Lorsque François Fillon est allé déambuler dans les rues de Toul, aux côtés de Nadine Morano, ce fut « promenade dans un film muet » sous-titré « je préfère Ouest-France à Minute et je reste dans le flou ». Et Dahan a mis le son. Et ça a mis le feu. Petit télégraphiste Gérald ? Moyen déloyal ?
La presse people, qui vend de l'intime dérobé, est haïssable. La presse « sérieuse » qui, par faiblesse ou lâcheté, recule devant l'investigation et se contente de passer les plats est méprisable : le problème est celui du mensonge lorsqu'il prend le visage de l'honorabilité à l'abri de tout.
La question est celle de la « vérité vraie », de la transparence, des indispensables « révélations ». Des limites de la curiosité – qui ne doit pas franchir la porte de la chambre à coucher – face aux exigences de l'information... qui doit défoncer la façade des apparences, du convenu, du présentable pour le public.
Caméra cachée, pièges téléphoniques, interview forcé, images à contre-temps, deviennent des armes indispensables dès lors que le puissant verrouille l'accès à l'information avec son « service de com » et son cynisme. Face à l'opacité organisée et revendiquée des institutions, ce sont des outils potentiellement dangereux, à utiliser évidemment avec beaucoup de précautions (pas d'intrusion dans la vie privée, dans les affaires personnelles), et des infos à diffuser après réflexion et évaluation ; mais des outils tout simplement devenus irremplaçables.
On révèle tout sur le voleur de poules et aucune pudeur n'empêche (en général) d'informer les proches, dans la presse de voisinage comme au café du commerce... Mais quelles questions, ce jour, seraient sur la table, en ce qui concerne les voleurs de millions, sans le micro du majordome ? C'est le défi du faible au fort, l'arme décalée qui caractérise les conflits inégaux (ces derniers étant globalement le nouveau paysage du monde au grand dam de l'ONU).
La presse d'investigation n'a souvent d'investigation que le nom. Elle sait où s'arrêter et les voyous en cols blanc, comme les autres, savent « faire la part du feu », « lâcher du lest », pour mieux préserver l'essentiel et dissimuler le cœur des scandales.
Pour garder le pouvoir, ce qui est bien – au final – la seule question.
Dans ce contexte, l'émission d'Elise Lucet, Cash Investigation, depuis quelques semaines, le vendredi à 22 heures 30 sur France 2, est un vrai bonheur. Une très grosse bouffée d'air propre. Ce n'est pas seulement de la belle ouvrage, il y a du courage dans ce rare travail de salubrité publique... Comme ça fait du bien !
Longue vie à Cash Investigation mais une inquiétude : comment va faire Elise Lucet, à l'avenir, pour piéger les honorables menteurs ? Elle ne sera plus accueillie comme une « gentille animatrice » propre sur elle et très convenable. La méfiance ne surgira pas à la cinquième minute (délicieuse jouissance que le spectacle du baratineur professionnel intouchable qui se désempare soudain, se déstructure, s'angoisse, panique, prend la fuite et la honte) mais dès l'apparition de la caméra.
Quel nouveau « sous-marin » possible pour faire de l'entrisme ? Jean-Pierre Pernault ? Personne ne se méfierait.