* Correction du 26 mars : il ne sera pas : il l’est. Nous avions commencé ce billet le jour où nous avons pris connaissance du dernier texte de Barbançon, il y a une petite semaine, ravi de trouver enfin quelqu’un qui pensait et le disait que l’histoire pouvait encore bégayer sur le Caillou ; pourtant, un remake des événements n’avait pas encore commencé, maintenant on est en plein dedans.
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Ça avait déjà bardé, le 18 mars 2024 à l’Assemblée nationale au sujet de la Nouvelle-Calédonie lors de la discussion du projet de loi organique sur le report des élections provinciales ; mais on commençait à s’y habituer... Deux députés, Jean-Victor Castor, député de Guyane, et Max Mathiasin député de Guadeloupe, ont eu des mots appropriés mais très durs[1] pour défendre les Kanak. Ces deux « Noirs » se définissant comme tels, et dont le dernier précise, en insistant, qu’il est descendant d’esclaves, donnent à Darmanin, médusé (mais qui balbutie quelques réponses, précisant qu’il est le petit-fils d’un colonisé devenu français) un cours d’histoire coloniale : des courts remakes du Discours sur le colonialisme, d’Aimée Césaire de 1950 et 1955. Ils ne sont pas loin du Frantz Fanon de1952, Peau noire, masques blancs[2], qui écrivait « Ce que nous voulons, c’est aider le Noir à se libérer de l’arsenal complexuel qui a germé au sein de la situation coloniale ».
Mais le plus important, pour analyser l’avenir institutionnel incertain de la Nouvelle-Calédonie, me semble aujourd’hui le dernier écrit de cet historien du Caillou, pourtant assez modéré : Barbançon. C’est le descendant d’un bagnard, surtout connu au début pour son livre de 1992 : Le pays du Non-Dit[3]. Sa dernière intervention écrite (1984-2024 sous-titrée Il est encore temps[4]) est remarquable, en belle rupture avec le non-dit ; d’autant plus que ce Calédonien, bien connu sur le Caillou mais moins en Métropole, n’est pas un affreux gauchiste kanak mais un centriste, selon moi l’un des principaux représentant du nationalisme calédonien[5] qui s’est toujours présenté comme une troisième voie (et une troisième voix) entre l’indépendantisme kanak (soutenu par une poignée d’Européens du Caillou et d’ailleurs) et le loyalisme le plus radical genre Calédonie française.
Certes, ce long billet annoncé après celui sur la stratégie nickel aurait pu, comme d’hab’, être plus court, et avec moins de notes : il aurait pu se résumer par quelques mots sur un slide de PowerPoint : « Il va y avoir le feu au Caillou ! Il y a le feu au Caillou ». Mais ce n’est pas le genre de la maison…
Commençons par beaucoup de dits, sinon de trop-dits de Barbançon qui précèdent étonnamment de très peu une accélération des débats sinon des événements du Caillou.
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1 - Il y a le feu, selon Barbançon
11- Le centrisme du nationalisme calédonien et ses hésitations : un peu d’histoire au sujet de l’évolution de ce Calédonien particulier
Il a ainsi participé, encore très jeune, à l’expérience du premier gouvernement légal de Jean-Marie Tjibaou de 1982 à 1984[6] où l’indépendantisme naissant s’était allié avec un parti nationaliste calédonien dirigé par Jean-Pierre Taïeb Aïfa qui venait de rompre avec le loyaliste Jacques Lafleur. Ensuite, il a oscillé entre soutien et hostilité à l’indépendantisme kanak : il s’en rapproche aujourd’hui de plus en plus ; il est vrai aidé par le radicalisme de la droite des loyalistes qu’il exècre (dont Sonia Backès et Nicolas Metzdorf soutenus par Macron qui a perdu toute neutralité quant à la question de l’indépendance). L’un des derniers écrits[7] de Barbançon est paru en janvier 2023, À la recherche du Nous qui résume parfaitement sa trajectoire politique : « Alors que, plus que jamais, le débat identitaire plane sur la société calédonienne comme une ombre, à la fois menaçante et essentielle, celui qui se qualifie d’Océanien d’origine européenne partage l’expérience d’une vie pour esquisser un chemin possible, celui du "nous" ». Déjà en avril 2023, il faisait part de son pessimisme, en clair le danger de la guerre civile[8], mais le tempérait encore, la conclusion de l’article étant : « Un optimisme relatif pour l’avenir. Quant à la suite de l’histoire, Louis-José Barbançon ne veut pas tout voir en noir. Mais il a du mal ». L’article continuait : « "De l’optimisme ? Il y en a, si les gens sont raisonnables. Ceci dit, la situation que nous vivons a quand même des similitudes qui m’inquiètent beaucoup par rapport à la période 1987-1988". Et de conclure, "tout ministre français, quel qu’il soit, qui hérite du sujet calédonien, a toujours deux voies possibles. Ou c’est le nouveau Michel Rocard. Ou c’est le nouveau Bernard Pons. Cette réponse-là, au moment où on se parle, je ne l’ai pas". Optimisme très relatif, donc ».
Nous l’avons rencontré peu après, début décembre 2023[9], non pas sur rendez-vous, mais à la librairie Calédo Livres de Nouméa où il dédicaçait son dernier bouquin (La racine et l’horizon, de juin 2023). Il n’avait pas sa langue dans sa poche ; il eut aussi des mots très durs envers le discours de Macron, place des Cocotiers à Nouméa en juillet 2023 ; et, reçu par ce dernier, lui en fit part[10]. Il précisa, toujours en répondant à mes questions, et sans langue de bois, plusieurs aspects de sa personnalité : n’avoir eu « aucune formation de gauche, et surtout pas marxiste, ayant été élevé dans une culture familiale très catholique » ; être un libéral en économie, mais avec nécessaire intervention du secteur public ; être plutôt de droite (mais une droite sociale). Enfin, il rêvait que cette droite se réveille en Calédonie pour contrer le radicalisme des loyalistes (qu’il ne qualifia pas d’extrême-droite mais semblait fort y penser).
12 - Il vient, semble-t-il de se radicaliser, mais (selon moi…) du bon côté
Dans son récent texte, il va beaucoup plus loin. Bien sûr, le danger sinon la peur d’une guerre civile baigne tout son écrit, par exemple quand il se pose la question fondamentale pour le Caillou (c’est la première phrase de sa contribution) : « Existe-t-il en 2024 des similitudes avec la situation de 1984 et celle de 1988 ? La question mérite en effet d’être posée aujourd’hui ». Tout le monde n’ose pas poser cette question… Il pense cependant qu’il « est encore temps » de l’éviter[11].
Pour 1984, on peut résumer son analyse quand il écrit : « Le corps électoral est donc le facteur déclenchant du boycott actif des élections territoriales du 18 novembre 1984 et des "événements" qui lui succèdent ». Pour 1988, presque mêmes causes, mais mêmes effets : « En 1988, écrit Barbançon, l’élément déclencheur est le maintien des élections au Congrès du Territoire le même jour que les présidentielles, […]. Le gouvernement et les loyalistes appuient leur argumentation sur les résultats du référendum du 13 septembre 1987. Déjà ! Bernard Pons qui considère que le FLNKS ne constitue plus une force qui compte, maintient les deux élections à la date du 24 avril et la gendarmerie de Fayaoué à Ouvéa est attaquée le 22 ».
Pas une virgule à changer à sont point de vue concernant le rapprochement avec 2024 : « En 2024, quarante ans après, on retrouve conjuguées les deux principales causes de 1984 et 1988 : le corps électoral et le calendrier, causes aggravées par la volonté de passer en force. En histoire, quand vous reproduisez des causes à l’identique, vous obtenez les mêmes conséquences. Il devient alors légitime de se demander : pourquoi ceux qui connaissent les conséquences de 1984 et 1988 s’obstinent-ils à reproduire les mêmes causes ? Souhaitent-ils avoir les mêmes conséquences ? Difficile de l’affirmer mais il faut le craindre. En Nouvelle Calédonie, il n’y a pour le moment que deux chemins possibles. Soit l’on met ses pas dans ceux de Michel Rocard, soit on les met dans ceux de Bernard Pons. Force est de constater que cornaqués comme ils le sont par Sonia Backès et Nicolas Metzdorf, le gouvernement français, comme les représentants de l’État s’engagent dangereusement sur le chemin de Bernard Pons ».
