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Professeur Emérite à l'Université de Montpellier. Doyen honoraire de la Faculté de Droit. Président de la Convention pour la 6° République (C6R).

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Billet de blog 14 avril 2015

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"Les Républicains":une caricature historique ?

Le "brainstorming" a accouché d'une souris: pour faire oublier les casseroles de l'UMP, Sarkozy lance "Les Républicains" comme s'il s'agissait d'une formidable nouveauté . Il oublie la "Fédération Républicaine", nom d'un des principaux partis de la droite française de l'entre-deux guerres qui sombra avec Vichy. 

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Le "brainstorming" a accouché d'une souris: pour faire oublier les casseroles de l'UMP, Sarkozy lance "Les Républicains" comme s'il s'agissait d'une formidable nouveauté . Il oublie la "Fédération Républicaine", nom d'un des principaux partis de la droite française de l'entre-deux guerres qui sombra avec Vichy. 

La Fédération Républicaine vit le jour en 1903 en rassemblant les vaincus de l'affaire Dreyfus: anti-laïque, nationaliste, nostalgique de l'alliance du sabre et du goupillon. Ce "programme" fit qu'elle resta à l'écart des gouvernements de la III° République jusqu'à la guerre de 1914. Mais elle est une des grandes forces de la "chambre Bleu horizon" en 1919. Et elle restera la formation majeure de la droite dure de l'entre-deux-guerres. Si elle se réclame de la tradition républicaine et des libertés civiles de la Déclaration de Droit de 1789, c'est pour mieux défendre la liberté d'entreprendre contre les "monopoles d'Etat" (téléphone, chemins de fer…) ainsi que pour réclamer un régime autoritaire: contre le droit syndical pour les fonctionnaires, contre le droit d'association aux "groupements antipatriotiques et anti-sociaux", pour la limitation du droit de grève, pour la liberté de l'enseignement catholique… Et elle cultive un certain anti-parlementarisme en réclamant un régime doté d'un Exécutif fort. Du coup, elle voit avec sympathie les ligues d'extrême-droite et elle entretient des relations régulières avec les Croix de Feu et les Jeunesses Patriotes. Certes de grands notables catholiques comme Louis Marin, député de Meurthe et Moselle et plusieurs fois ministre, mais aussi François de Wendel, maitre des forges de Lorraine, donnent le change: ils construisent un vrai parti, chose restée assez rare dans la droite française de l'époque. Avec 180.000 adhérents en 1938, une influence importante dans la presse" (Le Figaro, Le Temps, Le Journal des Débats, jusqu'au Petit Parisien qui tire à 1 million d'exemplaires) et un soutien matériel important du patronat (de Wendel est le pivot du Comité des Forges mais aussi Régent de la Banque de France), la Fédération Républicaine est une force essentielle des années Trente: 2 millions de suffrages exprimés (un cinquième du total) en 1936. Elle pratique une surenchère qui gène la droite modérée, tant sur les dettes de guerre, la revalorisation du Franc ou contre la politique d'A. Briand. Animée par la hantise du "danger révolutionnaire" depuis la Révolution russe et la création du PCF, elle sert de paravent à l'archipel de l'extrême-droite et manifeste une vive sympathie pour Mussolini et Franco. En 1937, elle adhère au Front de la Liberté proposé par Doriot et le Parti Populaire Français. Elle relaie ainsi le mot d'ordre: "Plutôt Hiltler que le Front Populaire". Le 10 juillet 1940 ses parlementaires (sauf Marin et de Wendel, hostiles à l'armistice) votent avec enthousiasme les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Dès lors, elle se confondra avec X. Vallat et P. Henriot, deux figures majeures de la collaboration et de la chasse au juifs. Elle ne s'en remettra pas et disparaitra à la Libération.

Epilogue: la Fédération Républicaine est une des formations de droite qui a toujours exploité sous la III° République, la confusion sur le terme même de République. Elle l'a fait pour se rapprocher toujours plus de l'extrême-droite jusqu'à être supplantée par celle-ci. L'histoire ne se répète pas; elle se caricature. Avec le lancement sarkozyste des "Républicains", nous y sommes peut-être.

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