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Billet de blog 11 juillet 2012

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Pourquoi je n'ai pas signé la tribune dans Mediapart

Etre acteurs plutôt que spectateurs, d'accord, mais sans quitter le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) : Catherine Samary, membre fondatrice de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et du NPA, militante féministe et altermondialiste, explique son refus de signer la tribune parue dans Mediapart sous le titre "Pourquoi nous allons rejoindre le Front de gauche".

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Etre acteurs plutôt que spectateurs, d'accord, mais sans quitter le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) : Catherine Samary, membre fondatrice de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et du NPA, militante féministe et altermondialiste, explique son refus de signer la tribune parue dans Mediapart sous le titre "Pourquoi nous allons rejoindre le Front de gauche". Pour elle, "ce texte porte des jugements de court terme et superficiels" sur la situation de la gauche de la gauche et fait - à tort - de l'adhésion au Front de gauche "le discriminant essentiel des analyses politiques et du jugement porté sur le NPA".

« Sollicitée, comme ancienne membre de la direction de la LCR, j'ai refusé de signer cette tribune dès avant la conférence nationale (CN) du NPA des 7 et 8 juillet – mais a fortiori après...

Avant même la CN, Michael Lowy et moi (qui sommes aussi des « ex » LCR de longue date) avons écrit dans une contribution pour les débats préparant la CN des 7-8 juillet du NPA : « Nous ne pensons pas qu'une démarche pour une entrée constructive dans le Front de Gauche (FdG) et de regroupement des anti-capitalistes, justifie de quitter le NPA – surtout dans les prochains mois, sans élections... Nous voulons quant à nous mener le débat du congrès – à l'automne – pour discuter des causes de la crise du NPA, de ses atouts et carences comme de celles des expériences alternatives, de leur faiblesse dans les quartiers populaires et face au FN. Nous sommes pour un pluralisme d'appartenances « en transition » combattant les sectarismes quand aucun cadre n'est pleinement satisfaisant ».

Mais, je ne signe pas cette tribune également pour certains aspects de ce qu'elle dit et ne dit pas, et en fonction du bilan de la CN.

Hors du Front de gauche, point de salut ?

D'une part, ce texte porte des jugements de court terme et superficiels, mettant trop l'accent sur des résultats électoraux dans un contexte spécifique, aussi bien concernant la gauche radicale que le FdG, marqué par l'ampleur du vote utile, des difficultés des luttes sociales et en particulier européennes. Il y aurait beaucoup à réfléchir sur l'importance des abstentions dans la jeunesse et les quartiers populaires aux législatives – une fois écarté Sarkozy. Elles témoignent du fait que, pas mieux que la gauche radicale, le FdG n'a capté ces populations de façon attractive et militante. La façon de combattre le FN est également un enjeu majeur à débattre, concernant toutes les composantes de la gauche de la gauche, sans exception – Gauche Anticapitaliste (GA) incluse.

Or, une ligne de fait émerge de la tribune avec deux facettes articulées : « hors du FdG, point de salut » et « les jeux sont faits – la bataille est perdue dans le NPA ». Les deux sont discutables et se synthétisent par une formulation : la bataille pour l'entrée au FdG ayant été perdue à la CN (en guise d'analyse...) « comme on pouvait s'y attendre », on quitte le NPA...

Le glissement est clair : l'accord sur l'entrée dans le FdG est devenu le discriminant essentiel des analyses politiques et du jugement porté sur le NPA.

Ceci serait convaincant si le FdG était (déjà) le front social et politique que l'on souhaite qu'il devienne... L'attitude face à Syriza en Grèce serait déjà un peu plus crédible, mais là encore on est face à des périodes trop courtes et des critères trop limitatifs pour des bilans convaincants.

Le télescopage entre ce que l'on veut et ce qui est (concernant le FdG) s'est produit lors de la campagne de Jean-Luc Mélenchon (JLM) – poussant quelques dirigeants et signataires de cette tribune à faire le saut : l'appel à voter JLM contre le candidat Poutou du NPA – au risque d'affaiblir considérablement la crédibilité de la bataille sérieusement menée au sein du NPA par d'autres membres de la GA, sans respecter des choix collectifs. L'Histoire nous mordait la nuque... Le Front de gauche était déjà Syriza, si ce n'est mieux. Il fallait « prendre ses responsabilités » ?

Mais si la campagne de JLM a ouvert des fenêtres importantes à gauche du PS, et si même, la faiblesse des résultats électoraux du FdG élargit une certaine potentialité de positionnement indépendant du PS – et un intérêt pour l'entrée de la GA – on est loin de voir encore le FdG impulser les luttes et l'auto-organisation sans avoir peur de déborder le PS... Des contradictions existent qui peuvent permettre de peser sur l'abstentionnisme du PCF et le bureaucratisme de ses élus... Mais on est loin des transformations démocratiques et militantes qu'il faut encore tester.

