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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 24 septembre 2024

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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La farce Barnier ici ; là-bas, en Calédonie, un 24 septembre, Jour J le plus calme…

Macron a donc tout fait pour faire la guerre sur le « Caillou » : tragique réussite ! Aujourd’hui, il semble avoir gagné la paix sur un Pays en ruine avec 22 flics pour 1 000 habitants (44 pour les seuls Kanak) contre 4,2 en France ; et les indépendantistes, avec leurs morts et prisonniers politiques, plus divisés que jamais. Pour combien de temps, cette paix des cimetières ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je laisse tomber dans ce billet, et je vous prie de m’en excuser, la guerre en Ukraine, celle du Moyen-Orient, etc., surtout l’escalade évidente d’Israël contre le Hezbollah libanais décapité et pilonné pour que les Israéliens du Nord retrouve la paix… Les Israéliens vont-t-ils entrer en force au Liban pour éradiquer le Hezbollah très affaibli par les explosions de bippers et autres talkie-walkies, les assassinats ciblés (mais avec combien de dégats collatéraux) et les innombrables bombardements au Liban ; malgré deux échecs répétés ? Sans doute, sauf un miracle à l’AG de l’ONU à New-York (peut-être grâce à Macron ; qui sait). Mais ce sujet brûlant sera bien traité par le buzz à venir dans la presse mondiale ; nettement moins l’objet de ce billet.

Le 11 septembre (date célèbre[1]) de cette années 2024, c’était plutôt la farce qui était de rigueur au Canard enchaîné[2] après la nomination de Barnier par Macron le 5 du mois. Tout était déjà dit en le définissant comme « Le Surveillé général » (par Marine Le Pen, évidemment) ainsi que la nouvelle invention de Macron, la « coexistence exigeante », après la « coalitation ». Le 21 du même mois, avec la présentation du nouveau gouvernement, ce fut plutôt la tragédie, certes ubuesque.

Pourtant, la farce Barnier continue aujourd’hui avec des couacs, deux au moins en une journée, celle du 24 septembre, autre date importante et dramatique ; on va y revenir.

Le premier couac est dû à Retailleau (à droite toute) qui regrettait, faisant tout de suite dans la com’ (contrairement à ce que voulait Barnier : juste un tout petit couac) plaidant qu’il existe « depuis trop longtemps un droit à l’inexécution des peines [judiciaires] » ; le ministre de la Justice Migaud (qui se prétend toujours de gauche) répondit en défendant l’indépendance des magistrats et remarqua que « Le taux d’exécution des peines n’a jamais été aussi élevé. […] Le laxisme de la justice n’existe pas. […] Il faudra que je puisse contribuer à l’information de mon collègue et qu’on puisse avoir des échanges à ce sujet, des échanges constructifs ». Jordan Bardella juge que « les premiers pas du nouveau ministre de la Justice sont très inquiétants ».

Le second couac est celui du ministre de l’Économie, le jeune Antoine Armand, macroniste s’il en est, qui prétendait exclure de ses consultations le RN pour non-appartenance à « l’arc républicain » ; il a été contraint de faire marche arrière par Barnier qui s’est même excusé (et, à noter, en l’annonçant) auprès de Marine Le Pen !

Le bal des couacs est donc rapidement lancé.

Tout a été dit sur la naissance abracadabrantesque de ce gouvernement le plus à droite depuis Fillon[3] qui n’est donc né (pas Fillon, quoique… : il s’agit du gouvernement) que grâce au RN qui, maintenant, agite pourtant la possibilité de la censure ; le buzz suivra sur sa durée de vie. Le pire, c’est que la majorité de ses membres dits macronistes sont des ex du parti LR qui n’a obtenu que 47 sièges à l’Assemblée nationale. À droite toute donc, avec, au ministère de l’Intérieur, Retailleau comme barycentre mais Migaud, ex de gauche, numéro 2 du gouvernement : un gag ! Cependant, dans la mesure où ce gouvernement est sous surveillance du RN (mais, évidemment, sans participation de ses membres) il représente de fait la grande majorité des votes des Français aux dernières législatives : un anti-Front populaire… Peut-être, cependant, une augmentation légère des impôts sur quelques riches…

