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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 31 octobre 2025

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"Dégel or not dégel" puis "Bougival or not Bougival" dans la Constitution française ?

Les Anglais n’ont pas de constitution, les Français si ; d’où notre référence peu discrète à Shakespeare... Il faut ainsi un projet de loi constitutionnelle pour finaliser la transcription juridique de l’accord de Bougival. Le "premier pas" nécessaire, c’est fait, avec le report des provinciales ; et il était bien "nécessaire" à cet éventuel "second pas", pas gagné cependant…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Encore un feuilleton qui commence ce jour et qui se terminera un jour, mais quand ? Ce troisième feuilleton concernant l’avenir de l’accord de Bougival est toujours écrit au jour le jour et progressivement publié avec des ajouts, dans les mêmes conditions donc que les deux autres.

Saison 1 – Fin de la semaine se terminant le samedi 1er novembre

Un article de Public Sénat du 30 octobre nous servira de premiers mots (d’incipit[1] pour faire plus classe…) : « Après un accord en commission mixte paritaire lundi, l’Assemblée nationale et le Sénat ont définitivement adopté la proposition de loi reportant les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. Un projet de loi constitutionnelle doit encore finaliser la transcription juridique de l’accord de Bougival conclu en juillet dernier ».

https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/nouvelle-caledonie-le-parlement-vote-definitivement-le-report-des-elections-provinciales

Tout est déjà dit dans cet article, mais seulement implicitement ; cependant, pas un mot explicite liant la question du dégel ou non du corps électoral, d’un côté, aux élections provinciales de l’autre. Cependant, c’est discrètement évoqué un peu plus loin : « Derrière le décalage des élections, la question du gel du corps électoral ». Un esprit chagrin pourrait traduire « derrière », non pas par « après » mais par « caché derrière », mais je n’ai pas l’esprit chagrin. Cependant, si on lit bien…

« Le calendrier figurant dans l’accord de Bougival signé le 12 juillet entre l’État et les délégations indépendantistes et non-indépendantistes calédoniennes est donc définitivement validé par le Parlement. […] La mise en œuvre de cet accord doit se poursuivre par l’adoption d’un projet de loi constitutionnelle, déposé en Conseil des ministres début octobre, mais toujours pas inscrit à l’ordre du jour du Parlement. […] Actuellement seules les personnes inscrites sur les listes électorales avant la date de l’accord de Nouméa de 1998 peuvent voter aux élections provinciales. Le gel du corps électoral depuis des années a pour conséquence d’évincer de ces élections près d’un électeur sur cinq, ce qui ferait peser un risque d’inconstitutionnalité sur le prochain scrutin. Ce gel avait pour but d’éviter la mise en place d’une colonie de peuplement. Raison pour laquelle les indépendantistes craignent que cette réforme n’entraîne une marginalisation des Kanaks, peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie, dans la répartition des sièges dans les provinces, cruciales pour la vie politique locale ».

Le risque d’inconstitutionnalité n’existe que si laccord de Bougival est ratifié : actuellement, c’est encore laccord de Nouméa qui prime ; le Conseil d’État a été très clair.

On remarquera, en outre, comment est amenée et astucieusement éludée, la « confusion actuelle » du gouvernement avec le « … mais toujours pas inscrit à l’ordre du jour du Parlement » ; cf. l’un des billets précédents : « En inscrivant le projet de loi constitutionnelle à l’agenda du Parlement dès le mois de janvier mardi matin, avant de se raviser quelques heures plus tard, le gouvernement a lui-même suscité une certaine confusion ».

Cet article de Public Sénat est un résumé objectif de la situation ; mais il ne va pas plus loin… Il nous propose cependant « Pour aller plus loin » un tas d’articles (de Public Sénat) sur la Nouvelle-Calédonie qui peut être utile au lecteur.

Tout est en revanche dit dans le titre et le sous-titre de ce billet ; précisons en insistant : pour certains (les loyalistes radicaux et l’État) le report des provinciales n’a d’intérêt que si le corps électoral des élections provinciales est au moins partiellement dégelé ; ce qui rend donc en effet « nécessaire » la ratification constitutionnelle de l’accord de Bougival. Si cette dernière tombe à l’eau, pas de dégel et on aura reculé pour mieux sauter ; autrement dit, le report des provinciales n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau !

