. Sand insiste sur ce qui peut paraître un slogan, mais qui résume toute l’histoire kanak souvent considérée comme le continuum d’une « société primitive » fort sympathique car sans propriété privé et (apparemment) sans hiérarchie ni classes sociales, donc sans histoire[17] : « Aucune société est immobile » affirme Sand.

Sand nous décrit d’abord par le menu que la question politique est vieille comme la colonisation française ; on laisse le lecteur l’écouter et le voir. Sauf une seule référence : Marius Archambault[18]. Selon cet ignoble personnage, employé des postes et archéologue amateur (qui a écrit entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe) que les Kanak étaient les plus proches de l’homme de Neandertal, c’est-à-dire « tout en bas » ; et (grand classique) : les Kanak ne sont donc pas les premiers occupants puisque les Lapita (probablement, mais il ne le dit sans doute pas) sont des homo sapiens sapiens qui les ont précédés[19]. Depuis, toute l’archéologie fut critiquée par les indépendantistes, et ça continue… Petite digression. Pour continuer à rendre encore plus compliqué ce qui l’est déjà beaucoup, on trouve sur la Toile des écrits rapportant l’existence de rapports étroits de ce Marius Archambault et des Leenhardt ; l’un fut publié en février 2021 par l’UNC (l’Université de Nouvelle-Calédonie, édités par Dominique Barbe, Caroline Graille et Gwénael Murphy : Maurice Leenhardt (1878-1954) Contextes et héritages, dont un texte d’Émilie Dotte-Sarout,  Maurice – et Jeanne – Leenhardt et l’archéologie calédonienne : une histoire de connections[20].

* Le mystère de la disparition des céramiques Lapita… Et l’histoire pas immobile

La disparition des poteries sophistiquées des Lapita (notre interrogation originelle) est donnée par Sand : « Ils arrêtent la poterie à cause de la mauvaise argile » ; explication peu convaincante, mais la seule qu’il propose : les Lapita en avaient trouvée, de l’argile ; elle aurait été épuisée[21] ? 

Ce qui est surtout passionnant dans son récit, c’est qu’il insiste, dans son histoire des Kanak qui n’est donc pas immobile, sur plusieurs points. Un renforcement, singulièrement dans l’île de Maré, l’une des trois Îles Loyauté, en face de la Grande Terre, de chefferies très hiérarchisées, « pyramidales ».  Avec, pour renforcer cette hypothèse, de grandes murailles faites de moellons de calcaire coralien pesant jusqu’à plusieurs tonnes, dignes (toute proportion gardée, des pyramides de l’Égypte des Pharaons) qui auraient pu se généraliser à tout l’archipel ; cependant, il n’indique pas cette possibilité. Il propose également l’histoire du passage d’une famille retreinte au clan qui va venir « au-dessus », puis à la tribut ou chefferie, passage rendu nécessaire par ce que les marxistes analyseraient comme l’évolution des rapports sociaux de production contrainte par les forces productives : il donne l’exemple des immenses tarodières en terrasses pour la culture du tarot et des billons pour les ignames. Il affirme que la population était sans doute bien supérieure aux 40 000 kanak évalués au début de la colonisation. Il insiste aussi sur le développement des échanges locaux et avec les Îles Loyauté, et aussi avec toute la Mélanésie, Ouvéa étant la plaque tournante.

Cette conférence fut suivie d’une autre, en plus petit comité, à la librairie Calédo Livres de Nouméa, en 2021, également retransmise par la télé Caledonia ; très curieusement, cette conférence (deux ans après l’éviction de Sand de l’IANCP) était présidée par Sylvain Pabouty, un indépendantiste radical… alors Président du Conseil d’administration de l’IANCP ; elle apporte peu de choses par rapport à celle de 2018, le nouveau livre présenté mis à part[22].

* Une hypothèse personnelle sans doute délirante : il n’y eut peut-être pas de « Grand remplacement » des Lapita par les Kanak, mais une lutte politique qui évita le passage au despotisme

Délirante sans doute, mais plausible. Certains chercheurs remarquent que peu de poteries Lapita avaient été retrouvées entières : toutes (sauf rares exceptions) étaient brisées. Volontairement ? On trouve souvent, de par le monde, des poteries brisées ; mais les entières sont moins rares qu’en Mélanésie. Hypothèse à vérifier néanmoins…

Les vieux marxistes se souviennent encore de la théorie du Mode de Production Asiatique (noté MPA par les connaisseurs) un temps étudié par Marx et Engels prétendant que le développement des forces productives dans des Empires où l’irrigation était une contrainte forte[23] rendait nécessaires un État bureaucratique centralisé[24]. Un temps seulement, mais c’est aussi une autre histoire[25]. Ce Despotisme dit oriental, déjà analysé par Montesquieu, remet évidemment en cause l’histoire, un peu Bisounours du marxisme orthodoxe : celui du passage du Communisme primitif (où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil) au vrai Communisme, sorte de retour au paradis perdu, après les modes de production marqués par l’exploitation de l’homme par l’homme (l’esclavagisme, le féodalisme et le capitalisme).