Le second paragraphe s’intitule « Un nouveau contexte ». « On rétorquera, indique Barbançon, que comparaison n’est pas raison, que l’histoire ne se répète pas même s’il lui arrive de balbutier »[12]. En examinant « … ce qui a changé depuis 1984 et 1988 » Barbançon termine par : « De nos jours, à son échelle, ou plutôt, vu la taille des géants qui entourent le Pacifique, de son tabouret, le Président de la République tente de mettre en place un axe IndoPacifique. Belle idée qui pourrait trouver des appuis dans les territoires français, y compris chez les indépendantistes. Malheureusement la France a choisi de conduire cette politique en tant que nation souveraine du Pacifique alors qu’elle n’est partie prenante dans cette région océanienne que par procuration. Pour simplifier, elle se conduit comme si elle était chez elle alors qu’elle est chez nous »[13].
Le troisième paragraphe intitulé « Salariat et urbanisation des Océaniens » évoque la crise du nickel[14] et surtout la croissance d’un salariat océanien qui change tout dans les rapports sociaux du Caillou. Il conclut : « Certains observateurs ont pu comparer les "événements" des années 1980, qui se sont déroulés essentiellement en Brousse, à des jacqueries. De nos jours, la nouvelle donne rend probable des soulèvements urbains beaucoup plus difficiles à maîtriser… ». Ce qui introduit le paragraphe suivant « Vers un soulèvement générationnel ? » où notre auteur met les points sur les i : « La jeunesse kanak est nationaliste. C’est un fait irréfutable. Le discours qui circule dans les cercles étatiques visant à accréditer l’image d’une revendication d’indépendance portée par des leaders vieillissants, rejetés par leur jeunesse est un leurre dangereux ». Et ce que raconte ensuite Barbançon est effrayant ; il ne dit pas comme Che Guvara « Patria o muerte, Vencermos ! », ne cite pas le martyr Éloi Machoro, mais n’y va pas par quatre chemins[15].
« Pas simple » est le paragraphe suivant, où il critique la légitimité du troisième référendum de décembre 2021, rappelle l’une de ses marottes : « Les sénatoriales ont montré qu’il existe plusieurs nuances du "non". Aligner tous ceux qui votent "non" sur le discours des Pacifikaners, ces Afrikaners du Pacifique qui chantent une Calédonie qui n’existe plus, tout en s’en défendant, est source de grand danger. On passerait alors du côté kanak à : "Il y a des Blancs qui nous comprennent et qui veulent de nous à, il y a de moins en moins de Blancs qui nous comprennent et qui veulent de nous, alors que nous sommes chez nous" ». Il fallait le sortir ces « Pacifikaners, ces Afrikaners du Pacifique » (affirmation qui qui évoque l’apartheid) : Barbançon a osé !
Indiquons rapidement son analyse du découpage en Provinces et de la surreprésentation des Kanak au Congrès (litanie des loyalistes radicaux, cependant statistiquement fondée) : c’est vrai mais le découpage lui-même n’était pas neutre ; par exemple, le village de Thio sur la côte est, avec l’une des principales mines historiques de la SLN et beaucoup de Caldoches, a été rattaché à la Province Sud alors que sa voisine Canala fut rattachée à la Province Nord. Ce que résume Barbançon par : « Donc, si l’on doit invoquer la logique, celle du découpage prime. Le nombre des sièges au Congrès en découle, pas le contraire. La paix a été instaurée et a duré à partir de ce diptyque : un découpage plutôt favorable aux Loyalistes, une répartition des sièges plutôt favorable aux indépendantistes. Modifier la répartition des sièges, c’est rompre l’équilibre, un équilibre de plus en plus fragile ».
Indiquons aussi ce qu’il nomme « Le grand écart » en comparant la politique d’exception appliquée à Mayotte (où l’on vient de supprimer, pour cause exceptionnelle, le droit du sol pour les enfants d’immigrés nés sur un sol dit français) et le dégel du corps électoral en Calédonie, aussi cas exceptionnel : « Il fallait oser dans la même consultation constitutionnelle supprimer le droit du sol à Mayotte et limiter ainsi la possibilité de devenir citoyen français et donc à moyen et long terme restreindre le corps électoral. Puis dans un "en même temps" présidentiel, dégeler le corps électoral en Nouvelle-Calédonie et donc élargir la possibilité de devenir citoyen calédonien. Vérité en Océan indien, erreur en Océan Pacifique, la distance qui sépare Mayotte de Nouméa définissant le grand écart macronien ».
Avant de terminer, Barbançon met en garde ceux qui se plaisaient à « Miser sur la division du FLNKS […] Tous ceux qui fondaient leurs analyses sur une division profonde entre le Palika et l’UC devraient bientôt déchanter »[16].
« Pas impossible » est le dernier paragraphe. « Pas impossible, finit Barbançon, dans le sens où les points de non-retour n’ont pas encore été franchis. Il est encore temps de prendre un autre chemin que celui de Bernard Pons ». À condition (comme à Mayotte) de prendre des décisions exceptionnelles face à une situation exceptionnelle que Barbançon précise « Que faut-il de plus que ce qui est développé dans ce qui précède pour considérer la situation calédonienne comme exceptionnelle ? Pour une fois dans son histoire calédonienne, la France pourrait-elle prendre des décisions ante mortem plutôt que d’attendre que les décisions s’imposent d’elles-mêmes parce que post mortem »[17]. Même en latin, on comprend...
Enfin, ce que beaucoup attendaient d’un autre nationaliste calédonien (Philippe Gomès, du Parti Calédonie ensemble : sauter le Rubicon[18] et accepter l’indépendance-association) est franchi par Barbançon : « Pas impossible car les indépendantistes ont avancé une notion nouvelle et porteuse de solution donc d’avenir. Au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France opposée à une Kanaky en dehors de la France est maintenant formulée la perspective d’un futur État non pas dans la France mais avec la France. S’interdire de s’engager dans cette voie, la rejeter avec mépris d’un revers de main, c’est s’interdire l’espoir. Si la France veut se maintenir la tête haute dans le Pacifique, il est encore temps. Si l’on veut perpétuer la filiation illustrée dans notre devise « terre de parole, terre de partage » qui commence avec « deux couleurs, un seul peuple », qui se poursuit avec Nainville-les-Roches et qui culmine avec la poignée de mains entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, il est encore temps. Si l’on veut qu’un peuple calédonien - et le peuple calédonien sans les Kanak n’existe pas - puisse vivre en paix et prospérer sur sa terra patria, la terre de ses pères, il est encore temps ».
2 - Barbançon avait donc du nez : quelques jours plus tard, une mécanique peut-être infernale s’est déclenchée ; pour le moment seulement une guéguerre institutionnelle, mais avec participation de la rue, des deux côtés… Cependant, l’arrivée soudaine et inattendue d’Édouard Philippe va sans doute arranger tout ça !
21 - Un coup d’éclat des loyalistes radicaux, presque un coup d’État d’opérette
D’un côté, les loyalistes radicaux sortent le 20 mars de la collégialités du gouvernement et, le lendemain, du Congrès, avec comme prétexte une histoire d’impôts sur les carburants.
D’abord, donc, la minorité des loyalistes radicaux (4 élus sur 11) mais sans Calédonie ensemble avec lequel les oppositions sont anciennes mais exacerbées depuis fin 2023 (1 seul élu) fit un premier clash au gouvernement[19] : tous ont quitté la traditionnelle réunion collégiale hebdomadaire du mercredi (scène « très rare » indique l’article de presse). Le prétexte est un prétendu « matraquage fiscal »[20] ajouté à ce qu’ils considèrent comme une « absence d’écoute, voire un certain mépris » de la part de la majorité indépendantiste avec l’Éveil océanien (l’ÉO). Cette courte majorité, encore solide (grâce à l’ÉO) se serait sans doute traduite par un vote favorable au Congrès. D’autant plus que la signature du Pacte nickel prévue pour le 25 mars était reportée au milieu d’avril : tout se télescope Mapou l’a annoncé au Congrès[21].