On ne traitera dans ce billet que de la Nouvelle-Calédonie où l’apaisement se faisait toujours attendre et où la situation économique, sociale et politique est devenue catastrophique. La date du 24 septembre (date de la prise de possession du Caillou par la France en 1853, commémorée par les indépendantistes comme un jour de deuil et rebaptisée « Fête de la citoyenneté » en 2004 pour tenter de faire, sans grande réussite,  « Destin commun ») était attendue et surveillée comme le lait sur le feu par l’État ; et avec les précautions d’usage en matière de sécurité pour ne pas recommencer le couac du 13 mai où les forces de l’ordre étaient bien insuffisantes, quoique déjà nombreuses, face à l’insurrection pourtant jugée possibles par certains observateurs.

Macron a affirmé reprendre en main le dossier qu’il avait (maladroitement ?) laissé à Darmanin ministre de l’Intérieur qui eut sous sa coupe quelques éphémères ministres délégués aux Outre-mer ; on connaît la suite : l’insurrection du 13 mai 2024 et la deuxième quasi-guerre civile (après celle des années 1980) quand l’État maintenait sa décision de modifier, à la demande des loyalistes, le corps électoral pour les élections provinciales, malgré les nombreuses alertes de danger immédiat. Maintenant, Macron a délégué (mais sous son contrôle) le dossier à Barnier qui chapeaute François-Noël Buffet[4] censé bien connaître les outre-mer et, depuis deux ans, la Calédonie ; il a en effet fait partie d’une délégation parlementaires en 2022 et d’une visite rapide en mars 2024, mais il n’a pas laissé, sur le Caillou, des souvenirs impérissables[5]. Que va-t-il proposer ? On n’en sait fichtre rien : pas un mot lors de la passation de pouvoir par Marie Guévenoux qui ne fut non plus pas volubile, sauf pour regretter son départ.

Il faudra sans doute attendre (et encore) la déclaration de politique générale de Barnier le 1er octobre.

1 – Le point sur le poids des forces de l’ordre sur le Caillou et les arrestations

Dans un précédent billet, nous avions émis l’hypothèse, certes hardie[6], selon laquelle Macron avait peut-être transformé l’adage « Si tu veux la paix, prépare la guerre ! » en « Si tu veux la guerre, prépare la paix ! ». Peut-être le désastre actuel en Nouvelle-Calédonie est-il la conséquence de cette stratégie, mais, du coup, très mal préparée par Darmanin ; plus probablement, c’est la conséquence d’une politique simplement inconséquente : du n’importe quoi là-bas comme ici en France avec la dissolution et ses conséquences.

Quid de l’évolution du poids des forces de l’ordre sur le Caillou ?

Avec les 6 000 forces de sécurité intérieures (dont les pompiers et divers) ; donc un peu surévaluées[7] pour les comparaisons plus anciennes) annoncées pour le week-end précédant le 24 septembre, le taux d’encadrement des forces de sécurité intérieures pour 1 000 habitants est de 22 (pas loin de 44 pour les seuls Kanak, en gros 50 % de la population selon nos propres évaluations : données ISEE.nc, l’institut de statistique et d’études économiques local, corrigées en répartissant ceux qui ne déclarent pas leur appartenance à une communauté ou ethnie précise). Ce taux avait déjà explosé après le 13 mai ; la montée continue… En France, le taux d’encadrement tourne autour de 4,2, avec environ 280 000 flics et assimilés (dont police, 150 000, gendarmerie, 100 000, police municipale, 24 000) : le Caillou qui surperformait déjà en régime de croisière, surperforme largement... On peut le percevoir sur le graphique suivant :