Et si la disparition soudaine (remarquée donc par tous les chercheurs) des poteries des Lapita (mais pas obligatoirement de la civilisation) n’était que le résultat d’une opposition populaire générale à ce despotisme ? Par exemple, à ce qu’aurait pu devenir la généralisation de la société très hiérarchisée de Maré, où des grands travaux collectifs des tarodières en immenses terrasses et des billons d’igname.

On ne va pas aller au-delà de cette hypothèse[26]

...

I-1 Mosaïque ethniques et inégalités

Les livres et articles concernant l’histoire du Caillou depuis la colonisation rempliraient une grande bibliothèque[27]. Nous ferons ici surtout référence à quelques ouvrages.

Le premier qui nous est tombé sous la main (héritage d’un ancien militant syndicaliste) s’intitule La crise coloniale en Nouvelle-Calédonie et date d’il y a plus d’un siècle[28]. Son auteur calédonien dresse un portrait au vitriol des errements de la colonisation agricole du Gouverneur Feillet de la fin du XIXe siècle et défend l’avenir minier du Caillou (pourtant soumis à cette époque à une crise cyclique sévère). Sévère, cet auteur l’est également envers la manière dont sont traités les autochtones : « Ni enquête, ni instruction, ni tribunal en ces rapports du Canaque et de la République française ; le bon plaisir ». Enfin, il cite un ami « La Nouvelle-Calédonie veut vivre, elle vivra. Le pessimisme, le découragement, la veulerie ne poussent pas dans son air salubre et sa lumière vermeille ». Il refaisait du Garnier…

Après la première édition de ce livre, beaucoup de chercheurs se sont penchés sur cette histoire, cependant plus récemment. Nous retiendrons surtout celui de Michel Naepels, La Nouvelle-Calédonie : « Une colonisation pas comme les autres »[29]. Pour ce qui est de l’histoire générale, la référence est sans aucun doute Frédéric Angleviel[30]. Il est loyaliste[31] : la troisième partie de son livre de 2015 est Aujourd’hui, de l’autonomie à une décolonisation dans la France. Ce qui peut apparaître comme un oxymore pour un gauchiste radical, se retrouve dans tout le discours loyaliste, à partir du préambule de l’accord du Nouméa de 1998 qui évoque cette décolonisation, les accords de Matignon-Oudinot étant, on l’a indiqué, moins diserts.

Cette décolonisation n’est pas nécessairement dans la France, mais, il est vrai, peut l’être[32] : une certaine ambiguïté qui tient à tout compromis peut en effet être perçue. Le Préambule de l’accord de 1998 ne lève qu’en partie cette ambiguïté : la décolonisation peut déboucher sur l’indépendance (dite pleine souveraineté). Citons encore ce préambule : « La décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps. […] Dix ans plus tard[33], il convient d’ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l’identité kanak, préalable à la refondation d’un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, et par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté. […] Au terme d’une période de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité seront proposés au vote des populations intéressées. Leur approbation équivaudrait à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie ». L’interprétation indépendantiste serait plutôt, contrairement à celle d’Angleviel, une décolonisation par l’accès à la pleine souveraineté. Ce qui est certain, c’est l’autodétermination.

Même ambiguïté dans ce préambule sur le passage de la citoyenneté à la nationalité : « En ce qui concerne les institutions, l’un des principes de l’accord est la reconnaissance d’une citoyenneté de Nouvelle-Calédonie. Celle-ci aurait vocation à devenir nationalité après la fin de la période d’application de l’accord en cas de choix de l’indépendance. Durant la période transitoire, la notion de citoyenneté fonde les restrictions, en fonction d’une certaine durée d’établissement sur le territoire, apportées au corps électoral ainsi qu’au droit au travail ». Il s’agit de la liste électorale référendaire restrictive (mais aussi pour les élections provinciales) et, pour le droit du travail, de ce qui deviendra la loi sur l’emploi local.

Voilà pour quelques éléments de bibliographie.

Le premier volet de la première partie de ce feuilleton, déjà présenté plus haut, peut ici être précisé. Sera donc traité la question du développement économique sous son aspect social, à ne pas confondre avec ce qui sera tenté dans la deuxième partie qui abordera en fait seulement la croissance en considérant (presque, et sans illusion) le Caillou comme une société capitaliste homogène. On sait depuis longtemps qu’il ne faut pas confondre les deux notions, le développement s’intéressant au bien-être qualitatif des humains et pas seulement à l’arithmétique des niveaux de vie ; l’IDH (Indicateur de développement humain) mesure la pauvreté en prenant également en compte la santé et le niveau d’éducation. On peut aller plus loin : le développement modifie les rapports de production dans une transition où les secteurs dit traditionnels (petite économie dite de subsistance ou articulation plus complexe de modes de production au sens des marxistes, comme en Amérique latine avec les Latifundios) cohabitent avec l’économie capitaliste dite moderne. Sur le Caillou, il s’agit, pour le premier secteur, de la société dite coutumière des tribus et de leur économie. 

