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Professeur Emérite à l'Université de Montpellier. Doyen honoraire de la Faculté de Droit. Président de la Convention pour la 6° République (C6R).

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Billet de blog 13 novembre 2011

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Le retour d'un fédéralisme de la contrainte

La crise financière débouche sur la perspective d'un eurofédéralisme avec une Union Européenne à deux cercles: l'un fédéral (la Communauté) avec les Etats qui choisissent la monnaie unique au prix de la perte d'une part plus grande que jamais de leur souveraineté ; l'autre confédéral (l'Union) avec tous les autres préférant rester dans une simple zone intergouvernementale de libre-échange.

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La crise financière débouche sur la perspective d'un eurofédéralisme avec une Union Européenne à deux cercles: l'un fédéral (la Communauté) avec les Etats qui choisissent la monnaie unique au prix de la perte d'une part plus grande que jamais de leur souveraineté ; l'autre confédéral (l'Union) avec tous les autres préférant rester dans une simple zone intergouvernementale de libre-échange.

Cette vision est passablement schématique sauf pour ce qui concerne l'octroi d'un pouvoir fédéral partagé entre les banques et un Conseil ramassé autour d'un « directoire franco-allemand ». En fait cette invocation d'un fédéralisme fiscal apparu à l'issue du sommet de Nice du 29 octobre dernier est un leurre pour atténuer la mise sous tutelle des gouvernements nationaux déstabilisés par la crise. Aucune proposition institutionnelle n'est venue l'étayer.

Au contraire, le Conseil de l'UE vient d'adopter (sans débat et lors d'une session du Conseil « Affaires économiques et financières ») le 8 novembre 2011 six propositions législatives «visant à renforcer la gouvernance économique au sein de l'UE, plus particulièrement dans la zone euro ». Ces mesures visent à renforcer la discipline budgétaire dans le cadre du pacte de stabilité via un « renforcement de la surveillance des politiques budgétaires et l'introduction de dispositions relatives aux cadres budgétaires nationaux ».

Elles visent aussi à « élargir la surveillance des politiques économiques des Etats-membres » par l'introduction d'un « critère de dépenses qui implique que leur augmentation annuelle ne dépasse pas un taux de référence pour la croissance du PIB ». Si un déséquilibre est constaté l'Etat-membre sera « invité à adopter un plan d'action correctif dans un délai déterminé » et ce selon la règle de la « majorité inversée » selon laquelle la proposition de la Commission d'infliger des sanctions sera considérée comme adoptée sauf si le Conseil la rejette à la majorité qualifiée. Cette automaticité exclut donc toute délibération parlementaire de quelque ordre que ce soit. C'est une négation pure et simple des principes les plus élémentaires du fédéralisme qui prévoit une chambre de représentation des citoyens avec des pouvoirs essentiels.


Cette impasse devrait conduire à penser autrement le fédéralisme généralement corrélé au concept de souveraineté, ce qui fige le choix entre la confédération d'Etats et l'Etat fédéral. Certains auteurs (par exemple Olivier Beaud, "Théorie de la Fédération." Paris, PUF 2009) proposent de déplacer ce dilemme classique vers la notion de « pacte fédératif » qui met sur un pied d'égalité les puissances fédérales et fédérées dans une nouvelle institution, personne morale à part entière qui internalise les relations jusque-là interétatiques.

Cela amène à accorder une importance particulière au moment fondateur (constituant et contractuel) de l'institution qui établit une continuité entre les deux formes fédérales-confédérales qu'on oppose habituellement dans une acception juridique. Toutes choses qui ont été manquées en 2005. La reconsidération politique et anthropologique du fédéralisme est une promesse essentielle contenue dans l'histoire de la construction européenne. Plus que jamais elle devrait être actualisée pour ne pas laisser aux marchés et aux eurocrates la maîtrise d'une gouvernance anti-démocratique.

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