D’où le second acte le lendemain[22], où, avec le même prétexte, une quinzaine d’élus (toujours deux groupes des loyalistes radicaux, sans Calédonie ensemble) quitte le Congrès[23]. Mais là, la raison est dévoilée explique LNC : « Cette décision intervient dans le cadre du vote de plusieurs textes fiscaux auxquels sont opposés les deux groupes. Mais cet acte fort vise surtout à dénoncer une composition du Congrès qu’ils jugent "antidémocratique" et vient appuyer leur souhait d’une révision de la répartition des sièges boulevard Vauban » (là où se trouve le Congrès, à Nouméa, PC), ce que l’État n’envisage pas, malgré les pressions de ces radicaux[24]. Et LNC continue : « Mais le "matraquage fiscal" et la "politique mortifère" du gouvernement ne sont pas les seules explications à cette mesure lourde de conséquences prise par les deux groupes politiques. Le boycott "jusqu’à nouvel ordre" des institutions doit surtout mettre en lumière ce que Sonia Backès a qualifié de "majorité indépendantiste antidémocratique". "Vous, Monsieur le président, et votre gouvernement indépendantiste, vous n’êtes plus légitimes à la place où vous êtes. Vous n’êtes plus légitimes parce que si les habitants de la province Sud pesaient le poids qu’ils devraient peser ici, vous ne seriez pas à la tête du gouvernement", a attaqué la présidente de la province Sud, mettant sur la table un sujet bien différent de celui des réformes fiscales[25] : la composition du Congrès ».
Les réactions des leaders indépendantistes furent pour le moment mesurées. Mapou, le président du gouvernement, a qualifié de « complètement irresponsable » le départ des élus du Congrès ; « Je trouve que ce n’est pas de bon ton, […] c’était inapproprié ». Il rajouta : « Les indépendantistes ne sont pas majoritaires au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, ils ne l’ont jamais été depuis 1988. Pourquoi ceux qui ont réussi à faire alliance (avec l’Éveil océanien) dans des conditions difficiles seraient moins légitimes aujourd’hui ? ». Wamytan, le président du Congrès, a déploré les propos de Sonia Backès : « Il faut éviter de prononcer de tels discours » qui pourraient, " rallumer le feu" des évènements tragiques ». Philippe Gomès, le chef de file de Calédonie ensemble, se référant au film Le Salaire de la peur, a le sentiment d’être « dans une configuration de plus en plus dangereuse. On a un chargement de nitroglycérine. On est sur une route défoncée et on va de plus en plus vite, comme si on essayait de faire exploser le chargement […] Le procès en illégitimité est un procès dangereux parce qu’on pourrait le faire les uns à l’égard des autres. Il a jalonné l’histoire du pays ».
Pourtant les loyalistes avaient d’autres moyens que la chaise vide pour faire tomber le gouvernement[26] ; Mapou le rappelle : « S’ils jugent l’exécutif illégitime, les élus Loyalistes et Rassemblement ont la possibilité de déposer une motion de censure au Congrès ou de démissionner du gouvernement pour le renverser […] Mais ils ont choisi d’autres voies »[27]. Concernant la motion de censure, elle doit être votée à la majorité absolue de 28 voix, pour entraîner la chute du gouvernement, ce qui suppose le renfort des 6 de Calédonie ensemble ou des élus hors groupe ; difficile à envisager pour les loyalistes radicaux, d’où leur décision de boycotte du Congrès.
Et la politique de la chaise vide (qui, en gros a fait flop) est peut-être modifiée quand on lit ce que ces loyalistes ont déclaré dans leur conférence de presse le lundi 25 mars : « Le président du gouvernement a, de facto, annoncé la fin du gouvernement collégial, […] Il y aura donc désormais une majorité et une opposition au sein de l’exécutif. Nous nous opposerons de la manière la plus ferme possible à toutes les mesures confiscatoires qui seront proposées ». C’est du dit, mais pas bien clair : ils rentrent au bercail ?
22 - La rue aussi a fait son coup d’éclat ; et ça a continué près d'une semaine
Parallèlement aux soubresauts dans les institutions, une manif (sans gilets jaunes : là aussi, même causes, même effets ; mais sans les gilets) était prévue pour le 21 mars devant le Congrès et avec blocage des dépôts de carburant. Bien sûr, la rue n’est en aucun cas une courroie de transmission du coup d’éclat de Backès. Tu parles ! La rue défendait le même point de vue ; celui de la seule lutte contre le matraquage fiscale[28] ; l’Association citoyenne de Nouvelle-Calédonie et le Syndicat des rouleurs et du BTP qui se mobilisent affirment qu’ils ne font évidemment pas de politique ; cependant, le collectif Agissons solidaires (très proche des loyalistes radicaux[29]) a annoncé se joindre à la mobilisation… LNC termine son article par « Après leur départ de l’hémicycle, les élus Loyalistes et du Rassemblement ont d’ailleurs rejoint les manifestants réunis devant le Congrès pour demander le retrait de la TET ».
De l’autre, une contre-manif fut annoncée le 20 mars pour le 21 (probablement en réaction à la sortie des loyalistes radicaux, pour défendre le gouvernement Mapou et ses mesures fiscales)[30] ; nouveauté (annoncée par Barbançon !) ce fut une manif commune de l’UC et du Palika, avec beaucoup d’autres parties prenantes (dont la CCAT, la Cellule de coordination des actions de terrain qui manifestait depuis longtemps sans le Palika) ; cette manifestation devait aussi aboutir au congrès. Ces deux manifs ne se sont, heureusement, pas rencontrées…
Mapou avait bien entendu les requêtes du collectif Agissons solidaires (selon Stéphane Yoteau, son porte-parole) et déclarait dimanche soir maintenir les barrages sans les amplifier. Yoteau fut déçu lundi, malgré les annonces du gouvernement reportant les décisions concernant la « taxe carburant » à juin 2024 (il exigeait un moratoire social et fiscal) et a lancé au matin des opérations escargot. Ça risquait de durer avec encore blocage des pompes à essence[31].
23 - Pas un mot (sauf erreur) de l’État, pas le moindre commentaire au sujet du coup de canif des loyalistes radicaux ; mais l’arrivée impromptue d’Édouard Philippe…
La proposition du gouvernement français suit son cours au Sénat concernant le dégel du corps électoral (le 26 mars, le Sénat doit commencer l’examen du projet de loi constitutionnelle) ; sur le Caillou, les blocages des dépôts de carburant persistaient ainsi que les opérations escargot sans que le Haussaire, sans doute par prudence, pour ne pas allumer le feu et/ou sur ordre, n’envoie les forces de l’ordre.
Heureusement, un homme de gauche qui connaît bien le dossier (Jean-François Merle) vient de fournir une dure critique, cependant politiquement bien étayée, de cette stratégie du gouvernement[32]. Le fond juridique et politique de l’intervention de Merle est qu’il y avait un contrat : « Mais si un contrat peut être modifié par accord de ceux qui l’ont signé, une modification en l’absence d’accord s’appelle une rupture de contrat »[33]. Et il rejoint ainsi les craintes de Barbançon.
Enfin, last but not least, la curieuse éruption d’Édouard Philippe[34] exactement dans ce temps disruptif… Certes, il est là à titre privé et compte « beaucoup plus écouter que parler », mais avec un agenda de ministre pour une visite de 6 jours. Il avait déjà beaucoup écouté le Caillou en étant Premier ministre d’Emmanuel Macron, de mai 2017 à juillet 2020 ; c’est lui qui gérait avec doigté le dossier calédonien et avait su parler et trouver les bons mots[35], en particulier en recommandant de ne pas placer la date du troisième référendum avant les élections présidentielles et législatives de 2022 ; mais, après son remplacement par Castex, il n’avait pas été suivi.
Sa rencontre, après la coutume traditionnelle au Sénat coutumier, avec Sonia Backès, le jour même du coup d’éclat de cette dernière, fut, dit-il, un échange « très direct et très franc » (ce qui en langage diplomatique évoque l’existence de sujets qui fâchent). Une autre rencontre avec Louis Mapou puis avec la jeunesse où il a annoncé de fait sa candidature à la présidentielle de 2027. Enfin (pour dimanche soir) un entretien avec Wamytan[36] qui le préfère à Darmanin : pour avancer sur l’avenir institutionnel annonce Wamytan, « il nous faut de nouveaux interlocuteurs, peut-être une mission dépêchée par le gouvernement français ou des profils tels que celui de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe ».