Quant au développement économique, notre point de vue s’éloignera de celui de Touraine. Il est à la fois une nécessité dans une société dualiste, mais souvent un leurre : la recherche du développement étant quelquefois un remède aux revendications nationalistes et de classes, tant pour les institutions coloniales anciennes et actuelles que, selon certaines mauvaises langues, pour certains indépendantistes. On ne reviendra pas sur les débats de la vieille époque critiquant la théorie du dualisme (de Sir Arthur Lewis, économiste Nobel d’économie en 1979) par celles, marxisantes, de l’impérialisme et de la dépendance. Si la théorie émise par Lewis dans Development with Unlimited Supplies of Labour (Développement avec fournitures de travail illimitées) de 1954 est très critiquable, elle est très pertinente pour le Caillou actuel au niveau descriptif : le secteur kanak des tribus donne, par son surplus de main-d’œuvre, de la force de travail au secteur capitaliste.

D’un côté, la domination coloniale sur les Kanak, depuis la levée du drapeau français en 1853 jusqu’aux importations de bagnards et travailleurs asiatiques, existe encore aujourd’hui ; de l’autre la résilience de ce peuple opprimée également. Les Kanak d’un côté, les Caldoches et Métros de l’autre (et il ne s’agit plus de figure de style…) plus une mosaïque d’autres immigrés plutôt favorables aux seconds. D’un côté et de l’autre renvoient en outre en grande partie à l’espace géographique qui n’a rien de naturel : les Provinces sont des constructions politiques récentes. La provincialisation a débuté avec la création de quatre régions (statut Fabius-Pisani en 1985, puis statut Pons en janvier 1988) ; mais les trois Provinces actuelles, nées avec l’accord de Nouméa, ont le statut de Collectivités territoriales de la République. La Province Sud est à majorité non kanak avec Nouméa, le centre économique et politique du Caillou ; c’est la province la plus riche. La Province Nord et celle des îles Loyauté sont à majorité écrasante kanak ; ce sont les provinces les plus pauvres. Autrement dit, on peut approcher les inégalités ethniques par les inégalités régionales ; mais pas seulement : elles sont également flagrantes à Nouméa.

Le secteur des tribus est certes minoritaire mais conséquent : en gros 22 % vivant sur terres coutumières selon le  recensement de 2019, mais 29 % en 1988[34] : la baisse est évidente mais pas si rapide. Pour ce secteur, la principale question qui se pose est la suivante, répétons-la : « La société kanak est-elle soluble dans l’argent[35] ? ». Et avec la contrainte du statut foncier où la terre kanak aura été réduite par la colonisation comme peau de chagrin, quoique corrigée en partie par les réformes foncières de la fin des années 1970, surtout de 1988 à 2010.

On propose ci-dessous un petit dessin, un graphique emprunté à l’ISEE (avec quelques ajouts personnels) traitant du recensement de 2019 qui donne quelques précisions sur la question.

Illustration 1

I-11 La colonisation, la marginalisation et la tentative d’extinction des Kanak

I-111 Le commerce et le goupillon, avant le sabre

* Le grand Britannique James Cook d’abord

Le capitaine Cook fut découvert par les habitants premiers en 1774 et nomma donc ce Caillou New Caledonia en souvenir des Highlands de son Écosse maternelle. Une terre devenue française à nom écossais, avant donc que les indépendantistes ne retrouvent un terme hawaïen… Les îles Fidji eurent plus de chance : Cook les nomma ainsi parce qu’un Tongien lui prononça le nom que les autochtones lui avaient donné, Viti, à la tongienne : Feeggee.

* Puis vint le commerce

Cependant plus tard, souvent plus anglo-saxons (dont les Américains) que français : les santaliers (bois de santal) ; les chasseurs de baleines et autres pêcheurs de bêches[36] (ou concombres) de mer (holothuries) aphrodisiaques ; le tout travaillant pour le marché asiatique. Le Caillou fut alors, comme la plupart des îles de Mélanésie également découvertes par Cook, un petit centre d’une mondialisation particulière. Premier peuplement exogène d’Européens (les Océaniens les avaient précédés, on l’a vu) avec le commerce, et encore sans sabre.

* Ensuite surgit le goupillon, mais toujours avec le commerce

Un peu plus tard (vers 1840), arrive le goupillon : les frères maristes catholiques d’un côté (Monseigneur Guillaume Douarre, à Balade au nord-est de la Grande Terre) ; de l’autre les missionnaires protestants anglais (de la London Missionary Society). Ces influences religieuses, certes armes de la colonisation avec concurrence catholico-protestante (en fait franco-britannique) modelèrent la société kanak par un syncrétisme étonnant entre les croyances d’origine et la chrétienté ; en outre, le goupillon fut souvent une bouée de sauvetage face à la colonisation du sabre et des commerçants, en particulier par l’éducation. Bref, la société première kanak et Jésus (sous toutes ses formes) ont donné la société kanak actuelle.