Illustration 1

La montée en puissance des forces intérieures de sécurité est donc, là-bas, colossale ; sans parler de l’utilisation des forces militaires, mais seulement utilisées, pour le moment, à la mise en sécurité des aéroports, ports et autres lieux stratégiques. Espérons qu’il n’y aura pas là-bas de prise en main de la sécurité intérieure par les militaires, comme lors de la prise d’otage d’Ouvéa en avril-mai 1988 où le pouvoir de maintien de l’ordre avait été retiré par Bernard Pons à la gendarmerie pour être donné à l’armée[8]. Pour le moment, seul le GIGN est en pointe, par exemple pour la tentative d’arrestation, peu avant le 24 septembre, dans la fameuse tribu de Saint-Louis au Sud de Nouméa qui s’est soldé par les deux derniers morts indépendantistes : bavure ou volonté, avant le 24 septembre, que l’État était bien prêt à la guerre...

Par ailleurs, pas loin de 3 000 arrestations fin septembre 2024 depuis le 13 mai (selon le Haussaire) : un peu plus de 1 % des habitants (ou 2 % des Kanak : les arrestations de Non-Kanak semblent peu nombreuses…). Le taux d’arrestation pour 1 000 habitants serait ainsi, sur cette période, de 11 (ou 22 pour les Kanak) ; largement supérieur à celui de la Métropole[9]. Et rappelons l’arrestation et la déportation en Métropole de quelques dirigeants de la CCAT, dont Christian Téin devenu président du FLNKS.

2 Pas de reprise, comme on pouvait le craindre, le mardi 24 de ce mois : le D-Day tragique annoncé par l’État et ses représentants sur le Caillou est devenu le Jour le plus calme

Menaces non voilées de volonté du maintien de l’ordre quoi qu’il en coûte, allongement de la durée du couvre-feu, fin (provisoire, on l’espère) de la vente d’alcool ; mais aussi appel au calme de tous les dirigeants indépendantistes, malgré leur division. L’ancien ministre de gauche Urvoas répétait ses mises en garde[10] et les fuites du Caillou[11] (encore mal quantifiées) refaisaient la une des journaux locaux ; fuites surtout des Métros dont le personnel soignant et singulièrement des médecins.

Last but not least, les graves tensions, singulièrement à la tribu de Saint-Louis[12], dont la route vers le reste de la commune du Mont-Dore et vers le Grand sud est depuis des semaines coupée par deux verrous, ont atteint leur sommet (voir plus haut) peu de jours avant ce week-end tant redouté. C’était depuis longtemps l’abcès de fixation[13] sur le Caillou ; maintenant c’est le seul point de résistance armée, une sorte de village gaulois à la Astérix, presque, pour les jeunes indépendantistes les plus révoltés, un nouveau Diên Biên Phu qui fixe les forces de l’ordre.

Malgré tout, et pour de nombreuses raisons, le Jour J fut ainsi le plus calme de toute la dernière période. Calme annonçant la tempête ou victoire (au moins provisoire) de Macron ? Je ne sais ; j’ai simplement repoussé, courageux mais pas téméraire, d’une semaine mon arrivée sur le Caillou (hasard du calendrier de vol programmée pour le 24 septembre à l’aéroport de La Tontouta, remarqué que sur le tard) pour continuer mes enquêtes de terrain et mon petit soutien aux indépendantistes.

Les jours précédents ce 24 septembre, les forces de l’ordre notaient toujours une « activité soutenue »[14]… Ce qui n’augurait rien de bon pour la suite. Tous les signaux étaient ainsi au rouge[15], mais passèrent rapidement à l’orange sinon au vert.

