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Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 7 octobre 2024

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Octobre 2024 ; la paix est-elle définitivement revenue en Nouvelle-Calédonie ?

Pas si sûr… Là-bas, l’ordre règne « en gros » depuis le 24 septembre ; et la gendarmerie a probablement gagné la « bataille de Saint-Louis ». Ici, Barnier lâche du lest en annulant les bêtises de Macron-Darmanin et appelle au dialogue (comme d’hab’) ; il est félicité par les indépendantistes et les loyalistes centristes, mais il se met à dos les loyalistes radicaux et, peut-être, Macron lui-même…

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Commençons par ce qui apparaît à beaucoup comme le préalable à tout sur le Caillou et ailleurs : l’ordre (ou la sécurité, la fermeté, etc.) ; la morale[1], ce sera pour plus tard.

L’objet de ce billet est de montrer que ce début octobre est politiquement fondamental, tant pour ici que pour là-bas. Pourquoi ? Pour la première fois depuis longtemps, le nouveau gouvernement de Michel Barnier (peut-être illégitime après le refus de Macron d’accepter la victoire du Nouveau Front Populaire, mais qui est en fait représentatif du vote des Français dont l’écrasante majorité, qu’on le veuille ou non, a voté à droite et à l’extrême-droite) envisage de manière presque sereine, cependant en louvoyant, l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Ce gouvernement, donc à droite toute mais tentant de rompre avec l’effroyable politique de Macron-Darmanin[2], fait déjà apparaitre les contradictions de deux lignes de droite pour traiter le dossier ; avec le paradoxe suivant : le centre-droit macroniste se révolte contre une première inflexion de Barnier (issu de LR et choisi pour éviter une censure du RN) qui tournait ainsi le dos à la politique irresponsable précédente. D’où la farce du revirement (on va y venir) en une petite journée, de Barnier tentant de ménager la chèvre et le chou et, par conséquent, l’incertitude de comment sera traitée la grave question de l’indépendance inéluctable du Caillou.

D’abord, donc, l’ordre

Après un automne austral socialement chaud-bouillant (l’explosion du 13 mai 2024) et avec un hiver en demi-teinte et la crainte d’un printemps également chaud, avec, jour de deuil pour les Kanak, la date du 24 septembre (171 ans déjà après la prise de possession du Caillou par la France de Napoléon III, en 1853) l’ordre est maintenant maintenu ; plus exactement semble rétabli. Le commandant français de la gendarmerie locale, le général (deux étoiles) Matthéos invité du matin[3] de la radio RRB interviewé par Élisabeth Nouar le 3 octobre, se veut fort rassurant près de 4 mois et demi après le début des émeutes : à Saint Louis, après la reddition de plusieurs individus recherchés (il est vrai après deux morts de jeunes Kanak peu avant ce fameux 24 septembre puis la reddition déjà de deux recherchés[4], le rétablissement de l’ordre serait en bonne voie[5].

La journaliste et patronne de RRB (Radio rythme bleu, fort loyaliste, comme toute sa rédaction) ose cependant lui demander si ce bon résultat n’est pas la conséquence d’un ultimatum[6] de la politique du Haussaire (le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, représentant de l’État français avec rang de préfet) Louis Le Franc ; le mot ultimatum lui semble un peu fort, mais il reconnaît qu’il y a en effet quelque-chose comme ça… Ce qui est sûr, c’est que les deux derniers morts à la tribu de Saint-Louis (après un premier lors des émeutes) ont sans doute accéléré l’intervention des coutumiers pour convaincre les recherchés de se rendre pour éviter d’autres décès.

Donc, l’ordre règne sur le Caillou… Ça tombait bien pour la déclaration de politique général à l’Assemblée nationale du mardi 1er octobre de Barnier.

1 – Barnier annonçait le 1er octobre, dans sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, ce qui pouvait ressembler à l’abandon du projet de dégel électoral et le report à fin 2025 des élections provinciales. Mais ça restait flou…

Ce n’était pas rien ! La volonté d’apaisement concernant la Nouvelle-Calédonie était évidente[7]. L’AFP écrivait : « Jusqu’alors suspendu par Emmanuel Macron, mais jamais formellement abandonné, "le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral adopté en mai dernier par les assemblées parlementaires ne sera pas soumis au Congrès"[8], a assuré le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale. Il a précisé qu’Emmanuel Macron "confirmera" cet abandon aux élus de Nouvelle-Calédonie quand il les réunira, "comme il a l'intention de le faire", au mois de novembre ». Mais pourquoi attendre novembre ? Barnier donne-t-il aussi dans la procrastination ?

