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Professeur Emérite à l'Université de Montpellier. Doyen honoraire de la Faculté de Droit. Président de la Convention pour la 6° République (C6R).

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Billet de blog 10 novembre 2008

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Socialistes, encore un effort pour être républicains

Le vote d’orientation de ce jeudi 6 novembre n’a rien tranché : ni la ligne du parti, ni la question de son leadership. Les négociations entre responsables des motions sont heureusement empreintes de responsabilité pour éviter la réédition d’un congrès de Rennes.

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Le vote d’orientation de ce jeudi 6 novembre n’a rien tranché : ni la ligne du parti, ni la question de son leadership. Les négociations entre responsables des motions sont heureusement empreintes de responsabilité pour éviter la réédition d’un congrès de Rennes. La gravité de la crise économique exige en effet que le principal parti d’opposition assume pleinement son rôle dans un contexte qui peut ouvrir une crise politique et sociale. Mais rien ne serait pire que la réédition d’unesynthèse générale invertébrée. Or pour l’instant, ces négociations ne portent que peu sur les questions que soulève la combinaison de ces crises. Que le critère des alliances entre courants soit le rapport au Modem en dit long sur l’indigence de ces tractations. On peut ainsi douter que le congrès du prochain week-end soit dominé par la construction d’une réponse aux défis de la période dans laquelle nous sommes entrés.

Reste alors le problème du leadership et de la conception même du parti. Les quatre principales motions l’ont traité de manière différente : Bertrand Delanoé en assumant la confusion entre direction du parti et candidature à la présidence de la République ; Martine Aubry en se tenant sur la réserve vis-à-vis des deux rôles ; Benoit Hamon en se contenant d’une surenchère générationnelle préemptant essentiellement la première à moyen terme; quant à Ségolène Royal on a pu dire qu’elle a gagné le congrès le jour où elle a annoncé qu’elle « mettait au frigidaire » sa candidature au secrétariat du parti au moment même où elle affirmait son intention d’être candidate en 2012. Le vote des militants n’a donc pas pu trancher la question tout simplement parce que la formulation variait d’une motion l’autre. Mais ce qui ressort c’est le rejet de la direction sortante, celle qui a coalisé tous les conservatismes depuis le 21 avril 2002. Et cette coalition, c’est celle qui s’est obstinée à vouloir présidentialiser le parti sur le modèle exclusif de la V° République. Les congrès de Dijon et du Mans et leur vaste synthèse ont été conçus pour préserver les chances des écuries présidentielles. C’est la poursuite par d’autres moyens du fatal programme de Lionel Jospin instaurant le quinquennat et inversant le calendrier pour mieux « présider autrement » dans le strict respect du présidentialisme institutionnel. C’est l’absence de choix et de programme sur cette question démocratique essentielle.Quelques semaines avant la révision constitutionnelle, François Hollande ne déclarait-il pas (dans le Monde du 30 mai 2008) ? : « Aux socialistes de faire la lumière sur leur propre schéma institutionnel. Je refuse le régime présidentiel, mais j’écarte tout autant le régime primo-ministériel. Je propose la solution de l’équilibre entre l’exécutif et le législatif ». Véritable stratégie du non-choix qui s’éclairait avec l’annonce durant l’été qu’il pourrait être candidat aux présidentielles de 2012.

C’est ce sur-place, cette fascination pour le bonapartisme et ses différentes versions dans la V° République qui a été sanctionnée le 6 novembre. C’est beaucoup mais insuffisant. Si l’on est sceptique sur la recomposition programmatique en quelques jours on peut espérer une résolution de l’équation du leadership. Les partisans de la confusion des rôles semblent, à l’entrée dans le congrès déjà battus. Certes de bons esprits vont reprendre leur bâton de pèlerin pour tenter de convaincre encore que « désigner un présidentiable comme premier secrétaire est la méthode la plus cruelle mais, pour le PS et pour la gauche c’est la seule efficace » (Alain Duhamel, dans Libération du 28 août 2008. Une version plus savante est donnée par Gérard Grunberg dans Commentaire, n° 120, Hiver 2007-08). Il faut au contraire aller dans le sens diamétralement opposé : celui d’un parti complètement déprésidentialisé où le premier secrétaire se consacre à l’animation militante de celui-ci, à la tenue de conventions thématiques, au dialogue avec la société civile, à l’activation de la démocratie participative et internautique, à la préparation des élections (les européennes sont dans 6 mois !).Après tout pas plus Jean Jaurès que Léon Blum n’ont été secrétaires généraux de la SFIO quand bien même ils étaient les leaders incontestés de leur période.