Peut-être avons-nous l’arrivée (en fait le retour) de Super Édouard, sans barbe avec une cape[37] (mais pas un casque colonial) ayant volé juste au bon moment au secours de la paix. On peut rêver… Édouard Philippe ne joue pas les superhéros ; mais déclare, au JT du 6 mars sur Calédonie la 1ère, en guise de bilan de sa visite : « J’ai envie de participer à la création de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie »[38]. Sera-t-il l’homme providentiel suggéré par Rock Wamytan ? « Je ne crois pas être la personne indispensable. Quand on essaie d’intervenir sur une question aussi sensible que la Nouvelle-Calédonie, on l’aborde avec un peu d’humilité ». Mais il ajoute : « La tension politique est réelle, je crois à l’avenir du territoire par le dialogue ». Concernant le dégel du corps électoral (avant le vote des sénateurs) il présente une position fleurant bon le en même temps[39] ; il en est de même pour le Pacte nickel[40].
24 - Barbançon avait aussi du nez sur le rabibochage des indépendantistes, mais un peu moins : l’unité est encore un dur combat…
En Nouvelle-Calédonie, s’ouvrait le samedi 23 mars le 42e congrès du FLNKS, avec un peu de retard sur l’automne du Caillou[41] mais avec toutes ses composantes dont l’UC, le Palika, le RDO et l’UPM, ainsi que le syndicat USTKE affilié au Parti travailliste lui aussi présent. L’enjeu est bien la stratégie très unitaire tous azimuts quant à l’avenir institutionnel du Caillou (surtout au sujet de la réforme de la Constitution destinée à dégeler le corps électoral) mais aussi à celui de la stratégie nickel et de la signature, poussée sans doute maladroitement par Bruno Le Maire qui voulait une signature avant fin mars alors qu’il devait savoir que c’était impossible à cette échéance, et même jamais, en l’état « tel quel » qu’il propose[42]. On sait maintenant qu’il ne l’aura pas avant le 8 avril ; et encore…
Malgré l’invitation d’un jeune cadre du FLNKS[43] au JT de dimanche soir 24 mars sur Calédonie la 1ère, on n’en savait pas beaucoup plus dimanche soir, sauf le refus (avec toujours des nuances) du dégel électoral et la tentative de chercher, malgré tout, un accord avec tout le monde, loyalistes et État. On peut aussi rêver… Pascal Sawa résumait : le mouvement indépendantiste demande le retrait du projet de loi qui doit modifier le corps électoral et une mission de dialogue « pilotée par un haut-responsable » (pourquoi pas Édouard Philippe…; mais il ne le dit pas !). Pour ce qui est de la position du FLNKS quant au Pacte nickel, ce dernier botte en touche : ils ne se prononcent ni pour ni contre… Après la prise de position officielle du président du gouvernement Louis Mapou de voter Oui au Pacte nickel à la séance prévue au Congrès[44] le jeudi 28 puis l’annulation de cette réunion repoussée en avril[45], le FLNKS ne sait plus sur quel pied danser.
Pas un seul mot sur le nickel dans la conférence de presse du FLNKS du mardi 26 mars[46], seulement la demande unanime du retrait par l’État de la réforme constitutionnelle. Dominique Fochi, secrétaire général de l’UC, explique qu’il était important pour le mouvement indépendantiste « d’acter son unité » mais se garde bien d’indiquer s’il y a réussi ; on peut douter de la réussite totale avec l’indécision sur le Pacte nickel. Tous les indépendantistes semblent d’accord pour affirmer que « L’État a choisi son camp, celui des non-indépendantistes » et affirment leur volonté de trouver un accord avec les loyalistes (un doux rêve qui les fait apparaître cependant comme tout sauf des boutefeus).
Quoique... Le dernier communiqué du FLNKS du 27 mars n’est pas tendre (c’est une litote) avec Darmanin ; on le donne ci-dessous (un peu flouté pour atténuer son ardeur...).


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Curieuse cette concordance des temps, juste quand commence chez nous le printemps, et répétons-le, l’automne aux antipodes. Géniale, cette néanmoins triste anticipation de Barbançon d’un nouvel épisode probable des « Événements », seulement quelques jours avant son possible déclenchement. Rien n’est perdu, mais rien n’est impossible. Qu’un nationaliste calédonien toujours sage et centriste, mais qui eut quelquefois des mots durs contre les indépendantistes, en vienne aujourd’hui à recommander l’indépendance-association (ou quelque chose comme cela) doublant ainsi un autre nationaliste calédonien, Philippe Gomès de Calédonie ensemble qui n’est pas encore sorti du bois (et n’en sortira peut-être jamais… ; mais qui fut très clair concernant le refus de Calédonie ensemble de voter le pacte nickel[47]) est à marquer d’une pierre blanche.
Pourtant, la couleur du Caillou tourne actuellement au sombre sinon au noir. Les propos des deux camps font peur, car il s’agit maintenant de la guerre, pour le moment la guerre des mots, mais la rue étant aussi en marche, la politique pourrait trouver (à Dieu ne plaise, mais selon von Clausewitz) d’autres moyens. Les loyalistes radicaux se lâchent de plus en plus[48], boycottant toujours les institutions ou se déclarant dans l’opposition ouverte, et lancent un appel à la mobilisation pour le jeudi 28 mars devant le Congrès pour protester contre une « politique de la terre brûlée. […] Nous ne laisserons plus notre pays crever entre les mains de ces pyromanes ». L’article LNC résume la situation : « Un "acte I" donc jeudi prochain, quitte à mettre le feu aux poudres au vu des tensions qui secouent de plus en plus le Caillou ». Les indépendantistes, plus mesurés, répondaient néanmoins : le bureau politique du FLNKS envisageait une éventuelle mobilisation afin de « rétablir la liberté de circulation » pour mettre fin aux blocages[49]. Parallèlement à cet éventuel appel, la fameuse CCAT organisera jeudi 28, au départ du Mwâ Kââ, une manifestation contre la réforme constitutionnelle ; les deux manifs finiront bien un jour par se rencontrer. Le FLNKS s’étonnait enfin de l’absence de réaction des autorités pour lever les blocages des dépôts pétroliers, autorités « pourtant promptes, précisait-il, à mobiliser les forces de l’ordre lorsque les indépendantistes manifestent… ». Et une contre-manifestation avait en effet commencé[50].
Les événements, pourtant bien partis, semblent s’arrêter ce mercredi 27 mars, brusquement : le gouvernement et le Congrès ont lâché ce que demandait les manifestants et les loyalistes radicaux[51]. Les loyalistes radicaux et la rue ont donc gagné (provisoirement ?[52]). La mobilisation lancée depuis près d’une semaine contre le projet de « taxe carburant », est ainsi levée ; les stations-service sont peu à peu réapprovisionnées, les accès aux dépôts étant libérés. Cependant, les loyalistes radicaux continuent d’appeler à une manif devant le Congrès pour jeudi matin[53].
Après les erreurs politiques de l’État, incarné par Macron, qui a cessé d’être neutre au moins depuis la farce du troisième référendum de décembre 2021, après les surenchères des loyalistes radicaux de la Calédonie française qui n’ont pas cessé de jeter de l’huile sur le feu, se voyant câliné par le casque colonial porté par notre Président, après la remarquable désunion des deux principales composantes des indépendantistes (UC et Palika) qui n’ont pas arrangé la quasi-absence de dialogue et surtout de trilogue, le diagnostic pessimiste de Barbançon (que je partage depuis 2022 et surtout depuis le milieu et la fin de 2023) est une évidence. Sauf que (je sais, pour Barbançon, c’est nouveau, pour d’autres, on radote) si ce que proposait Edgard Pisani en 1985 (il va y avoir 40 ans !) avait été adopté… Souvent l’histoire bégaie, et la tragédie ne se reproduit pas toujours en farce ; mais le bégaiement, ça se soigne. « Il est encore temps, comme le répète Barbançon, de prendre un autre chemin que celui de Bernard Pons ».