Notons que le mot abandon écrit par l’AFP (et beaucoup d’autres) n’a pas été prononcé par Barnier…

L’AFP continue concernant les élections provinciales : « Le chef du gouvernement a annoncé leur report "jusque fin 2025", la date maximale fixée par le Conseil d’État pour leur tenue étant fin novembre 2025. "Les assemblées auront prochainement à se prononcer sur ce report par une loi organique" qui doit intervenir rapidement, a-t-il précisé. Les élections provinciales sont cruciales en Nouvelle-Calédonie pour renouveler les assemblées des trois provinces de l’archipel, dont dépend ensuite la composition du gouvernement local ». Dans une lettre envoyée avant son discours aux parlementaires calédoniens, Michel Barnier a affirmé que "cette période de quelques mois permettra de mener la concertation sur l’avenir institutionnel et le développement de la Nouvelle-Calédonie" ». Mais il n’était pas précisé quel serait le corps électoral des élections provinciales reportées…

En outre, Barnier confirme également s’impliquer « personnellement » dans le dossier calédonien : fin, comme on le sait, d’un ministre des Outre-mer délégué auprès du ministre de l’Intérieur ; Buffet redevient un ministre de plein exercice auprès du Premier ministre. Il annonce également une « mission de concertation et de dialogue » conduite par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher ; cette mission se rendra sur place « prochainement ». Encore le flou de l’agenda… Est également prévue que
« Les discussions seront soutenues par une délégation interministérielle placée auprès du Premier ministre et du ministre des Outre-mer. […] Une nouvelle période doit maintenant s’ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, à la recherche d’un consensus politique sur son avenir institutionnel ».

2 – Les réactions à ces premières annonces furent contradictoires sur le Caillou[9]

Le député indépendantiste Emmanuel Tjibaou (l’un des fils de Jean-Marie Tjibaou ; un autre, Joël, est  en détention provisoire au Camp-Est, la prison de Nouméa) salut que les annonces de Barnier sont « déjà le signe qui nous permet d’aller au-devant de nos compatriotes avec la reconnaissance que l’État prenne ses responsabilités sur la sortie de crise et la reprise des discussions institutionnelles ».

Le patron du parti loyaliste modéré Calédonie ensemble, Philippe Gomès est ravi : « C’est exactement ce que nous demandions. […] Cette épée de Damoclès qui empêchait le dialogue politique, la recherche du consensus de reprendre, est levée. On a donc le temps pour aller chercher ce consensus qui permettra de donner de l’espoir aux Calédoniens, et commencer la reconstruction du pays ». Un accord global avec ou sans réforme du corps électoral ?

Virginie Ruffenach cheffe du Rassemblement (LR en Calédonie) est pour le moins plus nuancée ; elle salut la constitution de la mission de concertation et de dialogue (« Cette annonce montre que tout l’appareil d’État au plus haut niveau est mobilisé pour traiter la Nouvelle-Calédonie. Cet accompagnement est essentiel pour tous les habitants du territoire ») ; elle estime que le report des élections provinciales a pour « objectif de trouver un accord global comprenant la modification du corps électoral ». Mais pas question d’élections avec le corps électoral gelé : « Que les choses soient bien claires, le corps électoral ne peut être celui d’aujourd’hui pour la prochaine élection provinciale. L’intention est de trouver un consensus sur sa modification dans le cadre d’un accord plus global ».

Le député loyaliste (très radical) de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf a en revanche critiqué un « discours déconnecté », estimant que le « Premier ministre n’a pas saisi la gravité de la situation sur place » et regrette l’absence d’annonce financière.

Pour Sonia Backès, la présidente (très loyaliste et très radicale) de la Province Sud (et qui avait obtenu un maroquin éphémère à un gouvernement nommé par Macron) le gouvernement « n’a pas répondu aux attentes de la Nouvelle-Calédonie » ; surtout, elle estime que l’annonce de l’abandon du dégel du corps électoral « était inutile » car relevant de la « compétence exclusive » du président de la République ; pour elle, cette décision n’a qu’un but : « penser faire plaisir aux extrémistes en espérant leur indulgence, c’est bien mal les connaître »[10].

Notons le soutien à Barnier de la délégation dite transpartisane[11] (venant d’être évoquée), ovationnée dans l’hémicycle à la demande de Yaël Braun-Pivet.

3 – Quand c’est flou, il y a un loup…

Le lendemain au Sénat[12], sa déclaration fut loin d’un copier-coller : le dégel du corps électoral qui semblait mis à la porte semblait rentrer par la fenêtre !

Commençons par ce qui ressemble à un gag : ce serait grâce à Metzdorf[13] ! Mais Barnier n’a pas dit au Sénat « Le corps électoral sera élargi » : ce n’est qu’une hypothèse dans le cadre d’un accord global : tout est là.

Plus sérieusement, le discours de Barnier fut en effet bien différent, singulièrement concernant la Nouvelle-Calédonie. L’article de Public Sénat par François Vignal [14] n’évoque pas l’intervention de Metzdorf mais bien (en restant très prudent…) ce qui peut ressembler à un rétropédalage et d’éventuelles tensions entre Barnier et Macron. On y lit, entre autres : « Alors que le premier ministre a annoncé, mardi, lors de son discours de politique générale, que le texte sur le dégel du corps électoral "ne sera pas soumis au Congrès", ce passage a disparu de la version de son discours prononcée devant le Sénat. Il n’y a pas de rétropédalage", assure-t-on de source gouvernementale. Michel Barnier a en revanche insisté sur la reconstruction économique, à peine évoquée devant les députés. […] Mais au jeu des sept erreurs, on en notera une assez visible. Elle concerne le sujet brûlant de La Nouvelle-Calédonie. Le premier ministre n’a pas affirmé, comme la veille devant les députés, que "le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral, adopté en mai dernier, par les assemblées parlementaires, ne sera pas soumis au Congrès". Le premier ministre précisait hier qu’Emmanuel Macron "confirmera" cet abandon aux élus de Nouvelle-Calédonie quand il les réunira, "comme il a l’intention de le faire" d’ici novembre. Michel Barnier s’est-il avancé un peu trop vite devant l’Assemblée ? Selon Politico, Emmanuel Macron "n’avait pas été tout à fait averti que le chef de gouvernement irait aussi loin". Le chef de l’État lui aurait même demandé de ne pas parler de ce sujet précis. […] Mais si la question du Congrès a disparu du discours, il ne faut pas y voir un revirement à 180 degrés. "Pas de rétropédalage. Il n’y aura pas de réunion du congrès", confirme-t-on à publicsenat.fr de source gouvernementale. "Le Président était d’accord pour l’annonce du premier ministre", ajoute-t-on. Manière de tuer dans l’œuf l’idée qu’il y aurait de la friture sur la ligne du duo exécutif ».

