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Billet de blog 18 mars 2020

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Covid-19: la fin des haricots ?

L'épidémie de Covid-19 n'en est qu'à son début et déjà les commentaires fusent sur la fin de la mondialisation, du capitalisme ou de l'espèce humaine. Un petit florilège de ce que j'ai pu lire, ou entendre.

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Préambule: oui, la situation sanitaire est très sérieuse

Premièrement, les chiffres disponibles laissent penser que le confinement total est une mesure adaptée à l'ampleur de la menace. C'est ce que disent les experts et on peut le vérifier soi-même avec un calcul simple basé sur ces deux chiffres:

  • 3% de mortalité à condition d'avoir des soins de qualité en hôpital pour les cas les plus graves (réanimation et assistance respiratoire)
  • un nombre de cas qui double tous les 3 jours.

Doubler tous les 3 jours cela veut dire multiplier le nombre de cas par mille en trente jours (car 2 puissance 10 vaut 1024). En France ça veut dire qu'on pourrait passer de 7000 à 7 millions de cas en un mois, et 30 millions une semaine plus tard. Parmi ces millions de personnes infectées, le taux de mortalité pourrait dépasser les 3% car les hôpitaux seraient saturés et les soignants malades. Pour un pays de 60 millions d'habitants, cela veut dire des centaines de milliers de décès, peut-être des millions. Des chiffres qui se rapprochent de l'épidémie d'influenza en 1918 qui avait causé entre 50 et 100 millions de décès à l'échelle mondiale.

Interprétations politiques et idéologiques

Chacun voit midi à sa porte, et les commentaires que j'ai pu lire montraient les centre d'intérêt voire les obsessions des uns et des autres. Voici un petit florilège dans le désordre:

La fin du capitalisme ?

Le Covid-19 viendrait sonner le glas de la mondialisation néo-libérale qui aurait préparé la catastrophe notamment en sous-finançant la santé publique. Ce récit très populaire chez les journalistes et lecteurs de Mediapart est à prendre avec un énorme grain de sel. Remarquons que ni les deux guerres mondiales ni la "grippe espagnole" qui tua 100 millions de personnes en 1918 n'ont mis fin au capitalisme. Pas plus que le communisme ou le bouddhisme...

La fin du monde ?

Serait-ce le début de l'effondrement de toute civilisation que redoutent (ou peut-être espèrent) les collapsologues ? Remarquons que l'espèce humaine se caractérise pas sa résilience et sa faculté d'adaptation. Si nous avons collectivement surmonté les épidémies de peste du Moyen Âge qui pouvaient décimer le tiers ou la moitié d'une population, il est un peu tôt peut-être pour vendre la peau de l'ours.

La fin du gouvernement Macron-Philippe ?

Là encore certains confondent leurs désirs avec des réalités. L'épidémie met durement à l'épreuve tous les gouvernements des pays touchés, c'est évident. Mais elle a des côtés bien pratiques pour un chef d'État: la fin des gilets jaunes, l'ajournement de la pénible réforme des retraites, et surtout l'union nationale, l'élan de solidarité et de générosité suscités par cette crise qui justifient le rôle d'un État-providence fort (et donc d'un État fort dont l'utilité et l'autorité est indiscutable). Quoi de mieux qu'une bonne "guerre" pour resserrer les rangs et motiver les troupes ? Ce virus c'est encore mieux que les terroristes islamistes pour rapprocher les gens autour de valeurs communes. Il va renforcer et non affaiblir le gouvernement (lequel ne manquera pas bien entendu d'être ciblé par 1001 critiques plus ou moins honnêtes sur tout ce qu'il a fait, et tout ce qu'il n'a pas fait).

La fin du péché ?

C'est un imam iranien qui avait prêché que le Virus était une punition divine envoyée par le Créateur à cause de l'athéisme et des mouvements LGBT en Occident. Dieu doit avoir le sens de l'humour, car ce prédicateur a été touché lui aussi, non pas par la grâce, mais par le Covid-19.

La fin du pétrole ?

Cette histoire-là, je l'aime bien. Les avions cloués au sol, le prix du baril en chute libre, la pollution de l'air en ville qui diminue... Ce que les militants écologistes d'Extinction Rebellion cherchaient à obtenir avec des sit-in et des slogans, le virus l'a fait avec la peur de mourir. C'est un virus écolo, voilà une formule que j'ai lue 100 fois ! (On a dit aussi que c'était un virus de gauche). Cependant restons prudents: les mauvaises habitudes comme les vacances pas cher à l'autre bout du monde pourraient reprendre aussi vite qu'elles avaient disparu !

La fin des restrictions budgétaires dans les hôpitaux ?