Mise en garde des représentants de l’État d’abord avec les mesures de restrictions annoncées plus haut : annonce de la mobilisation des 6 000 gendarmes, policiers et pompiers ; annonce des mesures fermes et nettes du Haussaire, justifiées par « différents messages circulant sur les réseaux sociaux, appelant à des troubles à l’ordre public le 24 septembre » ; puis rétropédalages partiels : « Le 24 a pu être annoncé, estimait Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie, de manière complètement irresponsable comme une date de soulèvement. Nous devons rassurer la population et dissuader les quelques radicaux qui pourraient être tentés de commettre des exactions » ; le directeur de cabinet du Haut-commissaire, Théophile de Lassus abondait : « Il y a énormément de rumeurs qui ont circulé suite à un certain nombre de déclarations faites par les uns et les autres autour du 24 septembre […] C’est une fête qui doit rassembler autour des notions de destin commun, de citoyenneté et certainement pas diviser. Et si certains veulent diviser et s’en prendre aux Calédoniens, l’État apportera une réponse d'une très grande fermeté ».

Des annonces jugées dangereuses avaient en effet été publiées. Annonce le 8 juin (avant l’insurrection) par Daniel Goa lors du comité directeur de l’Union calédonienne (UC) de déclarer de façon unilatérale la pleine souveraineté « immédiate et non-négociable » pour le 24 septembre 2024 ; cependant, le parti UC avait ensuite rectifié la date souhaitée, affirmant qu’il s’agissait en fait du 24 septembre 2025... et appelait au calme, après pourtant le congrès combatif du FLNKS où Téin fut élu président de Front en l’absence de l’autre moitié de ce Front  désapprouvant les actions de la CCAT. Annonce d’un grand chef et ancien sénateur coutumier d’une cérémonie officielle à la même date sur l’île de Maré pour déclarer unilatéralement « la souveraineté des chefferies sur leurs territoires coutumiers » ; cérémonie annulée après les deux morts de Saint-Louis. 

Avec les efforts des coutumiers, et singulièrement de Rock Wamytan, le grand chef de la tribu de Saint-Louis, qui, dit-il, maintenant déchargé de ses fonctions de Président du Congrès (plus exactement battu à la dernière élection…) peut se donner à fond, trois mis en cause pour les exactions viennent de se rendre[16]. Wamytan est cependant exaspéré par l’emploi de la solution GIGN[17] ; on peut le suivre quand il affirme que cette solution est, selon lui, « une solution inacceptable. […] Le sentiment des gens de Saint-Louis depuis la mort de Victorin Banane Wamytan [abattu par le GIGN le 10 juillet] et la mort des deux jeunes, c’est un sentiment de colère extrême et d’exaspération. […] Ils ont tiré sur les forces de l’ordre, c’est vrai. Des représailles, ok. Mais est-ce qu’il faut à chaque fois tuer nos jeunes ? C’est pas possible, ça. J’en ai parlé aux autorités : ''Vous ne pouvez pas trouver une autre formule ?''. C’est comme si tous ces jeunes, parce qu’ils ont fait du car-jacking (c’est vrai que c’est répréhensible), parce qu’ils ont fait des incivilités sur cette route, sont condamnés à mort ».

3 – Et le nouveau ministre des Outre-mer dans tout ça ?

Rattaché à Barnier, donc à Macron, il doit bien se demander : « Que faire ? », même s’il est censé bien connaître le dossier[18]. On attend donc son action, faute de Com.

François-Noël Buffet a auparavant soufflé le chaud et le froid. Cet ancien président LR de la commission des lois du Sénat, se rendit pour la première fois en 2022 et plaidait alors pour plus d’implication de la part du parlement et des Calédoniens : « Il faut que les habitants, la population crée elle-même son projet. Nous, après, on fera ce qu’il faut sur le plan juridique. mais il faut qu’entre Calédoniens, ce projet se fasse. C’est une partie de la clé pour réussir », Lors de sa seconde visite comme parlementaire, en mars 2024, il tempère, se montre (comme beaucoup) favorable, faute d'accord, au projet de loi constitutionnelle réformant le corps électoral provincial : « Nous aurions aimé un accord global de l’ensemble des acteurs calédoniens mais pour l’instant il n’est pas encore là. S’il y a un accord avant les élections provinciales, tant mieux. S’il intervient un peu après, on le prendra aussi. Mais il ne faut pas non plus que les choses traînent trop longtemps ».