Notons que « Pas de réunion du Congrès » ne signifie pas que la question du dégel du corps électoral ne sera pas abordée ! Elle le sera sans doute dans le cadre d’un accord global entre les acteurs politiques du Caillou et l’État ; sans accord (ce qui est probable) l’épée de Damoclès ressurgira : retour à la case départ ?

D’ailleurs, Yaël Braun-Pivet l’évoquait[15] au moment même où Barnier prononçait son discours de politique générale devant les sénateurs. Le détail du modus operandi reste bien flou, même pour la présidente de l’Assemblée : « Le Premier ministre souhaite que nous réalisions cette mission, mon cabinet va se rapprocher de lui. Je vais m’entretenir de façon approfondie avec le président du Sénat pour savoir quels seront les contours et comment elle va se dérouler », de même que l’agenda précis : « … dans les prochaines semaines ». L’intention générale est cependant plus précise : il s’agit du « règlement global de la question calédonienne » qui était « l’objectif initial » de la réforme (voulue par Darmanin, PC). Mais, selon elle, la méthode Darmanin n’était pas la bonne ; elle le dit autrement : « Je pense qu’il faut rouvrir le champ, enlever tout ce qui est extrêmement abrasif pour pouvoir remettre tout le monde autour de la table et recommencer les discussions ». « "Enlever ce qui est abrasif"… écrit l’article. Doit-on comprendre que le sujet explosif du corps électoral sera évité ? Non, assure la présidente de l'Assemblée nationale, qui précise sa pensée : "Si on réunit la semaine prochaine le Congrès [de Versailles à ce sujet], ça peut nuire à la reprise du dialogue, et à la capacité qu’on peut avoir de discuter. C’est en cela que je disais qu’il faut enlever les sujets abrasifs. Mais évidemment que la question du corps électoral fait partie des sujets dont il nous faut discuter. C’est une évidence. On parle de démocratie, ça en fait partie" (Je souligne, PC) ».

Tout est dit ; et sera répété presque mot pour mot par Barnier au Sénat…

En effet, Barnier n’a pas non plus repris son annonce de report des élections provinciales jusque fin 2025, pas plus que la délégation ministérielle. En revanche, la mission menée par le président du Sénat, Gérard Larcher, et son homologue de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet sera bien conduite « sur place, dans un bref délai. Une mission de dialogue, d’écoute, de considération, qui devrait permettre d’engager des discussions sur l’avenir institutionnel de ce territoire. […] Outre les sujets économiques et sociaux, devront être abordés l’organisation et les compétences des pouvoirs locaux, la composition du corps électoral et son élargissement pour les prochaines élections provinciales, ainsi que les autres sujets de nature institutionnelle [je souligne encore, PC] ».

Conclusion (du 7 octobre au matin[16] en Nouvelle-Calédonie) – Barnier entre deux chaises ; et, en fait peut-être retour à la case départ pour la Kanaky Nouvelle-Calédonie…

Le « Pas si sûr… » du sous-titre de ce billet a commencé à s’éclairer le Week-end du 5 au 6 octobre : à peine réouverte, un nouveau « carjacking » (comme on dit là-bas : une technique de vol de voiture fait avec violence) s’est produit sur la route passant par Saint-Louis[17]. Cependant, le lecteur pourra tirer ses propres conclusions sur la situation actuelle à partir d’une vidéo et d’un article que nous avons gardés pour la fin de ce billet.

La première est la vidéo du 3 octobre (série Ça vous regarde de LCP, La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale) : une confrontation à fleuret très moucheté entre Emmanuel Tjibaou et Sonia Backès[18] ; la situation de l’impasse du dialogue sur le Caillou y est évidente.

Le second est un article, également du 3 octobre, qui résume tout ce qui précède[19] concernant la situation politique en Métropole très liée, pour une fois, à celle du Caillou, dont les premiers mots sont les suivants : « Michel Barnier le sait : sa majorité relative à l’Assemblée nationale ne tient qu’à un fil. Et ce fil pourrait bien être le si délicat dossier calédonien, au cœur d’une polémique entre les députés macronistes d’Ensemble pour la République (EPR) et le Premier ministre Les Républicains (LR) depuis deux jours ».