Ce 31 octobre 2025 on fête Halloween sur le Caillou ; de son côté, le FLNKS appelait à la mobilisation (de 8 heures à 14 heures, devant le Haut-commissariat, à Nouméa) contre le report des provinciales (article de LNC de la veille)[2].

https://www.lnc.nc/article/grand-noumea/noumea/politique/le-flnks-appelle-a-la-mobilisation-ce-vendredi-31-octobre-contre-le-report-des-provinciales

Cette manifestation a été autorisée, contrairement à la précédente du lundi 27 octobre, « alors que la loi organique prévoyant le report des provinciales devait passer en commission mixte paritaire à Paris. Une initiative interdite par le haut-commissariat en raison du non-respect du délai de trois jours légaux entre la déclaration et la date de manifestation prévue, ce qui "ne permettait pas de prendre les mesures permettant de sécuriser les manifestants". Visiblement, le délai a, cette fois-ci, était respecté ».

Pas un mot de cette manifestation aux JT de la veille, ni sur NC 1ère, ni sur Caledonia… En revanche, Médiapart (dépêche de l’AFP) dans son article du 29 octobre au soir, annonçait la manif :

https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/291025/nouvelle-caledonie-le-parlement-acte-le-report-des-elections-avant-de-rouvrir-le-sensible-dossier

Et notre média préféré indiquait que « la loi sur le report des élections pourrait donc être une première étape vers l’adoption d’une autre loi, constitutionnelle cette fois-ci, qui permettrait de transcrire l’accord de Bougival. […] Une manifestation du FLNKS est d’ailleurs prévue vendredi à Nouméa face au haut-commissariat, en plein centre-ville, pour marquer son opposition au report des élections. Pour les opposants à la réforme institutionnelle, le report des élections est le signe que le gouvernement souhaite avancer au pas de course sur la réforme constitutionnelle ».

« Nombreux sont les parlementaires qui craignent un "passage en force " gouvernemental, susceptible d’entraîner un nouvel épisode de violences sur l’archipel comme au printemps 2024, qui ont causé la mort de 14 personnes ».

La mobilisation du FLNKS est contée le jour même ; par LNC d’abord et NC 1ère ensuite.

LNC indique, dans son titre, « Nos élus sont périmés ».

https://www.lnc.nc/article/grand-noumea/noumea/politique/nos-elus-sont-perimes-le-flnks-mobilise-contre-le-report-des-provinciales

« Si les participants sont clairsemés, les banderoles, elles, sont limpides : "Non à Bougival, oui à l’accord de Kanaky", ou encore un "Merde à Bougival, projet colonial". La musique est entrecoupée par la prise de parole des uns et des autres. […] "Ce report, c’est garder des élus qui seront autour de la table pour les prochaines discussions et qui sont illégitimes", explique Henri Juni, membre du bureau politique du FLNKS et de la Cellule de Coordination des actions de terrain (CCAT) ».

« Vers 9h30, une délégation arrive de la province Nord. Après la coutume, les manifestants prennent place le long de l’avenue Paul-Doumer. Dimitri, drapeau posé sur l’épaule, est descendu de Poindimié pour participer à la mobilisation. "L’État nous arrache notre dignité. Il réduit le peuple Kanak à une communauté. C’est donc important d’être là pour ne pas se faire marcher dessus", estime le manifestant. […] Au micro, Hervé Téin-Taouva, élu Union calédonienne à la province Nord et commissaire politique UC, harangue la foule : "Seul le peuple Kanak peut défendre sa destinée. Il faut dire à la ministre (Naïma Moutchou, ministre des Outre-mer NDLR) que là-bas, chez elle, personne ne lui dit ce qu’elle doit manger, comment elle doit s’habiller" ».

« Des mobilisations qui vont "s’intensifier". Une délégation doit être reçue par le haussariat dans la matinée. En attendant, Henri Juni le dit haut et fort dans le micro : "l’accord de Bougival est mort, il est grillé ! Dans les prochaines semaines, nous continuerons à nous mobiliser, et nous allons intensifier nos mobilisations" ».

On passe donc aujourd’hui au FLNKS, et explicitement, de la mobilisation prioritaire contre le report des provinciales à celle contre l’accord de Bougival, il est vrai vieille revendication du Front depuis son refus après la signature du « projet » d’accord.

Autre prise de parole : « "Nous avons rencontré le haussaire pour l’alerter sur ce qu’il va se passer. Il ne faut pas que des choses soient décidées sans le consentement ici au Pays, nous savons où cela va mener, et ce n’est pas bon, nous ne souhaitons pas revenir à ce qui s’est passé l’année dernière", rapporte Hervé Tein-Taouva, élu UC en province Nord, membre de la délégation. "La mobilisation commence aujourd’hui, et elle va monter en puissance" ».