Je partage tout à fait l'idée de la GA qu'il ne faut pas rester commentateur extérieur – et suis donc pour l'insertion offensive de la GA dans le FdG – mais il n'est pas démontré que les défiances et le scepticisme envers le FdG relèvent seulement du sectarisme organique, et que l'idée qu'on peut davantage faire bouger le FdG de l'extérieur que de l'intérieur soit totalement dénuée de sens.

C'est le deuxième volet contestable de la tribune – le bilan du NPA.

Il n'y a pas de certitude

Il n'était pas démontré avant la CN que le sectarisme dominait désormais et de façon irréversible. L'émergence de la plate-forme F (PF) impulsée par Olivier Besancenot (OB) a fait plaisir à une partie de la GA la percevant comme un possible tournant – quand elle inquiétait une autre (parlant de manœuvre et de poudre aux yeux visant seulement à diviser la GA...). Il est certain que les positionnements au sein de la PF étaient eux-mêmes hétérogènes, plus « tacticiens » pour les unEs que pour les autres. Mais le problème n'était pas d'attendre un changement de jugement sur le FdG au point d'être d'accord pour y entrer... Le point politique important était la capacité à ouvrir les yeux sur l'évolution du FdG, l'impact et les qualités de la campagne de JLM, les contradictions internes ouvertes, et l'importance des positionnements nouveaux face au PS... Le scepticisme reste légitime pour la suite. L'important n'est pas là : il est dans l'acceptation d'une démarche politique qui teste les évolutions et tente de modifier les rapports de force de façon unitaire et politique... C'est cette démarche qu'ouvre la plateforme F – et c'est important.

Les votes et interventions de la CN ont plutôt confirmé que les tentatives des courants E, H et I de réaliser un vote « anti GA » (anti-front avec le FdG) majoritaire – et donc de remettre en cause l'orientation de la plate forme F, ont échoué – cette dernière se légitimant en outre par un vote majoritaire.

Le climat de la CN a plutôt confirmé à mes yeux qu'on n'était pas loin de pouvoir justifier une autonomisation de la GA dans une logique d'expérimentation de sa ligne (évidemment refusée) et non pas de scission – avec bilan d'ici quelques mois pour faire avancer et apaiser les débats.

Mais avec, entre temps, 1°) des débats de fond à mener sur le bilan du NPA et de sa crise – loin de l'aveuglement supposé ; 2°) une ligne majoritaire du NPA (incarnée par la plateforme F impulsée par OB) de « front avec le FdG ».

En tout état de cause celle-ci devrait être appliquée et impliquer toute la gauche de la gauche sociale, associative et politique y inclus le FdG, dans des collectifs unitaires de campagne pour l'audit de la dette et contre le pacte d'austérité européen – prolongeant le « non de gauche » des collectifs unitaires de 2005, contre le non de droite du FN. Car l'enjeu principal au NPA, en-deçà de l'entrée au FdG, était de savoir si une démarche unitaire pouvait être menée et tentée avec le FdG – quels que soient les pronostics des uns et des autres sur l'évolution de celui-ci à plus long terme : le test devait être l'action politique menée en commun, accompagnée de débats stratégiques, et non pas l'étiquetage figé et le révolutionnarisme arrogant qui fait la chasse aux réformistes dans le NPA depuis sa formation.

Il n'y a pas de certitude. Ni sur l'avenir du FdG, ni sur celui du NPA et l'issue des débats de congrès – ni sur le contour de la formation politique à faire émerger pour rendre efficaces les anti-capitalistes...

L'ex-LCR et le NPA ont incorporé des richesses et expériences, beaucoup de débats mal menés et d'échecs sur tous les enjeux – anciens et nouveaux. Mais l'essentiel des débats analytiques et programmatiques nécessaires est devant nous, à mener bien au-delà et en-deçà de l'enjeu du FdG : il faudra des mises à plat sur réformes et révolutions, sur les questions de l'éco-socialisme du XXIème siècle, sur les atouts comme les incertitudes et les faiblesses de la situation actuelle et des problèmes stratégiques redoutables et nouveaux qu'elle soulève (du national au planétaire en passant par l'Europe) ; il faudra un retour sur les expériences accumulées par tous ceux et celles qui n'acceptent pas l'ordre existant comme horizon incontournable, et proviennent de diverses traditions politiques.

Cela concerne encore tout le NPA et les diverses composantes qui se situent dans la gauche de la gauche, dans ou hors le FdG...

Mais il est très abusif de prétendre incarner (s'approprier) la richesse et les traditions de la LCR à partir du discriminant que serait l'entrée dans le Front de gauche, dans les conditions actuelles. »

Pour prolonger :

Les blogs de Catherine Samary et de Michael Lowy sur Mediapart.

La page personnelle de Catherine Samary.

Olivier Besancenot sur France inter le 9 juillet 2012.

Philippe Poutou sur I-télé le 9 juillet 2012.

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