Y est détaillée par le menu « La fronde de Metzdorf » toujours du parti EPR. Il quitte l’hémicycle avant la fin du discours du Premier ministre et déclare : « Je lui avais dit [à Michel Barnier] qu’il fallait faire des annonces sur l’économie, et reprendre l’institutionnel plus tard. Il ne nous a pas écoutés », annonçant qu’il votera la motion de censure que veut déposer la gauche. Lors de de la toute première séance de questions au gouvernement, le mercredi 2 octobre, il interpelle Barnier : « Hier, lors de votre déclaration de politique générale, les Calédoniens se sont sentis humiliés […] parce que vous les avez abandonnés en abandonnant le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie » ; ce n’est pas Barnier qui lui répond[20] (en effet bien à côté de la question) mais Buffet ; Metzdorf rétorque : « Votre intervention ne comporte aucune réponse concrète. Vous n’exprimez pas la volonté d’assurer le dégel du corps électoral et vous n’annoncez aucune somme aux Calédoniens pour la survie de leurs entreprises. C’est décevant ! » ; il est applaudi par ses collègues d’EPR.

Conclusion de l’article : « Pour sortir le territoire de la crise mais aussi continuer de piloter le gouvernement, Michel Barnier n’aura d’autre choix que de s’assurer du soutien de tous. C’est pourquoi, mercredi 2 octobre, dans l’après-midi, le Premier ministre a voulu rééquilibrer les choses ». Il s’agit donc de son apparent revirement devant le Sénat ; et tous les élus du Caillou, tous bords confondus, se sont déclarés satisfaits… Reste que le tiraillement entre Macron et Barnier, probablement attisé et mis en relief par le député loyaliste ultraradical Metzdorf est au moins une hypothèse[21] ; pour certains une certitude : l’article note : « "Le président (Macron) avait dit qu’il ne serait pas fait mention du dégel (du corps électoral) ... Mais le Premier ministre a parlé du dégel et pas de la reconstruction économique", regrette une source parlementaire de l’ex-majorité ».

Enfin, le feu n’a peut-être pas vraiment repris en Calédonie et l’on apprend le lundi 7 octobre, que Barnier va s’y rendre « … le moment venu » [22]. Tout est dans cette expression : il n’y a pas le feu au lagon et, méthode habituelle, l’État procrastine encore. L’article note (en n’évoquant curieusement pas les nouveaux incidents graves à Saint-Louis du samedi 5 octobre) : « Alors que le calme semble revenir en Nouvelle-Calédonie, Michel Barnier a annoncé lors d’une interview à la Tribune du Dimanche, qu’il se rendrait en Nouvelle-Calédonie "le moment venu". Le Premier ministre espère d’abord trouver un "chemin d’apaisement" grâce aux mesures prévues dans sa [je souligne, PC] déclaration de politique générale ». Laquelle : celle à l’Assemblée nationale ou celle au Sénat le lendemain ? Il semble qu’il préfère sa première déclaration, l’article indiquant : « Ces deux mesures sont "le report des élections qui étaient prévues et la non-saisine du Congrès pour entériner le dégel initialement prévu du corps électoral" ».

Barnier domine parfaitement l’art de la navigation contre le vent, ainsi que celui de donner du temps au temps[23]

Concernant les « énormes dégâts économiques », il fait probablement plaisir à Metzdorf en affirmant : « Il faudra s’atteler aussi à la reconstruction économique et sociale, puisque 20 % du capital productif a été détruit par les émeutiers durant la crise ». De retour de mon week-end zoreil, je me suis promené ce lundi matin dans une partie de Nouméa ; mon ressenti est qu’on ne voit pas 20 % du capital productif détruit [24]. Certes, il ne reste pas grand-chose du Centre commercial Kenu In et la brasserie Le Froid à Montravel est bien calcinée, ainsi que le récent complexe Plexus à l’entrée de la zone commerciale et industrielle de Ducos ; mais, au pifomètre, il n’y a dans tout Ducos où la vie trépidante semble avoir repris tous ses droits, que quelques traces d’incendie  ; idem à un autre point chaud, celui de la Vallée du Tir ; sans parler de Nouméa la Blanche où l’on rencontre une floppée de jeunes gens aux cheveux courts sans le moindre accent caldoche et non habillés en bleu, se promenant ou attablés (avec peu de jeunes filles). En parlant de Bleus, je n’ai jamais vu aussi peu de flics en tenue dans Nouméa… Mais il y a beaucoup de gendarmes, singulièrement près de Saint-Louis.

Pour terminer et changer d’air (et pour indiquer, à ceux qui ne l’auraient pas encore compris, quel camp j’ai choisi[25]) je propose une autre interview d’Emmanuel Tjibaou (ça équilibrera la forte prise de lumière de Metzdorf qui adore cette dernière) avec, en parallèle, celle d’Alice Zeniter, autrice française d’un roman poétique (Frapper l’épopée, chez Flammarion, août 2024) sur Médiapart (série À l’air libre)[26].