En guise de conclusion de cette conclusion, on propose au lecteur d’écouter sur France culture une demi-heure d’émission sur cette actualité calédonienne, avec un anthropologue métropolitain chercheur au CNRS et indépendantiste, Benoît Trépied[54]. Malgré quelques approximations, c’est l’une des meilleures analyses récentes à la radio[55] ; en conclusion, Trépied suggère (comme Barbançon) le parallèle entre 1984, 1987 et aujourd’hui, met en avant la non-légitimité du referendum de fin 2021 et déclare enfin que la seule solution à la dangereuse impasse actuelle est l’indépendance-association. Voilà un bel aboutissement de nos deux derniers billets.
Et profitons-en pour regretter le silence assourdissant de beaucoup de médias se prétendant de gauche pour expliquer l’actualité de ce Caillou ; ils attendent sans doute que le sombre puis le noir soient relevées de taches rouges... Et en particulier de la gauche même radicale : j’attends toujours, par exemple, les interventions de François Ruffin…
Additif-postface du 28 mars.
Terminons plutôt par les images des deux manifs du jeudi 28 mars 2024 à Nouméa : entre 3 000 et 5 000 manifestants pour chacune des manifs des loyalistes radicaux et des indépendantistes (qui, heureusement, ne sont pas rencontrées, grâce à 450 policiers et gendarmes...). À Paris, cela ferait entre 750 000 et 1 200 000 manifestants pour chaque manif (avec la présence de plus de 100 000 forces de l’ordre). On fait fort, sur le Caillou ! À suivre...
Voir (Calédonie la 1ère) pour la manif des loyalistes radicaux ; avec des vidéos et des discours :
Pour la manif des indépendantistes (également Calédonie la 1ère) ; avec seulement des photos :
On peut également voir l’actualité du jeudi 28 mars vue par le JT de 19 H30 de Calédonie la 1ère :
Et vue par le JT de Caledonia du même jour, cependant en langue Paicî (mais sous-titré en français) :
Le JT - Information et replay du journal télévisé | CALEDONIA
Additif-post-postface du 06 avril
Le Sénat français a voté pour le dégel du corps électoral calédonien, mais avec l’amendement consistant à repousser la date d’un éventuel accord entre toutes les parties 10 jours avant la date prévue des élections provinciales sur le Caillou. Darmanin qui demandait une seconde lecture pour éviter cet amendement en fut pour ses frais (pas de seconde lecture) ; Calédonie ensemble se réjouit de cet amendement qui allonge le temps pour trouver un accord ; les loyalistes le regrettent ; les indépendantistes continuent à être vent debout contre le projet de loi ; ils appellent à une manif le 13 avril (le même jour qu’une autre annoncée par les loyalistes radicaux) et parlent d’un boycott des élections provinciales de fin 2024 si le projet était définitivement adopté par le Congrès de la République.
Rappelons que, parallèlement (voir le billet précédent) la signature du Pacte nickel n’a pas eu lieu le 3 avril et que, pour tous ses détracteurs, tout est à recommencer. Au grand dam de Mapou qui était pour la signature ; Calédonie ensemble pense qu’il est (avec Gilbert Tuyiénon) tombé dans le syndrome de Stockholm, pris en otage par les loyalistes radicaux ; voir la page Facebook de Calédonie ensemble autour du 4 avril 2024 (avec bien d'autres choses) :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/
On attend la réaction de Le Maire (qui exigeait la signature « tel quel ») et, plus généralement, celle du gouvernement français... Rappelons que les détracteurs de ce pacte nickel sont nombreux : une alliance de tous les indépendantistes unis avec Calédonie ensemble et l’Éveil océanien, une rareté qui se profilait néanmoins depuis des mois. Le plus important, politiquement, est que cette alliance touche au cœur la stratégie de l’État qui était à notre avis de faire plier d’abord les indépendantistes en offrant plein de sous contre le détricotage de la doctrine nickel faite loi de Pays ; en effet, cette nouvelle alliance explicitée affirme maintenant que ce pacte « … doit être pleinement intégré à l’accord politique global » convenant l’avenir institutionnel du Pays.
Cet accord sur le refus du Pacte nickel en l’état ira-t-il plus loin, jusqu’à un accord sur l’avenir institutionnel avec une Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante mais en partenariat avec la France, à la Barbançon ?
On termine par le texte de Milakulo Tukumuli de L’ÉO qui va au-delà du printemps ou de l’automne chaud et qui a apprécié Barbançon : L’hiver vient dont on donne ici en facsimilé le début et la conclusion :

Voir tout le texte sur Facebook :
https://www.facebook.com/photo/?fbid=429251416296224&set=pcb.429251466296219
Notes
[1] Voir des extraits filmés de la séance :
https://www.facebook.com/watch/?v=1064544741272583
Metzdorf, très énervé, aurait pu en venir aux mains avec Castor :
On peut, grâce à ce lien, voir l’archive écrite correspondante de l’Assemblée nationale ainsi que toute la séance en vidéo (plus de 4 h…).
Le projet de loi a été adopté à l'Assemblée nationale ; la majorité absolue, mais dans un hémicycle clairsemé d’un peu plus de 100 députés : 70 % environ de Oui (dont le PS) et 30% de Non (dont le reste de feu la NUPES).
[2] Voir le court papier de Wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Peau_noire,_masques_blancs
Le livre commence par une citation d’Aimé Césaire, dans Discours sur le colonialisme, justement : « Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme ». La thèse de Fanon, écrit Wikipédia « est que la colonisation a créé une névrose collective dont il faut se débarrasser », névrose qui atteint probablement aussi le Blanc colonisateur. Qu’il y a des rapports entre le colonialisme et le racisme est une évidence.
[3] Sous-titré Regards sur la Nouvelle-Calédonie, initialement paru à compte d’auteur en 1992 et qui a été réédité en 2019 (Ed Humanis, Collection Archipels). Cet auteur fut ensuite peu loquace jusqu’à L’archipel des forçats, sous-titré Histoire du bagne de Nouvelle-Calédonie (1863-1931), de 2003, aux Presses Universitaires Du Septen-Trion, Collection Histoire Et Civilisations ; mais depuis, il publie et intervient beaucoup.
[4] On la trouve sur la page Facebook de Mathias Chauchat : une véritable mine d’infos indépendantistes, on vous dit ! On ne sait pas où et quand est écrite cette contribution de Barbançon, mais elle est d’évidence très récente. NB : on trouve maintenant (depuis le 23 mars) ce texte lisible et surtout reproductible, en Word, sur la Toile, sur le site de l’Association Présence Kanak – Maxhaà : voir :
https://presencekanak.com/2024/03/23/1984-2024-il-est-encore-temps/
[5] Voir le feuilleton sur Le Club de Médiapart (Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante !) en particulier les Saisons 1 et 2 où il est présenté ; pour la Saison 2 :
J’ai proposé cette notion de nationalisme calédonien après lecture d’un document de travail de novembre 2011 de l’ethnologue français, Benoît Carteron La citoyenneté calédonienne, entre nationalismes et affirmation pluriculturelle :
https://shs.hal.science/halshs-01081498/document
Carteron n’emploie pas cette expression (et Barbançon refuse ce qualificatif, se définissant seulement comme Calédonien ou Océanien d’origine européenne) : Carteron ne parle que de citoyenneté mais cette expression est chez lui implicite quand il écrit : « Ne contribue-t-elle pas [cette citoyenneté] à affaiblir le débat autour de l’indépendance en constituant une subtilité juridique et un de ces procédés de langage qui nient la domination française ? Fournirait-elle au contraire un nouveau cadre pour penser les rapports entre les groupes et la construction d’un avenir commun en sortant de l’affrontement entre blocs favorables ou opposés à la souveraineté nationale ». Ce nationalisme s’est souvent présenté comme une alternative à l’indépendantisme kanak où à la contestation sociale radicale avant cet indépendantisme déclaré ; Barbançon n’est pas le seul (c’est une véritable fixette de notre feuilleton Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante !) car on y analyse également d’autres avatars dont le principal est donc sans doute, et depuis longtemps, le parti Calédonie ensemble de Philippe Gomès.
