La séquence de la réforme des retraites se conclut par un fait inacceptable : le texte qui met en cause le rapport à la vie et au travail, de plusieurs générations, va être adopté sans vote. De par la seule volonté d’un président de la République et d’un gouvernement privés de majorité dans le pays comme au parlement.
Il faut d’abord empêcher cette forfaiture. Ensuite, en finir avec les causes institutionnelles d’une telle aberration.
- En finir avec la forfaiture, c’est censurer le gouvernement Borne et du même coup faire disparaître le projet de loi sur les retraites. Le vote de la motion de censure ne sera pas facile. La Constitution l’a rendu compliqué : le vote a lieu au scrutin public à la tribune par appel nominal ; seuls sont recensés les suffrages favorables à la censure ; seuls votent les partisans de la chute du gouvernement ; l’abstention profite donc au gouvernement. En l’occurrence, si les députés (de droite) qui allaient s’abstenir lors du vote de la loi ce jeudi 16, persistent dans cette attitude ce lundi 20, cela signifiera qu’ils soutiennent finalement l’Exécutif et ratifient le texte de la Commission mixte paritaire.
La difficulté d’un tel vote n’a été vaincue qu’une seule fois, en 1962, dans l’histoire de la V° République. Même s’il réussissait cette fois-ci, il conduirait sans doute à une dissolution, ce qui ne règlerait rien dans le dysfonctionnement organique de ce régime.
-Il faut donc ouvrir le chantier d’un changement de celui-ci pour que la France se dote enfin d’un système équilibré. C’est en finir avec un présidentialisme unique en Europe . La question est : quand et comment ? Trois réponses sont possibles.
1) On peut prendre à la lettre la déclaration du président de la République annonçant son intention de réviser la Constitution avec le concours d’une « commission trans-partisane ». Sauf que le recours au 49-3 réduit à rien cette intention, même et surtout si les pistes suggérées sont peu convaincantes sinon extra-constitutionnelles. Dès lors, et puisqu’il s’agit –paraît-il- d’éviter de voir Le Pen lui succéder, Macron pourrait engager un processus plus ambitieux : puisqu’il ne pourra pas se représenter dans quatre ans, pourquoi n’initierait-il pas une dé-présidentialisation de la V° République ? Cela supposerait simplement la suppression des actuels articles 8 (le pouvoir de nomination-révocation du Premier ministre par le Président) et 12 (le droit présidentiel exclusif de dissolution de l’Assemblée Nationale). Déjà, des constitutionnalistes proposent leurs services. Au nom de l’expertise, ils rêvent à la consécration qu’ils connurent avec le « Comité Vedel » institué en décembre 1992 par François Mitterrand. Même s’il s’élargissait à quelques citoyens tirés au sort, le défaut d’un tel processus est justement celui d’une expertise problématique, socialement bien située (des professeurs d’université) et finalement démocratiquement déficiente.
2) On pourrait donc sans délai, avoir recours au mécanisme d’une « Assemblée citoyenne » du type « Convention pour le climat » installée en octobre 2019 par le Conseil Economique, Social et Environnemental. Mais il est vrai que le non respect et l’inapplication de ses conclusions ne rend pas optimiste sur une telle formule, tant qu’elle reste à la discrétion du président de la République.
3) Il reste donc la reprise d’une campagne par les formations qui se sont programmatiquement prononcées pour une VI° République. Donc, à ce jour les composantes de la Nupes, mais aussi d’autres organisations au-delà de la gauche. Depuis les élections législatives de juin 2022, cet objectif a complètement disparu de l’horizon de ces formations. Dans l’hypothèse de l’invalidité des deux premières réponses, le champ serait ouvert à des initiatives délibératives dans tout le pays, autour d’objectifs rendant désirable un processus constituant, cheminant de manière convaincante jusqu’aux élections de 2027. La communication des Cahiers de doléance déposés dans les mairies à la fin du mouvement des Gilets jaunes, pourrait être un premier acte de cette démarche.
C’est le projet que soutient la Convention pour la 6° République. Il est impensable de laisser sans réponse la question démocratique telle que cet épisode de la réforme des retraites, l’a une fois de plus posée. L’idée du changement de régime devient toujours un peu plus cardinale pour enrayer la destruction de l’espace et de l’esprit public comme des principes fondamentaux de notre société. L’actuelle Constitution y contribue en permanence. Il faut s’en défaire.
Le Conseil d’administration de la C6R.
Vendredi 17 mars 2023, 16h.