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Billet de blog 16 juillet 2012

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Pierre-Gilles de Gennes et l'Or de l'Islande

C'est bien, les malles aux trésors : que du bonheur ! Enfin, pas mal de nostalgie aussi... que le temps passe vite... les ébauches n'iront pas toutes jusqu'à leur terme !Et des éternuements, fallait pas tout remuer. Et des regrets par ci, des remords par là. Quand même, des trésors du genre « pas côté sur le marché » : du bonheur.

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C'est bien, les malles aux trésors : que du bonheur ! Enfin, pas mal de nostalgie aussi... que le temps passe vite... les ébauches n'iront pas toutes jusqu'à leur terme !
Et des éternuements, fallait pas tout remuer. Et des regrets par ci, des remords par là. Quand même, des trésors du genre « pas côté sur le marché » : du bonheur.
De tout. Des lettres manuscrites, des rapports confidentiels, des notes, des dossiers, beaucoup de en attente (de lecture, de vision, de classement, de se faire un avis, d'éternité), des préfaces. L'une, de Pierre-Gilles de Gennes, jamais publiée. Le livre concerné (annoncé dans Livre Hebdo pour octobre 2005 et pré-vendu, alors, à des clients remboursés depuis) est en stand-by pour des raisons commercialo-financières. Pierre-Gilles de Gennes nous a quitté le 18 mai 2007, n'en ayant connu que le manuscrit et les épreuves.
Sorti de la malle, voici donc (en attendant le livre ?) son texte, celui d'un homme exceptionnel, sympathique, qui avait découvert, dès 1952, l'Islande que j'ai parcouru à partir de 1971. Après, il a découvert... beaucoup d'autres choses !


Tout était aimable chez Pierre-Gilles de Gennes, capable de jouer dans la cour des prix Nobel et, avec autant de naturel, à la récréation, dans celle des écoliers pour leur mettre « la main à la pâte » (son association), pour partager, pour ouvrir les portes et les esprits. Il avait offert sa préface comme ça. Et, comme lui, je suis certain que rien n'est jamais perdu de ce qui est offert sans calcul, aux petits comme aux grands.
Nous l'avions sollicité très simplement, charmés par le bonheur de ses souvenirs évoqués au coin d'une interview à la radio.
Les malles aux trésors, c'est bien. Pierre-Gilles de Gennes, un type bien. L'Islande, trop à dire.


Jules Verne savait qu'il y avait, à la pointe du Snaefellsness, un accès pour un voyage vers le centre de la Terre. En fait (en toute lucidité, car ces derniers temps, il y a – c'est inévitable –  concernant l'Islande, de la simplification), une porte vers le centre de notre monde, son histoire géologique, son histoire humaine, celle des migrations, vers les questions de notre temps, les choix urgents, les sagesses espérées.
Une porte cachée derrière les bibliothèques remplies de sagas. La saga de Njáll le brûlé, celle d'Egill, celle des Groënlandais, celle du fils d'Erik Le Rouge, Leif le chanceux qui découvrit les Amériques. Depuis, c'est resté un rêve, découvrir l'Amérique. Celui de Brel,  une Amérique à lui et à partager, où c'est qu'on va partir. Une vraie Amérique, un Far-West, un horizon lointain et libre. Le Far-West auquel devraient avoir droit tous les gamins. Découvrir les Amériques, découvrir et plus que tout chercher... Mon père était un chercheur d'or, l'ennui c'est qu'il en a trouvé.
Il n'y a pas de pépite en Islande, pas de minerai, mais pourtant de l'or  qui brille comme le feu de la Terre. Samivel, en 1963, avait titré son film et son livre « L'Or de l'Islande ».


L'or de l'Islande. La lumière dans les chutes d'eau, la nuit qui ne vient pas et ne veut plus partir, le matériau primitif qui coule à la surface, la pointe du drakkar, du Knörr.
L'or de l'Islande. La sagesse du pêcheur qui protège le poisson (il y a débat, aujourd'hui, sur la commercialisation des quotas, mais quand même sagesse). La fortune du terrien bousculé d'énergie, géothermique, hydraulique, (éolienne possible, ô combien)... à ne plus savoir qu'en faire. Et non polluante, inépuisable...

Un rêve pour une humanité angoissée de futurs possibles. Importer les usines d'aluminium sème le trouble mais une solution se concrétise : un câble sous-marin entre Islande et Grande-Bretagne, pour offrir (si l'on peut dire) de l'énergie au reste de l'Europe.

La technologie HVDC (Courant continu haute fréquence, perte de seulement 3% pour 1.000 km de transfert) est essentielle pour organiser les interconnexions des réseaux européens... et la bonne gestion des flux aléatoires (pour certains) de l'énergie renouvelable. Cette autoroute électrique, attendue pour la fin de la décennie, sera la plus longue du monde. La même technologie permettra de faire traverser la méditerranée à l'énergie photovoltaïque cueillie dans le Sahara.
Les « nouveaux vikings » s'étaient perdus dans les délires de la finance ; ils ont retrouvé la bonne façon de partir à la conquête du monde ! (Les délires, et les concerts de casserolles, c'est un sujet en soi. A venir).
L'Or de l'Islande. L'information libre et protégée, la culture exaltée, et...
Attention aux fantasmes, aux trop belles histoires... mais quand même. Fragile, comme tous les environnements humains et projets humains, l'or de l'Islande doit être protégé ; à cette condition, il est inépuisable. Et c'est pas loin l'Islande, entre Europe et Amérique.


Préface
A l’été 1952, nous étions cinq étudiants, partis vers l’Islande avec deux tentes et une caméra. L’une des tentes fut rapidement broutée par des vaches, mais on se tenait mieux au chaud dans celle qui restait. Nous allions en bus sur les grands axes, mais le plus souvent à pied (avec le sac sur la tête et les chaussures autour du cou pour traverser les rivières).
La nature était superbe – des champs de lave aux glaciers que montre le présent livre. Les incidents ne manquaient pas. Le solfatare masqué par la brume, ou Jean-Paul est tombé dans la boue brûlante. Le wharf pour la découpe des baleines ou, dans la nuit, j’ai reculé bêtement vers le trou du four à fondre la graisse – j’ai bien failli être transformé en savon.
Les Islandais accueillaient de façon inoubliable ces étudiants affamés. Nous avions droit à des gâteries comme ces tranches de requin, mûries par plusieurs mois de séjour sous la terre, et englouties avec des litres d’aquavit. Nous étions trois biologistes, un géologue, et un physicien (dont le rôle était surtout de porter la lourde caméra). Il en est issu un petit film documentaire, que le Musée Pédagogique, dans son indulgence, a finalement acheté. Il en est surtout resté, pour nous tous, un lien profond avec la terre d’Islande, depuis les falaises du sud  jusqu’aux ports si esseulés de la côte Est, où les filles entassaient les harengs dans des barils de sel.
Le monde a bien changé. La lave a coulé sur certaines maisons des îles Westmann. Mais la vie, les hommes, les femmes que vous trouverez dans ce livre, sont proches de ce que nous avons connu. Je suis très reconnaissant à Patrick et Catherine Le Cellier d’avoir réveillé ces souvenirs.
PG de Gennes
Août 2005

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