[6] Aïfa, surnommé le Calife car c’est un Caledoun (un descendant des Kabyles déportés après l’insurrection des Mokrani en Algérie en 1871, tentant de profiter de la défaire française face à l’Allemagne) qui fut le principal dirigent de la FNSC (Fédération pour une nouvelle société calédonienne) ; il a ainsi choisi en 1982 l’alliance avec les indépendantistes de Tjibaou. Tout est dans « pour une nouvelle société calédonienne ».
Voir aussi, par Isabelle Leblic (ethnologue et anthropologue qui a beaucoup œuvré pour l’indépendance de la Kanaky) le Compte rendu de Il y a vingt-cinq ans : le gouvernement Tjibaou (18 juin 1982-18 novembre 1984), par Louis-José Barbançon : l’écrit de Barbançon date de 2008, le compte rendu de 2018 :
https://journals.openedition.org/jso/9687
[7] Avec, en sous-titre Conversations calédoniennes avec Walles Kotra, l’un de ses amis kanak.
[8] Voir l’article du 17 avril 2023, Sans histoire commune, on ne peut pas fonder un pays ensemble, où il évoque la « difficile tâche de la construction de l’identité calédonienne » :
On peut entendre et voir son interview au JT de 19 h 30 du 16 avril sur Calédonie la 1ère :
[9] Et répondant sans fard à mes questions, pourtant directes, du genre : « Que pensez-vous du nationalisme calédonien, de ce certain centrisme dont, avec Jean-Pierre Taib Aïfa, vous vous êtes toujours revendiqué, notamment lors du premier gouvernent Tjibaou en 1982, alors que vous aviez failli vous allier à la droite du RPCR de Jacques Lafleur… etc. ». Il ne rebondit pas sur la notion de nationalisme calédonien, ne nia pas leur centrisme mais affirma « Nous n’étions pas au centre, mais en avant ». À ma question précise sur son avis quant à l’indépendance-association, qu’il appellerait éventuellement publiquement comme solution en duo avec Philippe Gomès de Calédonie ensemble, il éluda, apparemment bien gêné.
[10] L’un de ses amis divulgua alors une rumeur sur les réseaux sociaux selon laquelle Barbançon aurait dit à Macron que son discours était dangereux pour la paix civile : « Il ne manque plus à votre discours que le port du casque colonial ! ». Barbançon ne l’a pas contredit…
[11] Je me la pose depuis des mois sinon des années, avec cependant réticences et presque honte, dans tous mes billets ; avec la même réponse que Barbançon. Il n’est pas le seul à évoquer explicitement ce danger (le parti Calédonie ensemble avait commencé à le faire il y a peu et annonçait d’importantes prises de positions ; on a dû les zapper, hormis ses positions de plus en plus claires contre le Pacte nickel) par l’impasse sinon le mur du dialogue difficile entre les indépendantistes et les loyalistes radicaux, soutenus par l’État français qui tempère cependant les âneries provocatrices de ces derniers. Cette impasse est le résultat du troisième référendum du 12 décembre 2021 : certes (paraît-il) juridiquement dans les clous mais politiquement illégitime ; et Barbançon le montre. On ne recommence pas ici la démonstration déjà faite dans tous nos billets…
[12] Marx disait, en citant Hegel (on l’a souvent répété dans nos billets) que souvent l’histoire bégaie, ajoutant à Hegel, la première fois comme une tragédie, la seconde comme une farce. Balbutier est moins précis que bégayer…
[13] Le fameux Chez nous qu’adore Barbançon.
[14] Il se contente de mentionner : « Sur le plan conjoncturel, la crise du nickel qui affecte les trois usines risque de venir doubler la crise politique et en accentuer les effets ». Il n’a probablement pas compris que la stratégie nickel de l’État français n’était, sous couvert de politique économique, en voulant détricoter la doctrine nickel (devenue cependant loi de pays) des indépendantistes et de Calédonie ensemble, qu’une tentative de faire plier les indépendantistes par un préalable nickel à l’envers, tentative de revanche, répétons-le (voir nos billets sur cette question) du préalable nickel des accords de Bercy de 1998 arraché par les indépendantistes et accepté par les loyalistes et l’État.
[15] « Il ne faut pas en douter, le prochain soulèvement, s’il doit avoir lieu, sera générationnel. Une génération entière, lasse d’attendre, est prête à se lever. Parmi elle, de nouveaux leaders surgiront, ils seront issus de la lutte. Ce sera une différence notable dans le sens où les leaders indépendantistes actuels sont ceux qui ont su signer la paix et qui ont su gérer la paix. Les fins de non-recevoir à leurs revendications exprimées par le gouvernement français, si elles sont maintenues, ne feront que renforcer l’idée d’une inanité de la méthode pacifique. Crier à la menace et au chantage est inutile, il faut être lucide ! L’histoire nous l’a montré : quand on ne veut pas de Ferhat Abbas on hérite de Boumédiène. Le passage en force de l’ouverture du corps électoral ainsi qu’une nouvelle répartition des sièges au Congrès aura comme conséquence majeure de désespérer la jeunesse kanak. Dans un scénario catastrophe, l’État garant de la paix civile et responsable de la sécurité des biens et des personnes fera ce que l’État doit faire : il enverra plus de gendarmes et plus de troupes pour rétablir l’ordre républicain et engager une politique de “pacification” passant par la répression. Les arguments sont là : l’État ne fait que se conformer aux résultats des référendums qu’il a lui-même organisés - même si les Kanak pourtant les primo-concernés n’ont pas participé au dernier -, il n’existe qu’un seul peuple, le peuple français, la Nouvelle Calédonie est une terre française, le sol sacré de la patrie dans le Pacifique, la KanakyNouvelle-Calédonie n’a aucune existence légale et ne saurait exister, la Nouvelle-Calédonie est une affaire intérieure de la France et à ce titre toute protestation extérieure ne pourrait relever que de l’ingérence. À quelques mots près, la reproduction du discours de Vladimir Poutine à propos de l’Ukraine sauf que le Président de la République française ne peut pas être Poutine et la France ne peut pas être la Russie. La question qui prévaut est donc la suivante : est-il encore temps d’éviter la catastrophe ? Pas simple mais pas impossible ».
[16] Il continue : « Le rapprochement est en marche. Comment pourrait-il en être autrement ? Les leaders loyalistes passent leur temps à dénigrer au Congrès comme dans tous les médias à la fois Paul Néaoutyine président de la Province nord et Louis Mapou président du gouvernement, tous deux Palika alors que, seul le Palika parle avec eux. Il n’y a qu’en Nouvelle-Calédonie que l’on peut voir ce comportement révélateur de l’état d’esprit d’une certaine caste qui ne représente pas tous les Calédoniens. Pour le moment, l’État ne cède rien aux négociateurs du Palika qui sont, ils ne cessent de le répéter, en mission d’exploration, mandatés par le FLNKS. Quelle avancée pourront-ils rapporter devant le congrès du FLNKS ? Ils ont pourtant beaucoup insisté sur leur revendication principale : faire en sorte que le processus d’accession à la pleine souveraineté puisse être déclenché par une majorité du Congrès. Quelle est la réponse des Loyalistes ? Revoir la répartition des sièges pour rendre impossible cette majorité ! Dans ces conditions, il y a fort à parier que le Palika et l’UC se retrouveront sur un document commun ».
[17] Et il pousse le bouchon très loin, reprenant les arguments des indépendantistes : « Tant que perdurera en Nouvelle-Calédonie la présence d’un peuple kanak à côté d’un peuple français, nous serons de facto dans une situation coloniale. Les accords de Matignon puis de Nouméa ont ouvert la voie d’un peuple calédonien dans la case kanak. Il faut laisser le temps et la possibilité aux communautés constituant ce pays de créer un “nous” avec le peuple kanak. Nous en sommes à la fois proches et très éloignés mais une certitude devrait s’imposer à tous : l’ouverture d’un corps électoral glissant ne pourrait que constituer un obstacle supplémentaire à l’émergence d’un peuple calédonien ».
[18] Voir mes nombreux billets en ce sens.
[19] Voir l’article des Nouvelles calédoniennes (LNC) du 20 mars :
La fin du gouvernement collégial a-t-elle sonné ? | Les Nouvelles Calédoniennes (lnc.nc)
Les décisions du gouvernement sont censées être collégiales, c’est-à-dire prises à l’unanimité ; c’est le principe (qui évite les clashs mais souvent paralyse l’action). En fait, elles sont souvent prises à une large majorité : le clash des loyalistes radicaux est ainsi exceptionnel. Notons qu’ils n’ont pas démissionné, ce qui aurait fait (comme souvent) tomber le gouvernement.