Sur la Grande Terre, quelques gros commerçants britanniques s’établirent également, dont l’Anglais James Paddon (déjà mentionné) à l’île Nou ; mais il en fut bien d’autres, de toute nationalité.

I-112 Le sabre français en 1853 et la spoliation des terres kanak

* Anglais et Français tournaient autour du Caillou : les seconds ont gagné

Ce fut donc, avec l’Algérie, on se répète[37], l’une des seules colonies françaises de peuplement ; et à la même époque : Charles X puis Louis-Philippe pour l’Algérie ; Louis-Philippe et Napoléon III pour le Caillou. Quand Abd el-Kader est définitivement défait en 1847 (17 ans après la prise d’Alger et 20 ans après le coup d’éventail du Dey) la France tente de se saisir du Caillou. En deux temps, après celui, raté sous Louis-Philippe, en 1844 à la demande de Douarre, le second étant le bon le 24 septembre 1853, toujours à Balade où l’amiral Febvrier Despointes, venu à bord du navire Le Phoque, hisse le drapeau tricolore. Nouméa, au Sud-Ouest (d’abord nommée Port de France jusqu’en 1866) sera fondée un peu plus tard en découvrant l’installation du British, le Capitaine Paddon.

Pourquoi cet empressement, quoiqu’un peu tardif, de Napoléon Le Petit ? Un peu pour embêter les Anglais, mais pas tant que ça : c’est le début de l’Entente cordiale avec la reine Victoria (les deux prêts à attaquer la Russie avec la guerre de Crimée) ; un peu pour établir des colons libres et, en même temps, trouver une nouvelle colonie pénitentiaire moins rude et plus éloignée que Cayenne. Les Anglais avaient eu l’Australie et, depuis peu, la Nouvelle-Zélande ; les Français auront le Caillou, après avoir dominé les Anglais à Tahiti, mais avec un certain retard : quand est fondée Nouméa, Sydney est déjà une vraie ville, et depuis longtemps (1770), toujours avec Cook, puis en 1787 avec l’arrivée des premiers colons.

* Pas de grande résistance d’un Abd el-Kader sur le Caillou, malgré la prise des terres kanak par les colons, bagnards ou libres

L’histoire de l’Algérie s’autonomisant de l’Empire ottoman n’a rien à voir avec celle des habitants de l’archipel qui viennent d’entrer, après des siècles de leur histoire, dans l’histoire occidentale. Résistance il y eut, mais sporadique avant celle d’Ataï[38] en 1878 (sur la côte ouest autour de La Foa) puis celle de 1917 (au nord, entre Koné et Hienghène) essentiellement sur fond de refus à l’envoi en France pour participer à la guerre contre l’Allemagne ; son grand chef Noël est moins connu qu’Ataï. Mais la mémoire revient : nous avons assisté en novembre 2017[39] à la commémoration à Koné du centenaire de cette dernière importante insurrection ; auparavant, un ouvrage[40] avait été publié en 2015. Ces insurrections eurent lieu bien après que des Communards et des Kabyles (Révolte des Mokrani[41], tout à fait contemporaine de la Commune) en Algérie y furent déportés après 1871. Mais rien à voir d’un côté avec la résistance des Maoris en Nouvelle-Zélande ; de l’autre avec la quasi-disparition (comme celle des Indiens d’Amérique) des aborigènes - ils n’ont pas d’autre nom que celui dont les ancêtres sont les premiers habitants connus de sa terre natale - en Australie.

* La colonisation fut double[42]

Celle des bagnards (de leurs matons et des militaires) qui pourront devenir colons libres ; celle des colons libres. Les bagnards sont (précisons encore) soit des transportés, des déportés ou des relégués à La Nouvelle : les premiers (de 1864 à 1897) le sont pour crimes et délits majeurs (environ 22 000, dont 250 femmes) et forment la plus grande partie de ceux qui deviendront colons libres pour se réhabiliter ; les deuxièmes, de 1872 à 1880, (plus de 4 000 dont surtout des Communards) ; les troisièmes, 1885-1897, sont des petits délinquants récidivistes (plus de 3 300 dont près de 450 femmes). Cela fait un peu de monde qui ont fait des petits, mais l’importation de bagnards s’arrête donc à la fin du siècle.

Les colons libres correspondent à plusieurs (petites) vagues : les Réunionnais des années 1870 pour cultiver la canne à sucre ; quelques Alsaciens-Lorrains fuyant l’annexion allemande ; les colons Feillet[43] surtout de la fin du siècle pour planter du café ; enfin, après la Première Guerre mondiale, des tentatives dans le coton avec l’apport des Nordistes (français venus du nord de la France dévastée par la guerre). Sans parler des autres tentatives dans le café dont celle du café Soleil (analysée par Jean Freyss[44] que l’on retrouvera plus loin) il n’y a pas si longtemps, cependant plutôt développées avec les Kanak. Dans tous les cas, ce seront des échecs. Mais la terre était prise aux Kanak (sauf l’époque du café Soleil) ; la résistance s’organisait pourtant après chaque nouvelle pression des colons (bagnards ou libres) sur les terres coutumières.