Notes

[1] Clin d’œil au film L’Ordre et la Morale de Mathieu Kassovitz, sorti en 2011 ; et difficile à voir sur le Caillou

[2] Depuis le gouvernement Rocard de 1988, le dossier avait été géré par l’État de façon assez impartiale (Accords de Matignon-Oudinot de 1988 et de Nouméa de 1998 : plus d’un tiers de siècle de relative paix civile) ; gouvernement Édouard Philippe compris. Avec Macron-Darmanin, la quasi-guerre civile est revenue…

[3] Voir l’interview à ne pas manquer :

https://www.rrb.nc/podcast/linvite-du-matin-le-general-mattheos

Le journal de midi de RRB le 3 octobre résume l’entretien : « Le Général Matthéos, commandant de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie était notre invité ce matin. Il est notamment revenu sur la situation autour de la tribu de Saint-Louis. Il est notamment revenu sur le processus de discussions avec les coutumiers qui ont permis les rééditions. Tout sera mis en œuvre pour que les quelques personnes encore recherchées se rendent elles aussi. Il y aura de nouvelles négociations mais s’il le faut les gendarmes iront les interpeller car tout le monde devra rendre des comptes à la justice. Le général Matthéos a également rappelé que d’importants moyens sont déployés pour que la RP1 rouvrent dans les meilleures conditions. Il est aussi revenu sur la sécurisation de l’ensemble du territoire. Les gendarmes poursuivent leur mission pour maintenir la paix ».

NB : il fut un temps où la gendarmerie locale était commandée par un colonel ; maintenant c’est un général deux étoiles…

[4] Voir notre billet précédent du 24 septembre, La farce Barnier ici ; là-bas, en Calédonie, un 24 septembre, Jour J le plus calme… sous-titré Macron a donc tout fait pour faire la guerre sur le « Caillou » : tragique réussite ! Aujourd’hui, il semble avoir gagné la paix sur un Pays en ruine avec 22 flics pour 1 000 habitants (44 pour les seuls Kanak) contre 4,2 en France ; et les indépendantistes, avec leurs morts et prisonniers politiques, plus divisés que jamais. Pour combien de temps, cette paix des cimetières ?

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/240924/la-farce-barnier-ici-la-bas-en-caledonie-un-24-septembre-jour-j-le-plus-calme

Pour ceux qui auraient échappé à ce billet, un extrait qui, avec le recul de quelques jours, éclaire l’évolution de la situation : « Avec les efforts des coutumiers, et singulièrement de Rock Wamytan, le grand chef de la tribu de Saint-Louis, qui, dit-il, maintenant déchargé de ses fonctions de Président du Congrès (plus exactement battu à la dernière élection…) peut se donner à fond, trois mis en cause pour les exactions viennent de se rendre. Wamytan est cependant exaspéré par l’emploi de la solution GIGN ; on peut le suivre quand il affirme que cette solution est, selon lui, ''une solution inacceptable. […] Le sentiment des gens de Saint-Louis depuis la mort de Victorin Banane Wamytan [abattu par le GIGN le 10 juillet] et la mort des deux jeunes, c’est un sentiment de colère extrême et d’exaspération. […] Ils ont tiré sur les forces de l’ordre, c’est vrai. Des représailles, ok. Mais est-ce qu’il faut à chaque fois tuer nos jeunes ? C’est pas possible, ça. J’en ai parlé aux autorités'' : ''Vous ne pouvez pas trouver une autre formule ?''. C’est comme si tous ces jeunes, parce qu’ils ont fait du car-jacking (c’est vrai que c’est répréhensible), parce qu’ils ont fait des incivilités sur cette route, sont condamnés à mort ».

[5] Logiquement, au moment même où est annoncé (le 5 octobre) un jugement mi-figue mi-raisin des agresseurs à l’Île des Pins de la Kanak Laura Vendegou et de la Caldoche Virginie Ruffenach (les deux femmes du groupe Rassemblement au congrès de Nouvelle-Calédonie : les LR du Caillou) est annoncée la probable levée des deux verrous de Saint-Louis, en place depuis fin juillet. Voir :

https://www.lnc.nc/article/grand-noumea/mont-dore/saint-louis/a-saint-louis-le-verrou-nord-s-ouvre-progressivement-en-attendant-une-reouverture-totale

Les deux verrous routiers (mais la tribu était accessible à pied, avec contrôle de la gendarmerie et ouverte en cas d’urgence) bloquaient également les habitants de Mont-Dore sud (qui ne pouvaient se désenclaver que par mer) et l’accès au Grand Sud.

Politiquement, c’est une défaite pour le petit village d’Astérix le Gaulois-Kanak qui jouait presque le rôle de la bataille de Diên Biên Phu… Maintenant, plus de bataille, juste la guérilla.

[6] Voir l’article du 1er octobre, Saint-Louis : cinq personnes recherchées se sont rendues aux autorités :

https://www.lnc.nc/article/grand-noumea/mont-dore/nouvelle-caledonie/justice/faits-divers/saint-louis-cinq-personnes-recherchees-se-sont-rendues-aux-autorites

Déjà était noté le rôle des coutumiers par Yves Dupas, le procureur de la République : « Je tiens à souligner le rôle des autorités coutumières qui ont appelé les personnes recherchées à cesser la logique de l’affrontement avec les forces de l’ordre et à venir s’expliquer devant les enquêteurs sur les faits qui leur sont reprochés ». Le FLNKS, note l’article, a fait part de son inquiétude d’un nouveau drame au sein de la tribu, dénonçant « l’ultimatum posé par l’État à la jeunesse, aux coutumiers et à la population pour une intervention armée ce lundi 30 septembre à Saint-Louis […] qui pourrait compromettre toutes les démarches entreprises pour la désescalade ». Nicolas Metzdorf a aussi tout compris : « C’est une avancée importante pour rétablir la sécurité et l’ordre dans le sud de la Nouvelle-Calédonie » ; il « remercie les autorités coutumières qui ont joué un rôle important » mais juge « cependant regrettable qu’il faille attendre des situations extrêmes pour qu’elles s’impliquent pleinement dans la sécurité des habitants du sud ».