[20] Augmentation des taxes sur les carburants par le projet de Taxe d’équilibre tarifaire (TET) pour sauver Enercal, la compagnie territoriale de l’énergie électrique, et hausse de la TGC, la TVA locale. On a montré de nombreuse fois que les prélèvements obligatoires (les « PO ») sont en Calédonie de 10 points de PIB inférieurs à ceux de la Métropole (en gros 35 % contre 45 %)…
[21] Selon un article du 21 mars Pacte nickel : sans habilitation du Congrès, le président du gouvernement calédonien ne signera pas ; voir :
Voir aussi, l’article plus récent de NC la 1ère du 27 mars :
L’article résume bien la situation : « Le pacte nickel sera finalement examiné en séance publique du congrès de la Nouvelle-Calédonie mercredi 3 avril. Le texte ne pourra donc pas être signé d’ici à la fin du mois contrairement au souhait du ministre de l’Economie Bruno Le Maire, conséquence de la division des élus calédoniens sur la question ». Et il enfonce le clou : « En réalité, les seuls qui sont favorables au pacte sont les élus du Rassemblement et du groupe Loyalistes. Ceux-là même qui ont claqué la porte du Congrès la semaine dernière ont toutefois confirmé qu’ils pourraient revenir – temporairement – dans l’hémicycle pour apporter leur voix au texte ».
[22] Voir l’article du même journal le 21 mars :
[23] On peut voir toute cette séance du 18 mars, avec la sortie des loyalistes radicaux après une intervention, semble-t-il non prévue par les autres élus, de Sonia Backès et de ses copines et copains, puis les réactions assez posées des autres élus. Voir :
https://www.youtube.com/watch?v=sH72R1J8YNc
Attention ! Quand on tombe sur cette vidéo, il y a une heure environ avant que ça démarre (il faut jouer du curseur !). Au bout de quelques minutes, Backès prend la parole, avec des mots d’une violence rare dont voici quelques extraits tirés de l’article du 21 mars 2024, Les élus Loyalistes et Rassemblement quittent la séance du Congrès, le projet de « taxe carburant » renvoyé) :
« Vous n’êtes plus légitime à la place où vous êtes parce que si les habitants de la province Sud pesaient le poids qu’ils devaient peser, vous ne seriez plus à la tête du gouvernement […] Vous n’êtes pas majoritaires, les Calédoniens en ont décidé autrement, trois fois. En plus, vous vous permettez de nous mépriser, au Congrès et au gouvernement, de vous comporter comme si vous étiez à la tête d’une dictature. […] Vous êtes en train de détruire la Nouvelle-Calédonie brique après brique. Vous asphyxiez les Calédoniens de taxes nouvelles, vous augmentez le prix de l’électricité, vous assassinez les entreprises. […] Ce Congrès ne représente plus le peuple calédonien donc aucune de vos taxes, aucune de vos mesures mortifères n’auraient dû passer, ni au Congrès ni au gouvernement ». Elle termine, avant de se lever et de sortir avec ses partisans : « Nous, Loyalistes et Rassemblement ne siégerons plus dans les institutions non-démocratiques. Nous serons désormais dehors pour les séances publiques, sur les marches du Congrès ». On a, à l’intérieur du Congrès, entendu ensuite de temps en temps, des coups de trompètes… 1 H 30, plus tard, on trouve l’intervention de Gomès sur la stratégie nickel (en gros une demi-heure) présentée dans le billet précédent. Il s’excuse d’avoir été long, Wamytan lui dit quelque chose comme, Oui, mais pour une fois c’était intéressant ; je plaisante, je plaisante : c’était très intéressant ! On sait encore se marrer au Congrès après le coup d’éclat de Backès !
[24] Sujet déjà abordé : avec les trois quarts de la population en Province Sud, les élus au Congrès ne comptent que pour 59 %. Sonia Backès venait, avec son scandaleux raisonnement, de supprimer sur le papier, en cas de non-application de cette discrimination positive, 7 élus indépendantistes (19 élus au lieu de 26) !
[25] D’autres interventions généralisent à toutes les réformes progressistes faisant payer les riches, par exemple celle de la Sécu du Caillou (du RUAAM de la CAFAT pour les connaisseurs) que tous les loyalistes (Calédonie ensemble compris dans ce cas) ont fait capoter.
[26] Voir l’article de Calédonie la 1ère du 25 mars 2024 : Démission, motion de censure : les Loyalistes et le Rassemblement ont des moyens de renverser le gouvernement mais...
[27] Lundi 25 mars, Mapou a rappelé les moyens constitutionnels de contester la légitimité du pouvoir. Si l’une des formations politiques du gouvernement décide de démissionner en bloc, sans laisser la possibilité de remplacer ceux qui siégeaient, le gouvernement est considéré comme démissionnaire ; c’est ce qui fut fait en février 2021 par les indépendantistes pour renverser le gouvernement Santa. Une autre solution est de déposer une motion de censure au Congrès, signée par au moins un cinquième des membres du Congrès, soit 11 élus ; les Loyalistes étant 12 et le Rassemblement 6 ; c’est possible.
[28] Voir, toujours LNC le même jour :
Et :
[29] Ce collectif est simplement une alliance de tout le patronat, regroupant la Chambre d’agriculture et de la pêche, le Médef, la Chambre de commerce et d’industrie, la Chambre de métiers et de l’artisanat, la CPME, l’U2P-NC et le Syndicat des rouleurs et du BTP.
[30] Voir, pour ces deux manifs :
[31] Voir :
Et :
[32] Voir l’article du journal Le Monde du 23 mars, En Nouvelle-Calédonie, un détricotage des principes qui assuraient la paix civile, sous-titré Un éventuel changement de la composition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie ne peut se faire sans un accord substantiel avec toutes les parties concernées, prévient l’ancien conseiller de Michel Rocard pour l’outre-mer :
[33] Merle rappelle : « En février 2007, ce corps électoral restreint avait été gelé – "cristallisé », selon l’expression du rapporteur UMP de l’époque – par une révision constitutionnelle décidée par Jacques Chirac. Pourquoi le président de la République, qui était dans les derniers mois de son second mandat, a-t-il voulu faire adopter ce texte, alors que rien ne l’y contraignait et que ses partisans locaux y étaient opposés ? Pour se faire pardonner Ouvéa [en 1988, alors premier ministre, Jacques Chirac avait ordonné l’assaut contre la grotte d’Ouvéa où des indépendantistes kanak avaient pris en otage une vingtaine de gendarmes] et achever son quinquennat "du bon côté de l’histoire" ? Ce n’est pas impossible. Pour que la France puisse enfin compter, après tant d’échecs, une décolonisation réussie à son actif ? Cela se peut aussi. Si les motivations profondes de cette décision conservent leur part de mystère, comment ne pas inviter députés et sénateurs à y réfléchir attentivement, au moment où ils vont être invités à modifier cette disposition ? Une partie des indépendantistes, entretenue dans l’illusion que le statu quo est possible et lui serait profitable, rejoint la droite radicalisée dans le refus des compromis nécessaires à un accord. Les deux tablent sur le couperet brandi par le gouvernement : soit un accord avant le 1er juillet, soit la rupture unilatérale du contrat de 2007. Jouer sur la contrainte du calendrier est une très mauvaise politique. Le gouvernement n’a-t-il donc rien appris du troisième référendum prévu par l’accord de Nouméa, maintenu contre vents et marées au 12 décembre 2021, boycotté par les Kanak et qui, de ce fait, n’a rien réglé politiquement ? S’il devait persister dans une révision constitutionnelle sans un accord substantiel sur la suite de l’accord de Nouméa, cela renforcerait les Kanak dans la crainte que le gouvernement et les non-indépendantistes veuillent faire "le pays sans nous" , selon l’expression popularisée par l’historien calédonien Louis-José Barbançon. On entrerait alors dans une spirale dangereuse, qui ne peut conduire qu’à l’échec ».