Du début de la colonisation jusqu’en 1945-1946, les Kanak sont organisés en tribus (avec Chefs, Grands et Petits cornaqués par les autorités) souvent déplacées et parquées dès 1868 dans les réserves. Sous l’autorité du gouverneur Feillet, fervent adepte donc du développement de la colonisation libre, de 1897 à 1903, les terres coutumières sont réduites à 13 % de leur surface d’origine[45]. Les Kanak sont donc soumis au statut de l’indigénat de 1887 à 1846[46]. Ils sont également soumis à l’impôt de capitation payable en monnaie depuis 1895 ; il frappait les seuls Kanak, l’équivalent de dix jours de travail par an chez un colon selon Freyss. Cet impôt avait comme vertu, outre d’assurer le financement de la colonie, d’obliger les Kanak à travailler comme salariés. Deux théories s’affrontent pour expliquer cette obligation : la première (et probablement la bonne) est celle mentionnée plus haut par Garnier : très mal payés, ils refusaient de travailler pour un salaire dérisoire ; la seconde[47] est celle de leur adoption prétendue d’une économie de cible où lon n’accepte le travail salarié que pour un revenu monétaire ciblé : quand le salaire est élevé, ayant atteint la cible de revenu, on travaille plus.

I-113 L’émigration asiatique (plus rarement océanienne) et la possibilité d’extinction des Kanak

* L’immigration non-européenne : la main-d’œuvre pour le nickel

Jules Garnier, ingénieur de l’école des mines de Saint-Étienne (déjà rencontré plus haut) découvre donc en 1864 le minerai de nickel (la garniérite) : le cycle des phases euphoriques et des sévères récessions commence ; en 1880 est fondée la Société Le Nickel (la fameuse Vieille Dame : la SLN) que les Rothschild reprendront huit ans plus tard. Quand le nickel se développe, à la fin du siècle, ce n’est pas la main-d’œuvre kanak qui sera principalement enrôlée dans le nouveau salariat mais des travailleurs encore importés, des Nouvelles-Hébrides (actuel Vanuatu pour ceux qui l’auraient oublié) du Japon, du Tonkin (Vietnam) et de Java (Indonésie). Il n’y a pas que les colonies françaises qui exportentImportés n’est pas un mot trop fort : sauf pour les Japonais, il s’agit d’engagements pour des contrats de cinq ans, éventuellement renouvelables. « Malgré́ des conditions extrêmement pénibles confinant à une semi-servitude, certains s’installent durablement et peuplent la colonie[48] ».

Pourquoi les Kanak sont-ils ainsi remplacés[49] ? La réponse la plus courante à cette question rarement posée est, pour rester politiquement correct, leur flegme ; bref, la fameuse économie de cible. Il est vrai que la monétarisation avait déjà du mal à transformer les rapports sociaux kanak (d’où l’impôt de capitation) ; mais on peut penser qu’ils n’avaient politiquement aucun désir de travailler pour ceux qui les chassaient de leur terre ; en outre, les Blancs les considéraient comme dangereux (surtout après la révolte d’Ataï). D’autant plus que la pratique du blackbirding (proche de l’esclavage, mais volontaire) qui envoyait des autochtones travailler en Australie et ailleurs eut lieu sur le Caillou, mais nettement moins qu’au Vanuatu et aux Fidji.

Notes

[1] Les lecteurs pressés pourront lire un article en trois partie du journal Le Monde (de Nathalie Guibert, La Nouvelle-Calédonie, une terre en attentepublié, fin décembre 2022 ; mais il faut être abonné pour le lire. Et c’est du journalisme, une histoire rapide bien trempée dans l’actualité.

[2] Après des siècles où elle était déjà évoquée ; voir :

Dérive des continents — Wikipédia (wikipedia.org)

[3] Tectonique des plaques — Wikipédia (wikipedia.org)

[4] Voilà pour les retournements de la connaissance scientifique ! Les climatosceptiques devenus climato réalistes qui s’opposent à la théorie du caractère anthropique du réchauffement climatique, trouvent dans cette résistance contre la théorie de Wegener un excellent argument épistémologique contre le très large consensus du GIEC ; ce qui ne veut pas dire qu’ils ont raison ; mais j’aime bien cet argument…

[5] Et pourquoi Zealandia plus tôt que Caledonia ? Le pourcentage de terres émergées a-t-il une importance pour le tectonique des plaques ?