Bref, l’ultimatum a bien fonctionné…

[7] Voir l’AFP du 2 octobre 2024, Les élections provinciales reportées et le dégel du corps électoral abandonné :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/crise-en-nouvelle-caledonie-les-elections-provinciales-reportees-et-le-degel-du-corps-electoral-abandonne-1526224.html

[8] Coup d’épée dans l’eau qui ne mange pas de pain ! Le texte sur le dégel du corps électoral adopté en début d'année par les deux chambres du Parlement ne pouvait être examiné par le Parlement réuni en Congrès : la date limite était fixée au 1er juillet 2024 !

[9] Voir aussi l’article de LNC  (Les Nouvelles calédoniennes) du 2 octobre, [DIRECT] Abandon du dégel du corps électoral et report des provinciales : les réactions des politiques

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/direct-abandon-du-degel-du-corps-electoral-et-report-des-provinciales-les-reactions-des-politiques

[10] Elle en profite pour (comme d’habitude) régler quelques comptes avec Philippe Gomès (encore considéré comme s’acoquinant avec les indépendantistes) en se référant au déplacement à Paris d’une délégation transpartisane du Congrès pour y demander des sous (les 500 milliards de CFP du Plan quinquennal, 100 milliards par an : 10 % du PIB calédonien de croisière avant le 13 mai). À cette délégation, ni le groupe indépendantiste UNI (Union nationale pour l’indépendance dirigé par le Palika, le Parti de libération kanak encore dirigé par Paul Néaoutyine, le président de la Province Nord) qui est (provisoirement ?) sorti du FLNKS après son dernier congrès de fin août auquel il avait refusé de se rendre, ni les loyalistes n’ont participé. Sonia Backès qui attendait « au moins un mot » de Barnier sur le financement de la reconstruction, tacle ainsi le parti Calédonie ensemble : « La balade de Gomès a Paris, accompagné de ceux des indépendantistes qui soutiennent la CCAT [la CCAT est la Cellule de coordination des actions de terrain, dirigé par Christian Téin et maintenant président du FLNKS, PC] qui devait servir à obtenir une annonce financière du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale aura donc été totalement inutile… ».

[11] Nommée en fait La délégation transpartisane et inter-institutionnelle de Nouvelle-Calédonie. Voir en particulier sur cette délégation Transpartisane, l’article du 2 octobre, Annonces de Michel Barnier sur la Nouvelle-Calédonie : la délégation transpartisane salue le discours du Premier ministre :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/annoences-de-michel-barnier-sur-la-nouvelle-caledonie-la-delegation-transpartisane-salue-unanimement-le-discours-du-premier-ministre-1526244.html?fbclid=IwY2xjawFsd4pleHRuA2FlbQIxMAABHUNk0uB8w6E_w9LO7YlGwW1wQQ_adWQXmcapYesqARc0dTtQWmzf15YHtw_aem_p8cR-eXp5H5LGn4846Jc1w

Sa mission est surtout, comme indiqué plus haut, du domaine de l’économie : avoir des sous ; beaucoup de sous. Ce qui est piquant, c’est la photo qui ouvre l’article où l’on peut reconnaître, juste au-dessus de Virginie Ruffenach, le secrétaire général du syndicat (essentiellement des fonctionnaires) La Fédé. Il s’agit en fait d’un incruste (il semble faire partie des photos dans toutes les délégations) n’en faisant pas officiellement partie (sauf erreur) : jolie coup médiatique de ce syndicat qui note que tous les frais du voyage furent pris par le syndicat. Les autres syndicats de salariés, n’ont pas eu cette audace ; les syndicats patronaux non plus.

[12] Voir et entendre :

https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/direct-suivez-le-discours-de-politique-generale-de-michel-barnier-devant-le-senat

C’est fou comme les propos des sénateurs furent bien vifs ; par exemple, Patrick Kanner, du groupe socialiste, n’y alla pas de main morte, singulièrement concernant la Nouvelle-Calédonie. La droite du Sénat ne fit pas non plus dans la dentelle.

[13] Voir la page Facebook des loyalistes calédoniens, vers le 2 ou 3 octobre :

https://www.facebook.com/Lesloyalistes/?locale=fr_FR

Il y est écrit (reproduit ci-après avec quelques modifications de forme) : « Rectification en 24h ! Notre député a fait changer le discours du 1er ministre au Sénat. "Le corps électoral sera élargi" ». [à la suite la vidéo de son discours à l’Assemblée, PC].

« Changement de discours concernant le dégel en 24h. Hier le premier ministre a déclaré que la loi sur le dégel était abandonnée. Aujourd’hui à 14 h heure de Paris je me suis permis d’être votre porte-parole. La réponse a été faite par le ministre des Outre-mer et elle laisse pantois. Je m’en suis donc étonné. À 15 h le discours du premier ministre (censé être le même que celui de l’Assemblée nationale) a été prononcé au Sénat. Et il était d’une teneur très différente de la veille. Comme quoi les coups de gueules c’est pas seulement en Nouvelle-Calédonie à la radio, et c’est toujours aussi efficace. Sur les finances des précisions ont été apportés par le ministre du budget à Sonia Backès et moi-même et font l’objet d’un communiqué que vous pourrez retrouver sur la page des loyalistes ».

