Venant de l'Ouest, nous avions pénétré dans la capitale par le tunnel de Saint-Cloud et emprunté les bords de Seine pour atteindre le cœur de la ville.
En nous dépassant, quai des Célestins, un coursier à scooter désigne de la main nos roues arrières (celles de la voiture). Mauvaise humeur ? Manœuvre vicieuse ? Tentative de vol à la portière ? Tout est possible à Paris. Dix ans rue de Château-Landon nous l'ont appris.
La prudence prévalant sur la parano, nous nous garons le long du trottoir et faisons le tour du véhicule : le pneu arrière droit est nettement affaissé. Perplexité.
Un bouquiniste (ça existe encore) serviable (c'est dans la nature des bouquinistes) quitte le muret du quai et indique : « Il y a un garage à quatre cent mètres ».
Un garage ? Dans Paris ? De plus en plus louche.
Un garage riquiqui
Un peu plus loin, sur la gauche, difficile à apercevoir derrière la piste cyclable très fréquentée qui confisque le trottoir, il y a effectivement « un Midas » à l'étroit dans quelques mètres carrés ; demi-tour au dernier moment sur la chaussée.
Il est possible de regonfler et, même, d'un doigt expert, le spécialiste, efficace et souriant, détecte une vis enfoncée dans les rainures. OK pour la réparation.
Une solution si proche du problème, c'est un miracle. En plus, il fait beau en ce mercredi 20 juin, les parisiens sont vraiment formidables ! Et serviables. Et sympas.
Active, la patronne navigue entre la caisse et l'atelier riquiqui, encombré de deux voitures serrées l'une contre l'autre. Bavardages. Il y a toujours eu ici un garage et, elle, est là depuis 30 ans...
Un pneu ça se répare pas comme ça (20 minutes et 28 €). Remarquez, des fois, il y a des problèmes pas prévus. Il y a quelques années, au lendemain de la Fête de la Musique, la gérante arrive seule à 7h du matin. Un quidam faisait déjà les cent pas à la porte. Deux pneus crevés. « Patientez un peu, les gars seront bientôt là, on va s'en occuper ».
Les deux employés seront finalement attendus par cinq automobilistes désespérés, demandeurs de motricité ! Plusieurs autres suivent dans la matinée et le stress monte : rupture de stock, nécéssité de trouver des pneumatiques. L'air compressé a été libéré par des coups de poinçon, pas moyen de réparer, il faut changer ! La police est alertée.
L'enquête est rapide : rue de l'Ave Maria, derrière le garage, un homme aperçoit, du haut de son balcon, les deux policiers qui viennent scruter les lieux : « C'est moi ! Pour les roues ! C'est moi ! On pouvait plus dormir, ça leur apprendra à faire fonctionner leurs klaxons à chaque démarrage ! ».
L'homme a... 97 ans. Il est pensionnaire de la résidence, confortable « maison de retraite ».
Les policiers ont fait la leçon à l’irascible vieillard plutôt « content de sa blague » et, réalistes, suggéré aux victimes d'en rester là... Le laxisme à l'égard des voyous est vraiment devenu insupportable. Quelle époque ! De quoi devenir méfiant partout.
L'insurrection qui vient
J'ai, depuis, reconsidéré ma position quant à la signalisation routière : les panneaux qui alertent sont utiles. Ils affichent, à l'approche des écoles, des enfants à cartable, des éprouvettes d'acide corrosif au cul des citernes, des croix funestes au coin des carrefours... mais aussi, dans le triangle, à proximité des maisons de retraite, parfois, des piétons claudicants à cannes.
Je m'étais toujours interrogé sur le caractère menaçant des seniors en groupe et l'alerte me semblait stigmatisante. J'ai changé d'avis, la signalisation est de simple bon sens, de bonne gestion du risque. Indispensable.
Le vieux d'aujourd'hui est un gauchiste à cheveux blancs, décidé à retrouver enfin la plage sous les pavés. Et le silence des grands espaces en plein Paris. Suffit d'être prévenu !