[6] Voir :

L'évolution tectonique et la géodynamique de la Nouvelle-Calédonie et du continent Zealandia | Dimenc (gouv.nc)

Et, pour la Vespa :

https://campagnes.flotteoceanographique.fr/campagnes/15001100/

[7] Tous les linguistes semblent d’accord sur ce diagnostic qui ne remet pas en cause l’incroyable diversité des langues (ou dialectes ? On y reviendra) des îles mélanésiennes, singulièrement chez les Papous.

[8] Voir l’historien africaniste Cheikh Anta Diop qui insista beaucoup sur le rôle central de l’Africain noir.

[9] Voir donc aussi cet autre Calédonien sans doute proche de la pensée de Barbançon :

https://journals.openedition.org/jso/9210

Et voir une référence, grâce à la Maison de la Nouvelle-Calédonie (MNC) à Paris, à l’exposition Caledoun, Histoire des « Arabes » en Nouvelle-Calédonie à l’Institut du monde arabe en 2011 ; je ne l’ai pas vue, étant peut-être (on se défend comme on peut…) sur le Caillou :

https://www.mncparis.fr/uploads/catalogue-caledoun.pdf

[10] La France n’eut que deux colonies de peuplement : l’Algérie d’abord, puis la Nouvelle-Calédonie (en fait quasi-contemporaines) ; toute ressemblance avec la question de leur décolonisation serait purement fortuite…

[11] J’ai cependant déjà évoqué cette question début 2022 dans un billets du Club de Médiapart :

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/060223/racisme-et-caillou-lapita-mpa-et-grands-debats-encore-tout-ca-noumea

[12] Suspense…

[13] J’ignorais – l’ignorance n’est pas une excuse – l’article du journal Le Monde de 2010 : Derrière l’art océanien des Lapita, l’enjeu politique, article écrit au sujet d’une exposition Au musée du Quai Branly sur les premiers occupants de Nouvelle-Calédonie. J’avais également zappé cette exposition ; peut-être étais-je en Calédonie... Voir :

https://www.lemonde.fr/culture/article/2010/12/01/derriere-l-art-oceanien-des-lapita-l-enjeu-politique_1447407_3246.html

[14] On y apprend que les Lapita seraient arrivés des Îles de Bismarck (ex-colonie allemande d’avant 14-18 chez les Papous, au nord-est de la Nouvelle-Guinée) ; voir :

https://lepetitjournal.com/nouvelle-caledonie/la-civilisation-lapita-et-la-nouvelle-caledonie-296859

On peut lire également La grande histoire des Kanak, sous-titrée, L’histoire exceptionnelle des Kanak en 1505 événements, de Jean-Marc Fernandez ; il vient de sortir en juin 2022 chez Sudocéan. Je le lirai plus tard…

[15] L’archéologie en Nouvelle-Calédonie : 3 000 ans d’histoire à faire parler ; voir :

https://www.geo.fr/histoire/larcheologie-en-nouvelle-caledonie-3000-ans-dhistoire-a-faire-parler-192904

Il indique d’abord : « Les explorateurs lapita, qui naviguaient sur de simples pirogues à balancier, furent les premiers à découvrir et peupler, il y a environ trois mille ans, les archipels du sud de la Mélanésie et de Polynésie occidentale. Leur culture, née dans le nord de la Mélanésie à partir d’emprunts d’origine asiatique et locale, se caractérisait entre autres par la production de poteries décorées de motifs géométriques et anthropomorphes pointillés […]. Les Lapita sont les ancêtres les plus anciens des Kanak actuels, mais les considérer comme les seuls serait nier trois mille ans de dynamiques historiques en Mélanésie ! ».

[16] Cette conférence, comme toutes celles du Centre Tjibaou, est captée par la télé Caledonia. Sand annonce d’ailleurs que certains de ses propos gêneraient probablement une partie de l’assistance. Son éviction (après enquête personnelle rapide) serait due seulement à des comportements professionnels critiqués au sein de l’IANCP ; je suis convaincu qu’il gênait politiquement… Voir donc :

https://www.youtube.com/watch?v=MnMsFTW7pwo

Ainsi que sa réaction quand il fut viré (mais il fut accueilli à l’IRD, l’Institut de recherche et de développement) :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/christophe-sand-ne-dirige-plus-institut-archeologie-711813.html

Il avait auparavant écrit, en 2010, Lapita calédonien : Archéologie d’un premier peuplement insulaire océanien, édition Société des Océanistes. Rien que la présentation vaut le coup d’œil, surtout sa conclusion : « L’identification d’une continuité culturelle entre la période Lapita et ce qui suit vient réfuter l’idée d’un " remplacement de population " à la fin de la période Lapita en Mélanésie ».

https://www.amazon.fr/Lapita-cal%C3%A9donien-Arch%C3%A9ologie-peuplement-insulaire/dp/2854300254

[17] Au sens du matérialisme historique de Marx ; il doit se retourner dans sa tombe du cimetière londonien de Highgate.

[18] J’habite depuis quelques années, lors de mes passages sur le Caillou, la rue qui porte son nom ; je n’avais jamais eu la curiosité de savoir qui était ce personnage.

