La Constitution fait du droit de dissolution, une prérogative personnelle et discrétionnaire du président de la République. Celui-ci a pris, dans la pratique et l'histoire, l’habitude d’en faire usage de deux manières : soit la dissolution sanction, soit la dissolution référendum.
Dans le premier cas, il pourrait s’agir d’un usage normal permettant d’équilibrer les pouvoirs. « L’Exécutif » tient en réserve ce moyen pour répliquer au « Législatif » qui défie son existence en lui retirant sa confiance. Cela supposerait que ce soit le chef du gouvernement (le Premier ministre) qui soit le détenteur de ce droit puisqu’il est responsable devant le parlement. En France, non. C’est le président de la République, irresponsable devant l’Assemblée et donc inatteignable, qui peut dissoudre selon son bon vouloir (dans les cas de figure décrits à l’article 49) comme ce fut le cas en 1962.
Mais un article (12) a aussi permis un usage de ce droit comme une sorte de référendum. Le Président, toujours seul (les précautions de consultation de pure forme, du Premier ministre et des présidents des assemblées ont volé en éclat hier soir) dissout pour faire des élections législatives un référendum sur sa propre survie. C’est le « moi ou le chaos » que De Gaulle inventa dès la première élection présidentielle au suffrage universel en 1965 pour la ressortir en 1968 après avoir dissout une Assemblée pourtant à sa botte. Le 30 juin, il retrouva une « chambre bleue horizon », plus à droite que la précédente. Ce fut aussi le début de la fin du général-président.
La dissolution-Macron s’inscrit dans ce paysage, confortant jusqu’à la caricature un présidentialisme crépusculaire. L’étonnant est que, depuis la dissolution dite de confort pratiquée par Chirac en 1997 avec les effets boomerang de la cohabitation, les pulsions présidentielles des usages dissolvant selon leur fantaisie, s’étaient estompés.
La dissolution est donc une allégorie de l’aberration du pouvoir d’Etat tel que la V° République l’organise. Le court délai laissé à la préparation des élections législatives (dans 20 jours soit le plus court délai autorisé par la Constitution qui en prévoit 40 au plus) confirme le mépris présidentiel et son cortège de petits calculs. Macron soumet les partis et les citoyens à son hubris pour mieux les affoler jusqu‘à les forcer à choisir, une fois de plus entre lui et le chaos, lui et l’extrême-droite néo-pétainiste. Plus rien n’est à exclure, jusque et y compris les choix fantaisistes par le président du ou de la Premier(e) ministre. Ce président-catastrophe finira par incarner le sinistre destin de tout un régime quand il aura permis l’accès tranquille d’une Le Pen au pouvoir.
Ceci étant, reste un avantage de cet usage de la dissolution : le dérèglement des calendriers. On sait combien le système pâtit de l’inféodation des élections législatives aux présidentielles, faisant des premières un scrutin de ratification des secondes. Ce fut une erreur gravissime de Jospin de sacrifier à « l’esprit des institutions » en 2001 en faisant repasser les législatives après les présidentielles. Dés aujourd'hui, les élections législatives sont redevenues autonomes, indépendantes de l’agenda présidentiel. Aux formations démocratiques de savoir en faire une ressource pour s'imposer comme telles, tant que cette inversion du calendrier est la règle (qui peut être reprise dans le futur, n’étant en rien fixée par la lettre de la Constitution).
Celle-ci exige toujours une révision de fond en comble pour sortir d’une présidence toxique qui est devenue la norme de ce régime. Une autre République démocratique est la seule perspective qui vaille contre le retour des fantômes du passé.