Pour desserrer l’étau qui étouffe le PS il lui faut sortir de cette confusion des rôles. La vie du parti sera complètement émancipée de l’obsédante question des élections présidentielles par l’engagement en faveur de primaires ouvertes. L’idée en a été lancée par un une contribution thématique de Thierry Mandon le 26 juin dernier : « Organisée 12 mois avant l’élection, cette désignation « populaire », outre la dynamique qu’elle créera, libèrera le Parti socialiste des combats sclérosants de l’investiture. Soulagé des incessantes querelles de positionnement tactique entre écuries présidentielles, il pourra débattre de son programme et consacrer toute son énergie à la rénovation afin de devenir le fer de lance idéologique, programmatique et idéologique, du futur candidat. Pour cela, il devra se doter d’outils pour s’ancrer davantage dans la société à partir d’une force militante renouvelée (organisation de ses relais dans le monde économique et les services publics ; réappropriation de la coordination directe de ses élus locaux ; développement des liens avec les acteurs associatifs) ; travailler à penser les évolutions de la société à moyen terme en créant un outil de réflexion ambitieux ; développer des services pour sa base sociale (assurances, mutuelles), voire aider à la constitution d’outils financiers d’investissements sociaux lui permettant de prendre des participations financières minoritaires pour contribuer à des objectifs précis (émergence de nouvelles formes économiques, pluralisme dans les médias). À côté de ces missions nouvelles, il continuera bien sûr à définir les orientations et à investir les candidats pour les élections locales et législatives. Reprécisant aussi en profondeur son rôle et ses moyens d’actions, le Parti Socialiste pourra engager un renouveau militant et devenir durablement le pôle qui tirera l’ensemble de la gauche vers les succès, s’élargir progressivement pour devenir le parti de toute la gauche et rester ainsi la pépinière d’où émergera le futur candidat. » Comment ne pas voir la dynamique démocratique que les primaires américaines ont suscité en permettant de surmonter la compétition entre Hilary Clinton et Barack Obama ? Certes le système fédéral américain est très spécifique. Mais l’Italie ? La gauche y a voté deux fois en 2005 (4,3 millions de citoyens) et en 2007 (3,5 millions de citoyens) pour départager son candidat à la présidence du conseil. D’ailleurs la Fondation Terra Nova a repris le chantier (O. Duhamel et O. Ferrand, « Pour une primaire à la française », août 2008) de telle sorte qu’il y a largement matière à débat. Mais qui se l’est approprié durant les dernières semaines ? Le congrès socialiste va-t-il s’en saisir ?François Hollande ne veut pas : « La désignation du candidat du PS à la présidentielle doit relever de ses seuls adhérents. Sinon que restera-t-il de l’autorité du PS et de sa capacité à porter un projet collectif ? » (Libération du 30 août). Hollande a décidément perdu la main sur bien des terrains ; mais Pierre Moscovici qui lui était allié avait repris à son compte l’idée des primaires ouvertes dans la contribution qu’il avait signée avec Arnaud Montebourg en juillet. Et les motions de Ségolène Royal comme celle de Martine Aubry l’ont fait clairement figurer dans leurs propositions. Les conditions sont donc bel et bien réunies pour que le congrès socialiste traite clairement de ce sujet, ce qui lui donnerait un petit air d’actualité conforme au changement américain. Attendons-nous à ce que d’aucuns n’y voient qu’un alignement de plus sur la transformation du PS en Parti démocrate. Or ce serait reprendre le combat de Jaurès qui soutenait que le socialisme était indissociable de la République. Les conditions contemporaines de l’accomplissement démocratique de celle-ci, aux antipodes du présidentialisme sarkozyste sont d’une parfaite actualité. Cela passe par un retour au parlementarisme dans le parti et de la démocratie dans l’investiture présidentielle. Allez socialistes, encore un effort pour être républicains !

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