La presse est pleine, ces derniers temps, de portraits de « l’étoile montante de la Sarkozie » (Le Monde du 9 janvier), à savoir Eric Besson, secrétaire d’Etat à la prospective qui devrait prendre bientôt la responsabilité de ce qui restera comme le ministère de la honte, celui de « l’immigration et de l’identité nationale ». Il devrait aussi devenir secrétaire-général adjoint de l’UMP reconstituée.
Ainsi ces portraits mettent-ils l’accent sur la psychologie du personnage que ce soit pour souligner qui sa « susceptibilité exacerbée », qui son « aisance » ou « ardeur au travail ». Mais en-deçà du personnage, Besson s’inscrit dans une histoire politique, en prolongeant celle du courant néo-socialiste de l’entre-deux guerres. Ce courant a posé, à partir de 1928 de vraies questions que la SFIO de l’époque et Blum en particulier s’efforçaientd’esquiver : la participation au pouvoir avec les radicaux, l’alliance entre classe ouvrière et classes moyennes, le rôle de l’Etat dans la régulation du capitalisme. La dernière question, celle d’un Etat fort prit une place de plus en plus centrale dans les analyses de cette droite du parti: au congrès de la SFIO en 1933 les « Néos » défendirent une perspective nettement nationaliste axée sur le tryptique : « Ordre, autorité, nation ». Et ils crurent voir dans le fascisme une variété de socialisme. Ils provoquèrent « l’épouvante » chez Léon Blum et furent exclus. Ceux qui incarnaient le plus ce courant s’appelaient Marcel Déat et Adrien Marquet. Le premier avait de grandes qualités de théoricien et de travailleur ; et le second de gestionnaire puisqu’ il était maire de Bordeaux dés 1925 et le resta jusqu’à la Libération. Tous les deux trouvaient injuste etimpossible de ne pas gouverner ; ils furent donc ministres, l’un dans le gouvernement Doumergue au lendemain du 6 février 34 (Marquet ministre du travail), l’autre dans le gouvernement Sarraut en janvier 36 (Déat ministre de l’Air).Ce début de carrière gouvernementale fut fauchée net par le succès du Front Populaire. Et à partir de là, la dérive fut sans rivages. Déat tentera de rassembler les dissidents socialistes dans un parti collaborateur et après 1941 fera la course avec Doriot auprès des nazis. Marquet coopéra prudemment avec Vichy.
L’évocation de cette histoire n’est pas faite pour présenter Besson comme un avatar de ces figures de « Néos ». L’histoire comme on le sait ne se répète pas sauf pour se caricaturer. Il convient simplement de garder en mémoire ce que l’ambition du pouvoir peut produire comme aveuglement, reniement et dérive. La rupture avec une force politique organisée est toujours périlleuse si ce n’est parfois dramatique. Les années Trente regorgent d’exemples concernant les socialistes autant que les communistes.C’est qu’un parti n’est pas qu’une machine électorale ou un réservoir de leaders ou d'ambitions. C’est une entreprise culturelle qui gère la relation à un passé, à des luttes, à des symboles inscrits dans les représentations collectives de citoyens qui s’y réfèrent de génération en génération. S’avouer « sans état d’âme » comme vient de le proclamer Eric Besson pour justifier sa trajectoire pourrait bien être la marque de très contemporaines dérives dans une administration horteufeuisée et zélée de l’identité nationale.