Jack Lang comme Jean-Pierre Chevènement ont pris immédiatement position contre les Primaires telles qu’envisagées par le PS. Le premier conteste l’opportunité de parrainages des candidatures ; le second y voit un « simulacre » dans la mesure où il n’y aurait pas d’accord préalable sur un projet politique commun. Les deux protestent contre le « pacte » qu’auraient passé les candidats majeurs du PS (Aubry, Fabius, Strauss-Kahn et maintenant Royal) : qu’un seul d’entre eux soit candidat et les Primaires seraient vidées de leur contenu puisqu’elles se joueraient en un seul tour.
Ces questions sont bien réelles et elles ont été abordées mardi soir au Bureau National du PS. Elles peuvent êtres déclinés sur plusieurs registres. D’abord le calendrier : Arnaud Montebourg a d’emblée retiré sa proposition d’organiser des préliminaires (entre avril et juillet 2001) conclues par un premier scrutin début juillet. Du coup l’accord s’est assez largement fait sur deux votes successifs à l’automne. Seul Hollande (mais aussi Valls) défendait une consultation avant l’été. Ainsi personne (Strauss-Kahn notamment) n’est écarté de la candidature ; il faudra simplement se déclarer en juin-juillet. Se pose alors la question qui chagrine Lang, celle du parrainage des candidats. Le rapport Montebourg propose 5% des parlementaires socialistes (donc 17), ou des membres titulaires du Conseil national (soit 16), ou bien des conseillers généraux et régionaux (soit 99), ou bien des maires socialistes des villes de plus de 10.000 habitants (soit 16). Il est entendu que les autres partis qui décideraient de participer aux Primaires resteraient libres de fixer leurs propres règles de parrainage. Ces seuils sont-ils censitaires comme le dénonce Jack Lang ? Si le parrainage par 10.000 adhérents a été écarté, c’est parce qu’il était de nature à déclencher une pré-campagne susceptible de cristalliser des soutiens très personnalisés à l’intérieur même du parti et avant que la consultation ne soit ouverte à tous les électeurs sympathisants.
La règle des 5% apparaît donc comme légère et assez facile à franchir pour des personnalités incarnant une position significative dans le PS. Certains comme Benoît Hamon souhaiteraient même la voir s’élever à 10% au motif que l’élection présidentielle est trop sérieuse pour tolérer des candidatures isolées ou en trop grand nombre. Mais il a été le seul à soutenir ce point de vue.
Reste alors la question du périmètre et donc du « pacte ». Les primaires sont voulues comme ouvertes à toutes les formations de gauche. Certaines d’entre elles comme le PRG et le MDC ont participé à la commission de travail sur le rapport (le MDC de J.P. Chevènements’en est retiré dès le mois de mars au motif que le PS n’avait pas été assez généreux avec lui dans les élections régionales, motif donc tout à fait extérieur au sujet). Pour l’instant, aucun parti n’a donné son accord à la procédure. Mais celle-ci peut être de nature (par exemple au PC) à ouvrir une discussion sur la meilleure méthode de rassemblement pour gagner la présidentielle. Un score significatif dans le peuple de gauche s’exprimant dans la Primaire peut-être préférable à un médiocre résultat au premier tour de l’élection générale. Quant à l’objection du pacte entre les « grands », elle peut être levée par ce qui a fait l’objet d’un large accord au BN : il n’y aura pas de congrès du PS préalable aux Primaires (qui deviendraient alors de pure ratification des compromis internes au parti).
Le congrès aura lieu après les présidentielles. Seuls Hamon, Lienneman et Assouline souhaiteraient qu’un congrès lancent la Primaire. Amirshahi aussi, mais parce qu’il veut qu’un moment soit consacré à l’adoption du programme. Martine Aubry a proposé qu’une synthèse des cinq Conventions thématiques qu’aura organisées le PS soit l’objet d’une sorte de Convention générale préalable sur le projet.
Enfin Marie-Noëlle Lienneman et Manuel Valls ont soulevé le problème du rapport de la Primaire à la présidentialisation de la V° République. La première pour craindre que cela soit un ralliement à ce régime bonapartiste, le second pour se féliciter que les socialistes en acceptent enfin les règles de « sélection naturelle ». L’introduction des Primaires dans la sélection des candidats de gauche est un indéniable moyen de démocratiser une élection qui est devenue l’objet exclusif des instituts de sondages et des médias, autant que des grands partis. Elle ne signifie pas une adhésion au présidentialisme dont le sarkozysme peut être le stade ultime. Elle vise à organiser les forces de gauche pour que celle-ci surmonte un obstaclequ’elle n’a vaincu qu’une seule fois en 1981. On peut même penser que la popularité de la procédure pèsera lourd sur l’engagement des candidats quant à leur conception d’exercer le pouvoir.
Déjà deux sondages laissent espérer que 3 à 4 millions d’électeurs ont envie de participer dés maintenant aux Primaires. L’expression grandeur réelle de leurs attentes en matière de démocratie pourra jouer un rôle comme jamais auparavant dans l’orientation des candidats qui devront bien en tenir compte, en particulier sur l’hypothèse d’une 6° République. L’intervention d’une masse de citoyens en amont du processus électoral sera une énergie durable dans l’effectuation de celui-ci. C’est une dimension que ne semblent avoir imaginé ni Jack ni Jean-Pierre dont la colère n’est donc pas fondée.