Cette déclaration (et celle d’autres loyalistes radicaux) était déjà apparue sur le site de Coup de gueule NC

https://www.facebook.com/groups/250350359176207/

[14] Voir l’article du 2 octobre, Nouvelle-Calédonie : devant le Sénat, Michel Barnier n’évoque plus le Congrès mais promet de « nouvelles mesures de soutien aux populations » :

https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/nouvelle-caledonie-devant-le-senat-michel-barnier-nevoque-plus-le-congres-mais-promet-de-nouvelles-mesures-de-soutien-aux-populations

Voir aussi l’article de Politico Playbook Paris du 2 octobre :

https://www.politico.eu/newsletter/playbook-paris/des-annonces-au-compte-couts/

[15] Voir l’article du 3 octobre, « Contribuer à la recherche d’une solution politique sur place » : la « mission de concertation » en Nouvelle-Calédonie vue par Yaël Braun-Pivet :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/contribuer-a-la-recherche-d-une-solution-politique-sur-place-la-mission-de-concertation-en-nouvelle-caledonie-vue-par-yael-braun-pivet-1526504.html

[16] Il faut savoir arrêter un billet… il s’agit aussi de l’annonce de perspectives peut-être un peu différentes de ce que ce billet, écrit depuis une petite semaine, pouvait laisser entendre... Je dois avouer avoir passer ce week-end sur l’ilot Signal, bourré de « Blancs », avec des amis Zoreils à majorité de gauche, après une traversée en beau Catamaran ; week-end as usual pour tout le monde, plus rare pour moi... J’ai quand même vu, sur cet ilot, un ou deux Kanak…

[17] Voir l’article de France Info du 6 octobre, Interpellations et réouverture de la route sous conditions, au Mont-Dore, dans la traversée de Saint-Louis :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/province-sud/mont-dore/interpellations-et-reouverture-de-la-route-sous-conditions-au-mont-dore-dans-la-traversee-de-saint-louis-1527066.html

« Une demi-douzaine de personnes ont été interpellées en fin de week-end. La circulation pourra-t-elle reprendre cette semaine ? ».

Voir aussi l’article de Libération et AFP du 6 octobre, Place forte. Nouvelle-Calédonie : la route de Saint-Louis, fief indépendantiste, refermée après de nouvelles violences :

https://www.liberation.fr/societe/nouvelle-caledonie-la-route-de-saint-louis-fief-independantiste-refermee-apres-de-nouvelles-violences-20241006_XSEPBH3ITJE4XFD3W3LIDYLQMY/

[18] Voir, Nouvelle-Calédonie : l’apaisement est-il possible ? :

https://www.youtube.com/watch?v=gZ1Sp-48QIQ

Sonia Backès, très calme pour une fois, ressort cependant ses mantras traditionnels (dont le racisme antiblancs et la caractérisation de la société Kanak comme une « société féodale », avec ses chefs et ses sujets ; Emmanuel Tjibaou, très calme comme toujours, se contente de mettre en relief son ignorance de la société kanak…

Ensuite, vient la description de l’état catastrophique de l’économie calédonienne après les émeutes ; enfin une intéressante dernière partie sur la situation en Palestine-Israël…

[19] Voir, « Je souhaite que nous retrouvions le chemin de l’apaisement » : face à un Parlement éclaté, le jeu d’équilibriste de Michel Barnier sur le dossier calédonien :

https://la1ere.francetvinfo.fr/je-souhaite-que-nous-retrouvions-le-chemin-de-l-apaisement-face-a-un-parlement-eclate-le-jeu-d-equilibriste-de-michel-barnier-sur-le-dossier-caledonien-1526584.html

[20] Il fut ainsi profondément vexé, car, un peu plus tard Barnier répondit en personne à l’indépendantiste kanak Emmanuel Tjibaou, celui de l’autre camp du Caillou ; « C’en est trop pour les macronistes, note l’article, qui, pour certains, se lèvent et sortent de l’hémicycle, comme le rapportent les journalistes du Monde. Parmi eux, l’ancien ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, redevenu député. Tout un symbole : c’est lui qui gérait de près le dossier calédonien lorsqu’il était encore Place Beauvau. La nouvelle approche de Michel Barnier sur le dossier est frustrante pour les anciens responsables politiques ». L’article continue : « Après cette séance de questions au gouvernement houleuse, Nicolas Metzdorf se retranche dans ses positions. Dans la salle des Quatre-Colonnes, il estime au micro d'Outre-mer la 1ère que "Michel Barnier commence à choisir son camp (...). Il répond à un député [l'indépendantiste Emmanuel Tjibaou, NDLR] et pas à un autre [lui-même], ça marque quand même une forme de partialité de l’État". Pour l’élu kanak, au contraire, "c'est le signe qu'on prend en considération les parties prenantes" ».