[19] Ce Marius s’intéresse surtout aux pétroglyphes (pierres gravées) que l’on trouve partout sur le Caillou et dans toute la Mélanésie ; il affirmait que « ces monuments ne doivent pas être attribués à la peuplade canaque qui occupe actuellement l’île » ; ils étaient, selon lui, la marque « de précédents envahisseurs plus évolués », argumentant que les autochtones n’avaient pas la capacité intellectuelle de réaliser de telles œuvres ; on sait depuis longtemps que les Kanak post-Lapita ont continué à graver. Mais beaucoup de loyalistes continue à croire à ce Marius pour contrer les velléités d’indépendance des Kanak. « Les pétroglyphes, indique quelque part Christophe Sand, ont longtemps été utilisés comme support pour démontrer que les Kanak n’étaient pas les premiers occupants ». Il précise : « Spirale, cercles concentriques, croix enveloppées, corps d’humains ou d’animaux, les graphismes ont été creusés dans la roche avec des cailloux pointus puis avec des objets métalliques, à la faveur des premiers contacts avec les Européens ». Cette pratique ne se serait en effet éteinte que vers 1930. On sait peu de choses sur la signification de ces ancêtres des graffitis ; Sand avance qu’un « motif a la forme d’un ovale avec un trait … évoque clairement le sexe féminin ».

[20] On reviendra plus loin sur Maurice Leenhardt, car il est très important. Voir, pour l’instant :

https://api.research-repository.uwa.edu.au/ws/portalfiles/portal/116240096/2021_DotteSarout_LeenhartEtArcheo_Colloque_leenhardt.pdf

[21] Les marmites kanak en terre cuite ont pourtant continué, au moins jusqu’à la colonisation ; Sand l’indique ; mais ce ne sont plus des Lapita gravées.

[22] Voir :

https://www.youtube.com/watch?v=63SVA2oK-Wk

Cette conférence avait pour objet de présenter le nouveau livre de Sand, publié en 2021 (en deux langues) L’héritage des ancêtres (archéologie de la Mélanésie) The Ancestors’ Heritage (Archaeology of Melanesia), éditions IANCP… alors que Sand en avait été viré (comprenne encore qui pourra…) :

https://caledolivres.nc/fr/archeologie/10973-l-heritage-des-ancetres-archeologie-de-la-melanesie-9782955835517.html

[23] On parle souvent de Mode production hydraulique ; ce fut bien le cas en Égypte pharaonique, également en Mésopotamie ; ce ne fut pas le cas chez les Incas où ce furent les moyens de communication terrestres qui furent centralisés.

[24] D’où quelques empêcheurs d’exploiter bureaucratiquement en rond qui virent dans l’URSS de Staline une reproduction spécifique de ce MPA ; allez voir chez Karl Wittfogel, auteur d’Oriental Despotism en américain, 1957) puis traduit en français par Le despotisme oriental ; mais c’est encore une autre histoire, juste un peu hors-sujet… Les plus curieux pourront néanmoins surfer :

« Le Despotisme oriental » de Karl Wittfogel | lhistoire.fr

https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_August_Wittfogel

et (pas trouvable en français ?) :

Oriental Despotism - Wikipedia

Enfin une critique de Pierre Vidal-Naquet, l’historien qui fut bien connu :

Histoire et idéologie : Karl Wittfogel et le concept de « mode de production asiatique » - Persée (persee.fr)

[25] J’en cause dans beaucoup de mes écrits théoriques.

[26] Hypothèse qui m’est venue à l’esprit en pensant à l’une de mes nouvelles, un peu délirante, écrite dans Les Nouvelles calédoniennes, voir encore la bibliographie en début du bouquin…

Et, bien sûr, j’ai mis mon grain de sel sur le débat qui vient d’être présenté, par un billet sur Médiapart de février 2023… Voir :

Racisme et Caillou, Lapita, MPA Et grands débats encore, tout ça à Nouméa ! | Le Club (mediapart.fr)

L’hypothèse est plus développée que dans ce qui précède, avec une référence au proto État du Tonga (il a bien longtemps) où le MPA aurait pu se développer. Et tout ça grâce encore à Christophe Sand ; voir sa conférence de juillet 2022 au Centre culturel Tjibaou, Monumental ! Ancêtres océaniens bâtisseurs, également retransmise par Caledonia :

https://www.youtube.com/watch?v=iKBPVI0uBx0

[27] On trouve tout en ligne sur la Toile : quelques éléments pour la visite guidée… 

Les publications de la Maison de la Nouvelle-Calédonie de Paris (MNC) lisible sur la Toile :

https://www.mncparis.fr/uploads/histoire-mnc.pdf

et, en plus court :

https://www.mncparis.fr/nouvelle-caledonie/presentation/histoire

L’Atlas de la Nouvelle-Calédonie de l’IRD, éditions IRD (rappelons-le, venant, après l’ORSTOM, des sciences coloniales…) soutenu par le Congrès de Nouvelle-Calédonie, Marseille 2012-2013) (où l’histoire n’est pas absente) est aussi utile :

http://www.cartographie.ird.fr/images/nvCl/atl/pages/atlNCl.pdf

Voir aussi, entre mille autres, les différentes approches de Wikipédia.