L’article termine par « La mobilisation contre le report des élections provinciales a réuni entre 200 et 500 manifestants ».

L’article de NC 1ère - France Info présente un ton différent.

https://la1ere.franceinfo.fr/nouvellecaledonie/province-sud/noumea/environ-200-personnes-mobilisees-contre-le-report-des-provinciales-a-noumea-a-l-appel-du-flnks-1638556.html

Le titre de l’article dit tout : ce ne fut pas un grand rassemblement (et je confirme ; pourquoi le cacher : je faisais partie, comme d’hab’ des deux ou trois « Blancs », les journalistes mis à part, manifestant) : on est passé d’un groupuscule vers 8 h 30 à quelques centaines en fin de matinée, rien à voir avec les nombreuses grandes manifestations pacifiques du Front et de la CCAT qui avaient précédé l’insurrection du 13 mai 2024 (avec en face, les mêmes grandes manifestations des loyalistes). La plus grande partie des présents le 31 octobre 2025 était celle de la délégation de la CCAT du Nord... Pas grand monde de Nouméa et de ses environs ; souvent la peur a été évoquée dans les prises de paroles. Mais il n’y a peut-être pas que cela : démobilisation ou même raz le bol de la radicalisation du FLNKS ?

« Une délégation d’une dizaine de membres et militants du Front a été reçue au haussariat pendant près de 2 heures. L’occasion de donner à Jacques Billant un courrier reprenant les revendications de la coalition indépendantiste. Dans cette lettre adressée notamment à la nouvelle ministre des Outre-mer Naïma Moutchou, les auteurs appellent le gouvernement à "retrouver sa neutralité, sa sincérité et son rôle d’accompagnateur du processus de décolonisation". Le FLNKS estime également demeurer "l’interlocuteur légitime et impératif de l’État". Il explique être engagé dans "un travail de resserrement et de réorganisation interne", égratignant au passage "certains élus de la plateforme électoraliste UNI, dont les motivations relèvent davantage de considérations opportunistes et électorales que de la défense du droit à l’autodétermination du peuple kanak" ».

Dans les nombreuses prises de parole (dont quelques femmes très déterminées, pour le moins) le peu de nombre de manifestants a été évoqué, indiquant que ce n’était qu’ « un début ». Curieusement, peu de prises de paroles ont été retranscrites dans l’article.

Le JT de NC 1ère du soir a correctement (mais assez brièvement) narré la mobilisation du FLNKS sans faire de gorges chaudes, dans les images, sur la faible participation, mais évoquant bien plus de 200 personnes présentes.

Le 19h30 : Édition du vendredi 31 octobre 2025 - les replays et vidéos en streaming - Nouvelle-Calédonie la 1ère

Voir aussi l’invitation, le 31 octobre, de Virginie Ruffenach, dans le magazine Transparence, à RRB (Radio Rythme bleu, pas franchement de gauche ni indépendantiste, nos fidèles lecteurs le savent) par Élisabeth Nouar ; ce n’est pas inintéressant pour notre sujet.

https://www.youtube.com/watch?v=fwjcKOkIx4Q

Entre des tas de sujets abordés (dont la démission de Thierry Santa) on en retiendra seulement quelques-uns.

Ruffenach se demande à plusieurs reprises si le FLNKS (« nouvelle version ») est vraiment prêt au dialogue ; elle admet, elle aussi, comme Metzdorf, que le report des provinciales se fera avec le corps électoral gelé, ce qui est vrai, radotons encore, si l’accord de Bougival n’est pas ratifié. Cependant, bonne question de Nouar, le dégel serait possible en cas de ratification devenue cependant fragile avec le bémol de la fameuse « confusion » du gouvernement qui a repoussé son examen. La ratification, pense probablement Nouar, ce n’est pas gagnée.

Ruffenach admet que le gouvernement français de Lecornu II n’est donc en effet pas clair mais propose tout de go, ratification ou non, un référendum début 2026 en Calédonie sur Bougival ; illusoire sans ratification ! Elle en discuterait lors de la venue de Moutchou ; mais tout regrettant la non reconduction de Valls.

