Les révélations permises par le lanceur d’alerte Hervé Falciani en décembre 2009 ont jeté une lumière crue sur les pratiques de HSBC. Elles avaient permis à 107.000 clients de par le monde (dont 8936 résidents français) de dissimuler des milliards d’Euros (1,6 pour la France). Pour ce faire la banque a contourné non seulement les législations nationales mais aussi la directive européenne sur la taxation de l’épargne. Elle a construit une véritable ingénierie de la dissimulation des avoirs. C’est le constat que vient de faire le Parquet National Financier (PNF) au terme du réquisitoire qu’il a instruit au terme de son enquête entamée en octobre 2016. Malgré ce, HSBC échappera au moindre procès : elle a accepté de payer une amende de 300 millions, soit une somme record (mais qui n’est que le manque à gagner de l’Etat). Cette issue a été possible grâce à une disposition de la loi Sapin 2 de décembre 2016 qui a inventé une nouvelle disposition : la Convention judiciaire d’intérêt public. Elle permet qu’un « giga délinquant » puise payer une amende plutôt que d’affronter un procès. Prenant son parti de la faiblesse des institutions du contrôle public (le PNF crée le 1° février 2014 ne compte à ce jour que 18 magistrats), la voie est ainsi ouverte à un blanchiment judiciaire. Bien que la banque reconnaisse le caractère illicite de ses actes, rien ne sera inscrit au casier judiciaire de ses responsables et les juges d’instruction vont prononcer un non-lieu. HSBC pourra prospérer en France (en répondant par exemple, à tous les appels d’offres sans restriction).
Les défenseurs de cette innovation se fondent sur l’importance de la somme obtenue dans la transaction et l’improbable issue d’un procès. Ils partent du point de vue que les moyens des Etats sont devenus trop faibles pour garantir une sanction efficace.
Sauf que ce qui est en cause, c’est le principe même du procès public. Eric Alt, vice-président d’Anticor le dit très bien : « la publicité des débats entraine un contrôle de l’opinion » (La Croix du 16 novembre). On ne saura donc rien des systèmes de fraude, des bénéficiaires, ni des complaisances qui les ont rendu possible. HSBC a réussi à imposer partout ce type de marchandage : en 2012, elle s’est acquittée d’une amende 1,9 milliards de dollars aux Etats-Unis ; de 40 millions de Francs suisses (38 millions d’Euros) en 2015 en Suisse, ; de 500 millions d’Euros à Londres en 2016. La condition est chaque fois le secret absolu sur les négociations et la transaction. Le journaliste de Libération qui a enquêté sur ce le dossier français s’est heurté à un silence sidéral pour aller au-delà du document du PNF qu’il avait réussi à se procurer.
On entre ainsi encore un peu plus et pour la première fois en France dans le monde de l’arbitrage qui prospère sur la déliquescence des justices étatiques. C’est une régression du droit et plus encore, de la démocratie.