Les réactions des indépendantistes du Caillou sont plutôt favorables à sa nomination[19] ; les loyalistes, toute tendances confondues, aussi. Cependant, il n’y a pas que le Caillou, il y a aussi, entre autres, La Martinique, la Guadeloupe et Mayotte[20].

Que va faire faire Macron à Barnier et au ministre des Outre-mer pour que le calme reste vraiment sur le Caillou ? Je crains qu’il pense avoir gagné, en procrastinant, une bataille ; mais va-t-il gagner la guerre d’une Calédonie française ou jouera-t-il les de Gaulle avec « Je vous ai compris ! » ?

Excipit[21]du mercredi 25 au matin

Le jour se lève en Picardie ; le calme semble toujours là sur le Caillou où le jour s’est levé depuis longtemps avec retour (mais avec restrictions) des ventes d’alcool) ; j’ai la gueule de bois ; pourtant, comme depuis longtemps, je me suis couché tard, mais sans avoir siroté un petit whisky que j’ai toujours préféré aux madeleines ; peut-être pour tenter de m’habituer à une Calédonie éventuellement au régime sec, sans doute parce que mon dernier billet et son pessimisme m’avaient déjà foutu cette gueule de bois ; j’ai eu beaucoup de mal à m’endormir alors que je m’endors toujours comme un bébé, le manque de whisky, sans doute ; à demi éveillé, je revoyais, comme dans un cauchemar, les dernières images du film Les Croix de bois (1932, le chef-d’œuvre de Raymond Bernard, d’après le livre magistral de Roland Dorgelès[22]) : à la fin, la guerre continuait des lustres plus tard, avec les soldats armés de bâtons, ou à mains nues ; je me demande si j’ai bien vu le film ou si j’ai déliré ; je n’ai pas eu envie de vérifier, ce matin du 25 septembre ; pas plus que de me renseigner où en était le Liban…

Après ces états d’âme avec force références littéraires très classiques (ça m’arrive quand je suis triste) une postface plus sérieuse.

Oui, ce dernier billet est malheureusement réaliste quand on ne peut que constater que le gouvernent Barnier est simplement le reflet de la France qui a, qu’on le veuille ou non, voté à droite toute ; même si, par le miracle dudit barrage républicain, pour le moins fissuré, la gauche unie-désunie est arrivée première d’une courte tête et a sorti par la grande porte le RN qui visait la majorité absolue ; RN cependant revenu par la petite fenêtre en soutenant le gouvernement Barnier comme la corde soutien le pendu. Oui, ce billet peut être perçu comme  pessimiste concernant l’avenir de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Oui, ce billet donne le bon côté à la farce alors que se jouent, ici, là-bas et ailleurs, plusieurs tragédies ; mais les derniers mots (l’excipit donc) du roman Les Croix de bois me le permettent : « Et maintenant, arrivé à la dernière étape, il me vient un remords d’avoir osé rire de vos peines, comme si j’avais taillé un pipeau dans le bois de vos croix ».

En France, la tragédie ne va pas sans doute pas durer, mais suffisamment longtemps pour faire des dégâts avec l’épée de Damoclès du RN brandie au-dessus de Barnier ; à moins qu’une nouvelle dissolution ou une démission de Macron donne une nouvelle chance à ce RN.