Le message du gouvernement semble être: on dépensera autant qu'il le faut face à cette crise, sans plafond budgétaire. Cela pourrait soulager les soignants si par ailleurs ils n'étaient pas occupés à faire face à l'épidémie. Que restera-t-il de ce beau volontarisme dans 12 ou 18 mois ? Nous verrons bien.

La fin du PQ ?

Aussi irrationnel qu'un bank run (la panique qui pousse tous les épargnants d'une banque donnée à vouloir retirer leurs sous en même temps), la frénésie d'achat de papier toilette et parfois de paquets de pâtes et de riz est une des conséquences inattendues de cette crise sanitaire. Pour entretenir et développer la panique, les réseaux sociaux ont pleinement joué leur rôle, avec les photos de rayons vides déclenchant des pulsions d'achat compulsif en chaîne. Il vaut mieux en rire qu'en pleurer (il y a eu plein de chouettes dessins humoristiques sur ce thème), et les anciens qui ont connu la pénurie, la vraie, dans les années 1940 trouveront certainement nos contemporains bien pusillanimes.

La fin du spectacle vivant ?

Pour tous mes amis musiciens, surtout les plus fragiles économiquement, qui sont intermittents du spectacle, l'annulation de tous les concerts pendant 3 mois, voire plus est une catastrophe. Beaucoup d'entre eux font face cependant avec le sourire, et avec générosité, en diffusant par exemple des vidéos de musique à la maison.

La fin de la viande et de l'élevage ?

Mes amis véganes ne manqueront pas de rappeler à tout le monde la longue liste des épidémies causées ou propagées par les élevages intensifs (H5N1 en 1997, SRAS en 2002, H1N1 en 2009, H7N9 en 2013, Covid-19 en 2020). Est-ce que réduire voire supprimer l'élevage aurait des conséquences positives sur la santé publique (en plus de l'environnement) ? Il est permis de le penser. Aucune épidémie de la vache folle n'a touché les producteurs ou les consommateurs de blé ou de carottes jusqu'à présent.

La fin de la chasse ?

Un sacré répit pour tous les animaux sauvages, la chasse est suspendue malgré les protestations des chasseurs. Pareil pour les corridas !

La fin des petites entreprises ?

C'est une chose qu'on peut facilement ignorer si on n'a pas travaillé pour une PME, ou essayé de monter une entreprise. Le jour où elle ne peut plus payer les factures et que les banques ne veulent plus prêter, une entreprise cesse purement et simplement d'exister. Peu importe si elle a des clients, des équipes compétentes, un carnet de commandes bien rempli. Combien de restaurants savoureux, de librairies plébiscités par les clients, qui étaient parfaitement bien gérés et rentables, ont ainsi disparu à cause d'un accident de trésorerie à un moment donné ? C'est pour ça que la trésorerie est une des obsessions des créateurs d'entreprise, par nécessité. Les mesures annoncées par le gouvernement d'un moratoire général sur les impôts mais aussi les autres factures vont dans le bon sens: elles pourraient permettre de sauvegarder des emplois.

La fin des haricots ?

Pour les travailleurs aussi des temps difficiles s'annoncent et même si l'épidémie est contenue dans des proportions modestes (ce que nous souhaitons tous), les conséquences économiques s'étendront sur toute l'année 2020 et au-delà. Pour les chômeurs aussi: qui organise des entretiens d'embauche en ce moment ?

La fin de la prison ?

La garde des sceaux a ouvert la porte à des sorties de prison anticipées pour les détenus malades ou en fin de peine

La fin des 35h ?

Le gouvernement prévoit d'ores et déjà un paquet de mesures pour l'après-confinement, afin de relancer l'activité économique: suspension des 35h et assouplissement des heures supplémentaires seraient au menu. A suivre...

La fin des sans-abri ?

Une question posé notamment par les bénévoles qui portent assistance aux sans-abri. Comment respecter le confinement quand on n'a pas de chez-soi ? Quand on est déjà dans la survie au quotidien ? On a un début de réponse institutionnelle avec ce centre d'accueil à Paris.

Le début des violences intrafamiliales ?

Ma dernier mot sera pour les personnes victimes de violences intrafamiliales (principalement des femmes et des enfants). Avec le confinement généralisé, ce sont ces femmes et enfants qui vont payer le prix fort de la crise actuelle. L'école qui est souvent en première ligne pour signaler les cas d'inceste et autres violences graves contre les enfants, va rester fermer de long mois. Et la chaîne police / justice / protection de l'enfance sera sans doute désorganisée et encore moins efficace que d'habitude.

Conclusion provisoire

Non, ce n'est pas la fin du monde, on n'est pas obligé d'écouter toutes les Cassandre. En revanche, comme dans toute les crises, ce sont les personnes les plus vulnérables qui risquent de payer les pots cassés...

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