Rénover un parti comme le parti socialiste répond à plusieurs défis : celui de l’invention de sa tradition ; celui de la lutte contre sa bureaucratie spontanée ; celui de son ouverture à ses amis. Autrement dit on doit à la fois faire du neuf avec du vieux et créer de nouvelles formes de mobilisation adaptées au changement social.
La tradition, c’est celle, séculaire d’une extrême décentralisation. Ce qui veut dire que dans cette France aux 37.000 communes l’idéal d’une « démocratie de base », territoriale et délibérative à la fois, est resté. Cela a toujours donné la primeur aux élus et toujours plus à ceux qui savaient cumuler des mandats dans le temps comme dans l’espace. Après l’entrée en vigueur des lois Defferre des années Quatre-vingt, le PS a cru pouvoir gérer à la fois les nouveaux territoires et conserver ou gagner le pouvoir d’Etat. La force nouvelle des pouvoirs locaux a redoublé l’enjeu du vivier des 500.000 élus ainsi que leur puissance largement autonome. L’extrême nationalisation du pouvoir, sa concentration et sa présidentialisation, a rendu le système fédéraliste socialiste inadéquat. Une césure s’est imposée entre le pouvoir central réservé à la droite et la périphérie réservée à la gauche. Le PS est ainsi passé, surtout après 2002 sous la coupe de quelques Fédérations (dont le néologisme des Bouches-du-Nord dit bien ce qu’il veut dire).Aujourd’hui, il est largement dépourvu d’une autorité politique centrale, ce à quoi Martine Aubry s’est promis de remédier. Le chantier est donc celui d’une réinvention de sa tradition héritée des républiques parlementaires. Il faut donc réformer les statuts en ce qu’ils portent la contradiction d’un système confondant plusieurs logiques: que les congrès permettent de dégager une majorité politique claire à partir du vote des orientations et de ceux qui les incarnent ; que le conseil national soir un vrai parlement politique avec les moyens de ce fonctionnement (commissions, conventions thématiques, initiative référendaire) ; que soit reprise la doctrine en faveur d’une république primo-ministérielle.
La bureaucratie, c’est celle que de bons auteurs du début du XX° siècle (tel Roberto Michels) décryptaient dans les organisations ouvrières. De la nécessité de défendre des conquêtes et acquis, de construire un appareil pour défendre des idéaux naissait un système, si ce n’est une contre-société qui devenaient un but en soi. La conservation des intérêts matériels s’impose finalement et conduit ce genre de parti à perdre de vue les aspirations sociales et politiques qu’il est censé porter et représenter. De nos jours la compète assimilation au bonapartisme de la V° république est une expression de cela. Au quotidien, ceci signifie une étrange lourdeur, faite d’une extrême division des tâches et d’une routinisation de leur mise en œuvre. Cette architecture s’étend sur tout le territoire avec la puissance des Fédérations. Si celle-ci est une force en ce sens qu’elle garantit une visibilité concurrentielle dans tout le pays, elle devient un fort handicap quant elle ne fonctionne plus de manière transparente, quand elle dépolitise ses instances, quand elle devient le prétexte pour ne plus organiser des activités militantes (fêtes, réunions thématiques, initiatives avec la société civile et les autres formations de gauche). En ce sens l’installation d’Universités populaires régionales pourrait fédérer les différentes étapes de cette démocratisation.
Enfin, s’ouvrir à ses amis, ce n’est pas faire un simple clin d’œil à Facebook, c’est créer un parti qui investisse les réseaux sociaux et les formes de mobilisation afférentes sur Internet évidemment mais pas seulement. Cela ne se limite pas en effet aux réseaux virtuels, mais doit conduire le PS à redéfinir ses rapports avec les associations spécifiques sur les droits et libertés. Cela doit le conduire à des initiatives programmatiques (avec le Laboratoire des Idées) sur la question sociale, le rôle de l’Etat et du secteur public. "Dans Rénovation, il y a transparence. Ce que le monde politique n’a pas encore tout à fait compris, nous devons le faire notre : l’opacité, le temps donné au temps, les hiérarchies bien verticales ; tout cela c’est fini, du moins dans la société de l’information. Tout n’y est pas sans poser problèmes, mais le neuf y chasse le vieux et il faut le construire".
On peut en retrouver ces lignes dans la Lettre de la Rénovation qui paraît tous les 15 jours (http://renovation.parti-socialiste.fr) et rend compte du travail de secrétariat à la rénovation (celle parue ce lundi traite justement de son fonctionnement). L’ensemble de l’entreprise passera par l’instauration de primaires ouvertes aux sympathisants pour les prochaines présidentielles. Sur le même site, on trouvera la première Note de la Rénovation consacrée au compte-rendu de la mission d’Arnaud Montebourg à Washington. Ce qu’on y lit donne beaucoup à penser sur ce qui attend le PS pour devenir un autre parti.