Enfin, elle considère (quelle lucidité !) que l’instabilité politique en France est préoccupante, avec le danger d’une motion de censure qui repousserait sans doute l’examen de Bougival aux calendes grecques en cas de dissolution de l’Assemblée nationale (mais elle ne le dit pas comme ça).

LNC du 1er novembre au matin nous donne le programme de la visite de la ministre des Outre-mer Naïma Moutchou sur le Caillou du lundi 3 au vendredi 7 novembre. https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/quel-sera-le-programme-de-la-ministre-naima-moutchou-en-nouvelle-caledonie

« Durant cette semaine, une journée entière [le mardi 4] sera consacrée aux discussions bilatérales avec les différentes forces politiques alors que les élections provinciales ont officiellement été reportées et que l’accord de Bougival reste des plus fragiles ».

Un peu plus tard, NC 1ère précise un peu : cette visite « s’annonce assez conventionnelle » ; on l’avait déjà compris.

https://la1ere.franceinfo.fr/nouvellecaledonie/programme-naima-moutchou-nouvelle-ministre-des-outre-mer-en-caledonie-du-3-au-7-novembre-1638865.html

« Quand l’État rencontre un partenaire calédonien en particulier pour évoquer l’avenir institutionnel, on parle de bilatérale. Et mardi 4 novembre s’annonce une "journée de bilatérales", à la résidence du haussaire. Naïma Moutchou aura-t-elle sa première séance de travail en présentiel avec une délégation du FLNKS, après le retrait du Front du processus de Bougival et son refus de voir les provinciales reportées à l’an prochain ? Quels mouvements seront reçus et dans quel ordre ? Le programme officiel ne le précise pas. On sait que la ministre a enchaîné les visioconférences avec les groupes politiques, lundi 27 octobre (il était alors question de l’Éveil océanien, l’UNI, le FLNKS, les Loyalistes ou encore Calédonie ensemble). […] Autre séquence ministérielle habituelle, une étape dans le Nord. Mais mercredi 6 novembre, pas de passage évoqué à l’hôtel de province ».

Elle ne rencontrera donc pas le président de la Province Nord, Néaoutyine. Qui a pris cette décision : Néaoutyine ou elle ?

Terminons en beauté cette Saison 1  : l’État serait-il le roi des couacs ? Publié le samedi 1er novembre peu avant minuit, heure de Nouméa (fin d’après-midi à Paris) on apprenait (mais sans aller jusqu’à notre esprit chagrin) le report sine die de la visite de Moutchou :  

https://la1ere.franceinfo.fr/la-ministre-des-outre-mer-naima-moutchou-reporte-sa-visite-en-nouvelle-caledonie-1638985.html

« Le ministère des Outre-mer évoque les "échéances budgétaires" pour justifier le report de la visite ministérielle, sans préciser quand elle aura finalement lieu ». « S’ils évoquent "un report de quelques jours", les services de Naïma Moutchou ne précisent pas quand la ministre se rendra sur le territoire ».

Et c’est à la demande du Premier ministre ; « "Ce décalage permettra à la ministre de contribuer, aux côtés des parlementaires, à la finalisation d’une trajectoire budgétaire exigeante et équilibrée pour les Outre-mer, fidèle aux engagements du Gouvernement et adaptée aux réalités de chaque territoire", précise le ministère des Outre-mer, qui ajoute que "la Nouvelle-Calédonie, profondément marquée par les violences de mai 2024, demeure au cœur de cette mobilisation nationale" ». Moutchou arriverait-elle avec plus de sous ?

LNC confirme nettement plus tard (le 2 novembre au petit matin à Nouméa) mais sans autres précisions.

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/naima-moutchou-la-ministre-des-outre-mer-reporte-sa-visite-en-nouvelle-caledonie

Moutchou a peut-être visé juste en reportant sa visite, car les élus du Caillou voulaient justement l’alerter sur les besoins en sous, selon cet article publié à Nouméa le 2 novembre en milieu de matinée.

https://la1ere.franceinfo.fr/nouvellecaledonie/les-elus-caledoniens-veulent-alerter-l-etat-sur-le-manque-de-visibilite-economique-1638937.html

« Car le prêt garanti par l’État est déjà presque épuisé et la visibilité sur 2026 s’avère quasi nulle. […] Le problème n’en demeure pas moins d’actualité : déjà fragilisée par deux années de pandémie, l’économie du territoire est en berne depuis les émeutes de 2024. Certes, l’aide financière nationale a offert un répit. Mais en contrepartie, l’État a imposé certaines dépenses, bien qu’il ne s’agisse pas de subventions de la part de Paris. Ce prêt, la Calédonie est toujours tenue de le rembourser. La grogne est donc en train de monter, boulevard Vauban ».