Surtout, sur le Caillou, rien n’est encore perdu même si c’est fin mal barré. Macron et son gouvernement vont bien sûr profiter du désastre économique et social pour y renforcer la mainmise ; par exemple en acceptant de fournir pendant cinq ans les 100 milliards annuels de francs CFP (10 % du PIB avant la cata, s’ajoutant aux 15 à 18 % des transferts publics courants) proposés par le parti loyaliste centriste Calédonie ensemble (et son Plan quinquennal) accepté par tout le congrès et le gouvernement calédoniens : donc au moins cinq ans comme d’hab. Cependant, avec la rigueur budgétaire ici (malgré quelques miettes d’impôts probablement arrachées aux riches) ce n’est pas gagné ; et, la misère aidant, on aura (comme annoncées par Gomès, le patron de Calédonie ensemble) des émeutes de la faim qui se rajouteraient aux émeutes nationalistes. Sans parler que ça peut continuer aussi en Martinique et ailleurs dans les néo colonies françaises.

On peut encore rêver, sans en remettre une couche sur le « Je vous ai compris ! » sur la solution de l’indépendance-association ou un intermédiaire d’une autonomie renforcée ou élargie proche de cette dernière. C’est ce que semble souhaité le Sénateur Georges Naturel[23].

Pas grand-chose en plus d’une heure, sauf : une explication alambiquée – abstention de certains loyalistes – expliquant la majorité obtenue par les indépendantistes au dernières législative (53-47) ; une autocritique de tous les responsables politiques ; une critique du processus de traitement de la loi organique visant à réviser le corps électoral (auquel il a participé) ; enfin son relatif optimisme.

Sauf, surtout, la fin (vers la cinquantième minute, mais après des questions insistantes du journaliste quand il tournait autour du pot) où il estime (mais avec bien des hésitations !) qu’entre l’indépendance-association et une autonomie étendue (les deux solutions intermédiaires du Rapport Courtial Mélin-Soucramanien de 2014, souvent évoqué dans nos billets) la différence est infime : « On joue sur les mots, en effet ». Il se définit comme autonomiste mais non indépendantiste, et est favorable à une autonomie étendue « peut-être un peu plus large qu’on l’on a aujourd’hui » ; et peut-être, dans quelques générations, l’indépendance…

Notes

[1] Celle du 11 septembre 2001 aux USA, après celle de 1973 au Chili…

[2] N° 5418, avec comme titre Les oppositions plastronnent déjà : « On va le faire sauter comme un crêpe, le Grand Barnier ! ».

[3] Sans parler de Retailleau qui aurait eu un bel avenir dès 2017 sans la malheureuse affaire de Pénélope (l’une des multiples planètes dont l’alignement avait permis à Macron de l’emporter, contre toute attente…). Et la droite la plus socialement réactionnaire de ladite Manif pour tous, jolie appellation du mouvement s’opposant, il y a plus d’une dizaine d’années, au mariage homosexuel et à bien d’autres avancées progressistes, apparaît en nombre au nouveau gouvernement. Laurence Garnier, pressentie à un ministère de la Famille (La Manif pour tous est devenue en 2023 Le Syndicat de la famille…) pourtant critiquée par Macron, ne sera que ministre de la Consommation (et exit le ministère de la Famille) mais est bien ministre de Barnier !

[4] Petit détail : il fut aussi un participant au mouvement de la Manif pour tous.

[5] Je dois avouer que, suivant pourtant la situation de l’archipel comme le lait sur le feu, je n’ai jamais trouvé lopportunité de citer son nom dans tous mes billets et recherches.

[6] Voir notre billet du 24 mai dernier, Speedy Président Macron en Kanaky, 15 heures chrono : un coup de com’ dans l’eau… 

Speedy Président Macron en Kanaky, 15 heures chrono : un coup de com’ dans l’eau… | Le Club (mediapart.fr)

Cette hypothèse qui peut être entendue comme un crime de lèse-majesté envers notre Président était pourtant l’adage implicite de Napoléon 1er qui, pour planifiez la guerre, abaissait souvent la garde des autres nations en promouvant la paix.