Metzdorf pense ainsi que les rôles ont été inversés quant à la partialité de l’État…

[21] Voir le résumé rapide du 3 octobre des (probables) dissensions entre Macron et Barnier, Nouvelle-Calédonie : entre Matignon et l’Élysée, luttes d’influence pour un dossier inflammable

https://actu.orange.fr/france/nouvelle-caledonie-entre-matignon-et-l-elysee-luttes-d-influence-pour-un-dossier-inflammable-CNT000002feGPH.html

On remarquera que nous n’avons traité dans ce billet que des bisbilles concernant la Nouvelle-Calédonie ; il en est bien d’autres internes à la nouvelle majorité, notamment le sujet hausse ou pas hausse d’impôts où Darmanin (défenseur des classes populaires mais opposé aux hausses d’impôts sur les plus fortunés…) revient à la charge contre Barnier. L’actualité en France nous rappelle également qu’il n’y a pas que le Caillou dans le monde : la gauche vient de déposer une motion de censure qui ne sera sans doute pas votée par le RN…

[22] Voir l’article (de France Info et de l’AFP) du 6 octobre, Nouvelle-Calédonie : le Premier ministre Michel Barnier se rendra dans l’archipel "le moment venu" :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvelle-caledonie-le-premier-ministre-michel-barnier-se-rendra-dans-l-archipel-le-moment-venu-1527072.html

« Michel Barnier a annoncé lors d’une interview à la Tribune du Dimanche, qu’il se rendrait en Nouvelle-Calédonie "le moment venu". Le Premier ministre espère d’abord trouver un "chemin d’apaisement" grâce aux mesures prévues dans sa déclaration de politique générale ». Laquelle, celle à l’Assemblée nationale ou au Sénat le lendemain ? "C’est un dossier [la Nouvelle-Calédonie, NDLR] dont je me suis occupé dès le lendemain de ma nomination, affirme Michel Barnier dans l’entretien qu’il a donné à la Tribune du Dimanche. Interrogé sur un possible déplacement sur le caillou, le chef du gouvernement a indiqué qu’il se rendrait sur place "le moment venu parce que je pense que c’est la responsabilité d’un premier ministre". Mais avant de se déplacer dans l’archipel, il espère d’abord trouver un "chemin d’apaisement" grâce aux mesures prévues dans sa déclaration de politique générale. Ces deux mesures sont "le report des élections qui étaient prévues et la non-saisine du Congrès pour entériner le dégel initialement prévu du corps électoral", a-t-il rappelé.

[23] L’article précise : « La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et son homologue du Sénat Gérard Larcher vont bientôt [je souligne encore, PC] se rendre dans l’archipel pour une mission du dialogue, comme l’a répété le Premier ministre. Il a aussi tenu à ajouter, "nous prendrons le temps, au moins une année, pour en rediscuter et trouver un nouvel équilibre. Nous pouvons reconstruire un dialogue entre toutes les communautés" ».

[24] Le quasi-arrêt de la filière nickel était déjà en marche bien avant le 13 mai (qui n’a cependant rien arrangé) ; et le nickel compte autour, avec ses effets induits, de 20 % de l’emploi et de la valeur ajoutée du Caillou. Certaines sources indiquent par ailleurs des destructions de l’ordre de 25 % du PIB calédonien (PIB courant autour de 1 000 milliards de Francs CFP) ; rappelons aussi la demande unanime des élus à la France de financement de 500 milliards sur cinq ans pour la reconstruction (le fameux Plan quinquennal).

[25] L’extrême-droite RN est restée, sauf erreur, d’une discrétion de violette dans la récente polémique entre les macronistes d’EPR et Barnier qu’elle soutient comme la corde soutient un pendu ; pourtant, pendant l’insurrection qui a suivi le 13 mai, elle avait effectué un virage à 180 degrés, rompant avec sa ligne traditionnelle pro-Calédonie française du FN puis du RN, critiquant alors vivement la politique de Macron et prônant un référendum d’autodétermination… dans 40 ans. Là, Barnier n’aurait ainsi pas dépassé les lignes rouges tracées par le RN pour éviter une motion de censure (probablement votée par la gauche).

Voir, à ce sujet, début de l’insurrection :

https://www.youtube.com/watch?v=7jWthS9Vlts

Et encore, un mois plus tard :

https://www.lejdd.fr/politique/nouvelle-caledonie-marine-le-pen-apaisement-ou-renoncement-145343

Cette stratégie interroge, comme on dit ; Marine Le Pen avait peut-être en tête que les Français, selon un sondage autour (on peut trouver la date exacte ; mais qu’importe…) des deux premiers référendums, étaient en grande majorité (à 60 %) pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Ça peut aider pour des élections…

[26] Voir la vidéo du 1er octobre 2024 :

Nouvelle-Calédonie : « Nous sommes dans une lutte politique » (youtube.com)

Je me dois de faire un début d’autocritique : quand je l’avais rencontré, il y a quelques années, il m’avait un peu déçu, pour des tas de raisons ; surtout pour son refus catégorique de s’impliquer en politique, contrairement à son père. Mais aussi par son éclat de rire et sa réponse quand je lui demandai : « Existe-t-il une bourgeoisie kanak ? » ; il me répondit (approximativement) : « Ce n’est pas le problème, nous sommes dans la même bagnole, mais nous voulons simplement prendre le volant ! » ; je lui fis remarquer que dans le FLNKS fondé par son père, il y avait le S de Socialisme. Maintenant engagé en politique, il tient un discours modéré mais qui incite à l’affection.

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