[34] Voir :
[35] J’ai oublié de mentionner que Barbançon, dans son dernier écrit, notait : « Le dernier grand homme politique français qui, par son implication personnelle dans la préparation du premier référendum, a forcé le respect des indépendantistes est Édouard Philippe. Depuis, qui ? »
[36] Voir :
[37] Oui, vous avez compris, comme l’extraterrestre Superman très différent de son avatar humain, car Philippe a bien changé de look, et ça a l’air de l’arranger ; ses grosses lunettes à la monture de couleur noire peuvent rappeler Spiderman, avec plus un poil sur le visage et le crâne : faire le coup d’essai sur le Caillou avant de le tenter en 2027, c’est malin, non ? On sait que la mode des Superhéros correspond parfaitement aux crises (naissance à la fin des années trente aux États-Unis, Guerre froide puis résurgence en 2008-2009). Édouard Philippe a donc toutes ses chances, là-bas et ici…
Faute de Superman et sans rêver, j’ai posé la question à ChatGPT : « La Kanaky sera-t-elle indépendante ? ». La réponse (immédiate) est la suivante : « Il est impossible de prédire l'avenir et de dire avec certitude si la Kanaky (Nouvelle-Calédonie) deviendra indépendante à l’avenir. Cela dépendra des discussions et négociations entre les différentes parties concernées, notamment les autorités locales et le gouvernement français. La question de l’indépendance de la Kanaky est complexe et sensible, et il est important de respecter les opinions et aspirations des habitants de la région ». Il ne reste donc plus que Super Édouard…
[38] Voir l’article, avec les vidéos :
[39] Pour lui, « l’urgence de trouver un accord est bien réelle, notamment à cause de la situation économique […] l’essentiel pour l’État est de mettre les partis indépendantistes et non-indépendantistes dans leur diversité en position de signer et de convenir d’un accord. Je pense que c’est possible ». Il tempère cependant et défend ainsi la position du gouvernement et de Darmanin : « Il faut laisser du temps, se parler, comprendre, mais c’est difficile d’en laisser trop. Souvent en Nouvelle-Calédonie, parce qu’on avait du temps, on a discuté au dernier moment ».
Le Sénat vient d’ailleurs d’amender le projet de loi du gouvernement en insistant sur le préalable indispensable à trouver un accord, ce qui réjouit les indépendantistes et Calédonie ensemble mais pas Sonia Backès… Voir :
[40] « Ce n’est pas à moi de dire s’il faut signer ou pas le pacte nickel mais il est essentiel pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, de la France. Je vois bien que les difficultés sont de plus en plus grandes pour les usines de nickel et cela fait courir un risque évident pour le pays ». D’un autre côté, il tempère encore : il n’y a pas que « le nickel pour l’avenir économique de la Nouvelle-Calédonie, il y a aussi le tourisme, l’agriculture... » ; mais il ne cite ni le Rapport de l’IGF de 2023 ni Christel Bories…
[41] Voir, sur France 24 du 23 mars :
Et sur Calédonie la 1ère de la même date :
Ainsi que :
Avec surtout l’intervention de la Française indépendantiste Isabelle Merle qui indique, au début de ce Congrès, que les lignes de l’UC (qui est résolument contre le dégel du corps électoral) et du Palika (qui était prêt à en discuter) pourraient se rapprocher.
[42] Voir encore le précédent billet…
[43] Voir, avec l’invité Pascal Sawa, maire de Houaïlou et probable jeune étoile montante du FLNKS :
[44] Voir le billet précédent.
[45] Le pacte sur le nickel calédonien ne sera pas présenté au Congrès jeudi - Nouvelle-Calédonie la 1ère (francetvinfo.fr)
[46] Le FLNKS exige le "retrait définitif" du projet de réforme constitutionnelle | Les Nouvelles Calédoniennes (lnc.nc)
[47] Voir encore le billet précédent.
[48] Voir LNC du 26 mars :
C’est à qui, chez leurs leaders, aura les mots les plus durs : « Depuis que les indépendantistes sont majoritaires, l’heure est à la vengeance ». (Philippe Blaise) ; « Nous avons affaire à des gens doctrinaires, méprisants et racistes. […] Brique par brique, cette pseudo-majorité indépendantiste fait tout pour que les gens partent. […] On ne peut plus accepter n’importe quoi parce qu’il y a une menace. En face, l’unique réponse, c’est l’indépendance et nous sommes en train d’avoir des institutions qui deviennent ethniques ». (Sonia Backès). On sent des effluves peu discrètes, plutôt des pestilences de racisme, jouant bien sûr le racisme à l’envers avec sa violence, du genre les Kanak n’aiment pas les blancs, ils veulent nous virer, une sorte de « grand remplacement » ; quand nous diront-ils « La valise ou le cercueil ! ». Revoir Fanon…
[49] LNC, également le 26 mars :
Il rappelle (ce que tout le monde sait depuis les manifs contre la réforme du RUAAM de mars 2023) : « Avec cette nouvelle revendication, le masque est tombé sur la nature du collectif Agissons solidaires […] l’instrument des Loyalistes et du Rassemblement qui cherchent à déstabiliser nos institutions et le pays en espérant récupérer le pouvoir par la force ». Le Front rajoute : « Il est lamentable qu’Agissons solidaires dégradent les conditions de vie des Calédoniens et entretiennent une désinformation en faisant croire que les réformes sont évitables et que l’on pourrait combler les déficits par magie ».
[50] Voir NC la 1ère du 27 mars 2024 :
L’article note : « "Depuis plusieurs jours, le pays manque de carburant et il ne se passe absolument rien. Si ça avait été l’USTKE, l’État aurait vite envoyé les forces de l’ordre pour dégager [l’accès aux dépôts de] carburant », lance Marie-Pierre Goyetche, membre de la CCAT et porte-parole du Parti travailliste, au rond-point de Montravel. En cause : "dénoncer la partialité de l'État" dans la réponse aux entraves à la circulation ». La CCAT déclare que le mouvement pourrait se durcir si le syndicat des rouleurs et du BTP ne libère pas les dépôts de carburant.
[51] Voir NC, la 1ère encore du 27 mars :
Le Congrès du Caillou a annoncé le retrait du projet de délibération portant fixation des taux de la taxe pour l’équilibre tarifaire et du projet de délibération portant création d’un fonds pour l’équilibre du système électrique ; « Désormais, ces projets ne font plus partie des textes en instance sur le bureau du congrès de la Nouvelle-Calédonie ».
[52] L’article de NC la 1ère indique les différentes réactions : « Pour Pierre Channel Tutugoro, le chef de groupe UC au Congrès "le retrait total (de la taxe carburant) n’est pas envisageable. […] La situation actuelle nous oblige à passer par là. Il y a matière à rediscuter, à retravailler et peut-être s’entendre sur des amendements possibles". L’élu Calédonie ensemble, Philippe Michel n’est pas surpris du retrait de la taxe : "C’était prévisible", dit le porte-parole de Calédonie ensemble au Congrès. "L'équilibre du système électrique et des comptes d’Enercal ne peut pas peser que sur les automobilistes. On demande depuis le début qu'il y ait un plan d’ensemble pour que la charge soit acceptable et équitable pour tout le monde". Sonia Backès, la présidente de la province Sud a réagi au retrait de la taxe carburant : "C'est une première bonne nouvelle ce retrait de texte même si on ne sait pas comment il se réinscrit, comment seront compensées les pertes d’Enercal. On imagine que quelque chose va revenir mais on n’en sait rien. Ça n’empêche pas qu’une grosse mobilisation est prévue demain car plein d’autres choses sont à faire passer". Christophe Ramadi, président du syndicat des rouleurs et du BTP : "Nous serons très attentifs à tout ce qui peut toucher le portefeuille des calédoniens. Tout le monde a vu qu’on était capable d’être tous ensemble, solidaires. On voulait sortir au plus vite de ce conflit, nous on fait pas de combat politique. On voulait absolument que ces accords soient signés au plus tôt". ». Ramadi oublie que tous les Calédoniens n’ont pas la même épaisseur de portefeuille...
[53] Voir l’article de NC la 1ère du 27 mars au sujet de la conférence de presse du 26, où les mêmes thèmes étaient renouvelés :
[54] On peut le connaitre un peu mieux ici :
http://iris.ehess.fr/index.php?2067
[55] Entendre à :