[7] Le flou fut (on avait toujours du mal à suivre, en régime de croisière, le nombre de flics en stock et en flux d’augmentation) et est toujours le cas ; par exemple la presse compte maintenant 6 000 policiers et gendarmes en oubliant souvent de compter les pompiers et autres forces. Même Philippe Gomès (dans son interview sur France Culture lors du journal de 12 H 30 le 24 septembre) parle de la présence de 6 000 policiers et gendarmes depuis des mois.

[8] Voir les livres de Philippe Legorjus (ancien patron du GIGN, le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale) La Morale et l'Action (1990) et, du même avec Jacques Follorou Ouvéa, la République et la morale (2011) ainsi que le film de Mathieu Kassovitz sorti la même année, L’Ordre et la morale.

C’est en effet le général Jacques Vidal, patron des FANC (les Forces armées de la Nouvelle-Calédonie) et non la gendarmerie qui avait mené l’opération Victor de prise d’assaut de la grotte où étaient détenus les gendarmes otages du commando indépendantiste ; Legorgus avait en vain tenté une négociation pour éviter le bain de sang (19 morts du côté des militants indépendantistes et deux du côté militaire). Rocard lui-même avait admis des exactions de l’armée ; mais rien d’officiel après une loi d’amnistie.

[9] Le taux de criminalité en France est le rapport entre le nombre total de crimes et délits (dont escroqueries) constatés par les services de police et de gendarmerie et la population est d’environ 50 pour 1000 habitant pour tous les crimes et délits, mais de seulement 7 pour les seuls coups et blessures hors cadre familial et seulement 0,5 pour les agressions dites graves ; mais le taux d’arrestation est bien inférieur.

[10] Voir :

https://www.rtl.fr/actu/justice-faits-divers/invite-rtl-nouvelle-caledonie-jean-jacques-urvoas-denonce-une-situation-de-non-assistance-a-personne-en-danger-7900420295

[11] Voir :

https://www.francetvinfo.fr/france/nouvelle-caledonie/crise-en-nouvelle-caledonie-une-importante-vague-de-departs-apres-les-emeutes_6794356.html

[12] Voir : Témoignages. En Nouvelle-Calédonie, regain de tension à l'approche de la date anniversaire du rattachement de l'archipel à la France :

https://www.francetvinfo.fr/france/nouvelle-caledonie/temoignages-les-jeunes-sont-traques-jour-et-nuit-en-nouvelle-caledonie-regain-de-tension-a-l-approche-de-la-date-anniversaire-du-rattachement-de-l-archipel-a-la-france_6790342.html

[13] « Au sens propre, abcès créé pour fixer une infection ; au sens figuré, événement malheureux mais évitant que des événements plus graves ne surviennent ».

[14] Voir, l’article du 23 septembre, Crise en Nouvelle-Calédonie : 15 interpellations et une « activité soutenue » pendant la nuit dans le Grand Nouméa

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/province-sud/grand-noumea/crise-en-nouvelle-caledonie-15-interpellations-et-une-activite-soutenue-pendant-la-nuit-dans-le-grand-noumea-1523744.html

Le bref article indiquait : « Les forces de l’ordre sont intervenues dans la nuit de dimanche 22 à lundi 23 septembre dans le Grand Nouméa. 15 interpellations ont eu lieu ces dernières 24 heures. "L’activité est restée soutenue cette nuit sur le Grand Nouméa, principalement en début de soirée", annonce le haut-commissariat, le 23 septembre. "Comme les nuits précédentes, des entraves ont nécessité des interventions et les forces de l'ordre ont fait l'objet de prise à partie par jets de projectiles. Des feux, de végétation et d’entraves, ont rapidement été maîtrisés par l’action des pompiers". Dans le Nord, un véhicule de la gendarmerie a également été la cible de jets de pierres, à Poindimié. Le "dispositif conséquent mis en place lors de ce long week-end" est déployé de manière continue. Des contrôles et des actions de sécurisation sont organisés sur l’ensemble du territoire. Quinze interpellations ont eu lieu ces dernières 24 heures, portant à 2 930 le nombre total depuis le début des troubles ».