Cette grogne venait, par exemple, de Sonia Backès qui indiquait le 30 octobre au Congrès de la Calédonie : « En gros, ce n’est pas une dotation républicaine, ce n’est pas un cadeau, c’est de l’argent qui nous est prêté à un taux contestable, qu’on va devoir rembourser et sur lequel l’État décide de ce qu’il fait pour nous ». Pour Milakulo Tukumuliaussi, le président de l’Éveil océanien, c’en est trop : « Il y a eu la soi-disant solidarité nationale en 2024 à hauteur de 46 milliards [de francs]. Et puis finalement, ce n’est pas une solidarité, nous avons emprunté 120 milliards pour rembourser les 46 milliards. Le paradigme est passé d’argent contre réforme à : "OK, pas besoin de réforme, on vous donne l’argent, mais on vous dit exactement là où ça doit aller. Ce n'est pas de la tutelle, c’est de l'infantilisation" ». Philippe Dunoyer, membre du groupe Calédonie ensemble affirme même : « L’État envoie un projet pour fermer le cercueil sur l’aide fiscale à l’investissement en Outre-mer. C’est totalement contraire à ce qu’on s’est dit quand on s’est vu pour discuter de l’avenir institutionnel, et dans l’accord de Bougival notamment ».

L’article ne note aucune intervention des indépendantistes mais termine par : « Face à cette situation dramatique, les élus du Congrès l’ont tous dit. Ils plaideront pour la transformation du prêt en subvention auprès de la nouvelle ministre des Outre-mer ».

L’économique n’est jamais très loin de la politique…

Dernière nouvelle : on en sait un peu plus, en milieu d’après-midi à Nouméa du 2 novembre, sur le report de la visite de Moutchou : le projet de budget initial présenté par le gouvernement rabotait la défiscalisation française !

https://la1ere.franceinfo.fr/nouvellecaledonie/visite-reportee-de-la-ministre-des-outre-mer-la-defiscalisation-au-c-ur-des-tensions-budgetaires-1639138.html

« Visite reportée de la ministre des Outre-mer : la défiscalisation au cœur des tensions budgétaires. À la demande du Premier ministre, Naïma Moutchou reste finalement à Paris pour participer aux négociations sur le projet de loi de finances 2026, où la réforme de la défiscalisation ultramarine provoque la colère des élus. Un dossier sensible, alors que ce levier fiscal figure parmi les piliers du plan de reconstruction du territoire et qu’il est inscrit noir sur blanc dans l’accord de Bougival. […] La défiscalisation Outre-mer, [dite "la défisc", PC] qui existe depuis quarante ans, permet au contribuable métropolitain de bénéficier d’une ristourne fiscale, à condition de financer des investissements productifs dans des territoires ultramarins. Seulement voilà, le projet de loi de finances pour 2026 envisage de raboter de près d’un quart les aides fiscales, sans aucune mesure compensatoire ».

Lecornu et Moutchou auraient pu y penser avant d’annoncer le programme de la visite…

À suivre donc...

Notes

[1] « Longtemps, sur le Caillou, je me suis couché de bonne heure, mais réveillé à l’aube, comme tout le monde », premiers mots d’un futur nouvel écrit, Du côté de chez des jeunes Kanak en bourgeon au soleil sur leur terre. Ce sera sans doute plus relou et moins connu que du côté de chez Proust ; surtout quand on mélange Du côté de chez Swann (1913) et À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919). Entre le premier et le deuxième, il y eu La Grande guerre ; le deuxième obtint le prix Goncourt contre Les Croix de bois de Roland Dorgelès. Ce qui nous rapproche plus de notre sujet…

[2] Le même jour (mais c’est presque hors sujet, quoique...) Thierry Santa, du parti Les Républicains, tire sa révérence (il l’avait annoncée auparavant) du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et quitte la vie politique.

https://la1ere.franceinfo.fr/nouvellecaledonie/thierry-santa-demissionne-officiellement-du-gouvernement-de-la-nouvelle-caledonie-et-quitte-la-vie-politique-1638514.html

« C’est une décision personnelle, mûrie depuis un moment, explique-t-il. […] Pour lui, le mois de novembre devait être "l'échéance depuis le début", puisque c’est à cette date que devaient initialement se dérouler les élections provinciales ».

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