[28] Le Goupils M., ancien président du Conseil général de la Nouvelle- Calédonie (1905) Un type de colonisation administrative La crise coloniale en Nouvelle-Calédonie, revue La Science sociale dirigée par Edmond Demolins, (disciple de Le Play).

[29] Dans la revue L’Histoire, mensuel n° 452, octobre 2018, lisible sur la Toile :

https://www.lhistoire.fr/la-nouvelle-cal%C3%A9donie-%C2%AB-une-colonisation-pas-comme-les-autres-%C2%BB

[30] On trouve sur Wikipédia sa biographie que nous ne connaissions pas en 2018 ; son histoire personnelle devint sombre mais ne remet pas en cause les apports de ce loyaliste éclairé :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_Angleviel#cite_ref-1

[31] Passons sur son histoire personnelle… Avec, dans une foule de publications : Angleviel F. (2006) Histoire de la Nouvelle-Calédonie. Nouvelles approches, nouveaux objets, l’Harmattan ; (2014-2015) Histoire illustrée de la Nouvelle Calédonie, Footprint Pacifique ; (2015) Un drame de la colonisation. Ouvéa, Nouvelle-Calédonie, mai 1988, Vendémiaire. Tout le monde reconnaît l’objectivité de l’analyse de ce drame par Angleviel ; ceux qui préfèrent le cinéma pourront regarder (2011) L’ordre et la morale de Mathieu Kassovitz, beaucoup plus critiqué et boycotté violemment sur le Caillou comme le fut en France La bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo (de 1965).

[32] C’est une possibilité reconnue par l’ONU ; on y reviendra.

[33] On est en 1998, donc dix ans après les accords de Matignon-Oudinot.

[34] On reviendra sur l’évolution plus récente.

[35] Référence à un article qui sera présenté plus loin ; mais aussi référence au bestseller de 1978 : Le Communisme est-il soluble dans l’alcool ?

[36] Du portugais Bicho do mar, bestiole ou ver de mer

[37] Nos mises en relation répétées entre les indépendantisme kanak et algérien ne sont, bien sûr, pas fortuites…

[38] Voir quelques extraits de l’analyse de cette insurrection kanak de 1878, par Jean Guiart (anthropologue-ethnologue que l’on retrouvera plus loin) :

https://docplayer.fr/220006551-La-terre-qui-s-enfuit.html

[39] Avec une conférence d’Isabelle Merle sur le code de l’indigénat et d’Adrian Muckle sur la guerre de 1917.

[40] Bensa A., Muckle A., Goromoedo KY. (2015) Les sanglots de l’aigle pêcheur. Nouvelle Calédonie : la Guerre kanak de 1917, Anacharsis.

[41] Cette Insurrection de 1871 en Algérie, est la plus importante contre les forces coloniales françaises depuis le début de la conquête d’Alger en 1830 et avant la guerre d’Algérie commencée en 1954 ; elle est menée essentiellement par des tribus kabyles qui pensaient profiter de la défaite militaire française contre l’Allemagne. Ce ne fut pas une mince affaire, mais la révolte fut matée ; certains Kabyles furent déportés à Cayenne ou en Nouvelle-Calédonie (on les nomma les Algériens du Pacifique). Certains participeront à la répression de l’insurrection d’Ataï, contre remises de peine.

[42] Voir L’Histoire de la Nouvelle-Calédonie, MNC.

[43] Paul Feillet fut gouverneur de la Nouvelle-Calédonie de 1894 à 1902) ; voir Patrick O’Reilly, Paul Feillet, gouverneur de la Nouvelle-Calédonie (1894-1902) Outre-Mers, Revue d’histoire, 1953. L’article brosse avec pédagogie l’état de la colonie à son arrivée : peu de Blancs et encore à majorité bagnards, malgré le tarissement des arrivées ; peu de développement agricole. Il anticipa la stratégie de Pierre Messmer… ; voir :

https://www.persee.fr/doc/outre_0399-1385_1953_num_40_138_1186

[44] Freyss J., (1995) Économie assistée et changement social en Nouvelle-Calédonie, Paris, PUF, coll. Tiers Monde. On notera désormais ce livre Économie assistée…

[45] Ibid.

[46] Après 1946, on peut lire (2013) d’Éric Soriano, La fin des Indigènes en Nouvelle-Calédonie, Le colonial à l’épreuve du politique 1946-1976, (Karthala).

[47] La seule indiquée dans notre livre de 2018 : une autocritique s’impose…

[48] Ibid.

[49] On trouve le même phénomène ailleurs, en particulier aux Fidji avec les Indiens venus travailler la canne à sucre.

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