[15] Voir :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/crise-en-nouvelle-caledonie-pourquoi-le-24-septembre-2024-suscite-tant-de-crispations-1523054.html

[16] Voir :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/exactions-a-saint-louis-trois-personnes-se-sont-presentees-spontanement-a-la-gendarmerie-1523348.html

[17] Voir Wamytan reçu au JT de Nouvelle-Calédonie la 1ère le dimanche 22 septembre, Roch Wamytan, élu UC-FLNKS et grand chef de Saint-Louis, au Mont-Dore : « Est-ce qu'il faut à chaque fois tuer nos jeunes ? » :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/province-sud/roch-wamytan-elu-uc-flnks-et-grand-chef-de-saint-louis-au-mont-dore-est-ce-qu-il-faut-a-chaque-fois-tuer-nos-jeunes-1523792.html

[18] Voir l’article du 19 septembre Qui est François-Noël Buffet, pressenti pour occuper le poste de ministre délégué aux Outre-mer ?

https://la1ere.francetvinfo.fr/qui-est-francois-noel-buffet-le-nouveau-ministre-delegue-aux-outre-mer-1522955.html

Voir aussi celui du 22 septembre, Nouveau gouvernement : le ministre des Outre-mer François-Noël Buffet connaît déjà bien le dossier calédonien, sous-titré Les nuances et complexités du dossier calédonien ne devraient pas inquiéter outre mesure le nouveau ministre des Outre-mer François-Noël Buffet, qui a travaillé sur la question ces dernières années au sein de la commission des lois du Sénat.

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/nouveau-gouvernement-le-ministre-des-outre-mer-francois-noel-buffet-connait-deja-bien-le-dossier-caledonien-1523552.html

[19] Voir l’article du 23 septembre :

En Nouvelle-Calédonie, les réactions plutôt favorables des indépendantistes suite à la nomination de François-Noël Buffet aux Outre-mer (francetvinfo.fr)

« Il est considéré comme un homme de dialogue qui connaît bien le dossier calédonien, affirme l’article qui continue, Le ministre des Outre-mer est désormais directement rattaché à Matignon. Une mesure qui satisfait le président de l’Union calédonienne, Daniel Goa. "On le verra à la tâche, ce n’est pas une mauvaise chose qu’on revienne au Premier ministre de façon que ça soit plus géré, peut-être de manière plus politique. Avant, le ministère était à l’Intérieur, c’était rattaché à l’ordre et à la répression militaire." ».

[20] Voir  l’article du 22 septembre :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvelle-caledonie-vie-chere-immigration-les-grands-dossiers-qui-attendent-francois-noel-buffet-au-ministere-des-outre-mer-1523606.html

[21]Bien sûr, c’est une référence explicite à l’incipit sans doute le plus connu de la littérature française : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure ») de Du côté de chez Swann (de 1913), le premier tome du roman de Proust, À la recherche du temps perdu. Je n’ai jamais réussi à lire plus que deux pages de Proust ; mais j’en ai entendu parler… De toute façon, je n’aime pas lire, je préfère agir mais aussi écrire et ne supporte toujours pas l’adage « Lire c’est vivre ».

[22] Ce roman s’est fait chiper le prix Goncourt de 1919 par À l’ombre des jeunes filles en fleurs de Proust. 

[23] Voir la dernière interview (sur ITV NC Nouvelle-Calédonie, le 16 septembre 2024) de Georges Naturel, « Autonomie contre Partenariat ? » - Évènements 2024 Témoignages :

Évènements 2024 - Témoignages - Replays | CALEDONIA

ITV NC est une initiative lancée lors des émeutes de mai 2024, en partenariat avec CALEDONIA TV, « TV Pays » mais nettement indépendantiste. On y trouve d’autres interviews également intéressantes.

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