Cette petite phrase est venue ponctuer les propos de Jean-Luc Mélenchon au Grand Jury LCI-RTL-Le Figaro du 9 janvier. Elle fut promue par ce Tweet du candidat lui-même : « Pendant le travail de la Constituante, et avant de passer à la 6° République, je serai un Président de plein exercice. J’aurai en charge le temps long, dans un esprit plutôt proche de ce qu’avait imaginé le Général De Gaulle ».
Ces quelques mots peuvent ruiner le travail obstiné que la France Insoumise a mené sur la question du changement de République. Le programme « L’avenir en commun » (Le Seuil, décembre 2016) s’ouvrait sur un chapitre (Démocratie et Institutions) où la première « mesure-clé » serait de « convoquer un référendum (article 11) pour engager le processus constituant et décider des modalités de composition de l’Assemblée constituante ».
Ce texte est resté inchangé dans la nouvelle mouture du programme « pour l’union populaire » (Le Seuil, novembre 2021). Une seule nouvelle disposition y a fait son apparition : « Le projet de Constitution proposé par l’Assemblée constituante sera soumis à référendum après deux ans de travaux ».
Ce dernier « détail » (la durée de deux années prescrite à la Constituante) mériterait, à soi seule débat.
Deux ans (et 3 mois) c’est le temps mis par les Tunisiens pour adopter leur nouvelle loi fondamentale en janvier 2014. Mais il avait fallu négocier des droits fondamentaux avec les islamistes d’Ennahdha. C’est aussi le temps pris par les Islandais entre 2009 et 2012 pour féconder un processus constituant. Commencé avec une forte mobilisation citoyenne et une participation électorale élevée, ce processus s’est enlisé et le Parlement n’a jamais ratifié le projet de nouvelle Constitution, dans l’indifférence générale. Le temps long, c’est aussi de l’usure et de la perte de sens.
C’est ce que semblent avoir compris les Chiliens. En octobre 2020, 78% des votants au référendum, se sont prononcés en faveur d’un nouveau texte. Une Assemblée constituante a donc été élue en mai 2021. Durant 3 mois, elle a pris le soin d’adopter un solide règlement intérieur. A partir d’octobre elle a travaillé en commission (au nombre de 7) et en réunions participatives dans tout le pays. Ce délai de 3 mois va se conclure le 15 février prochain par l’examen et l’approbation d’un texte, à la majorité des 2/3 et en séance plénière. Cinq mois au maximum sont prévus pour cela. Un référendum devrait conclure le processus en septembre 2022.
Un an et quatre mois : voilà un temps bien rempli et bien venu pour inspirer confiance.
Il pourrait éclairer en France, les partisans de l’avènement d’une 6° République. Car ce qui manque encore à celui-ci, c’est la définition rigoureuse d’un processus capable de rassurer les Français (favorables à 62%, jamais moins depuis 2014, d’une 6° République). Et le temps y tient une place essentielle.
Pourquoi donc deux ans, comme prévu par Jean-Luc Mélenchon ?
Sa déclaration du 9 janvier contient pour l’instant une seule raison : qu’il puisse être « Président de plein exercice ». Avec un mode d’emploi qui aggrave l’inquiétude, puisqu’il s’agira pour lui, de s’inspirer du Général De Gaulle entre 1958 et 1962.
Nous voilà très, très loin de la réalisation d’une aspiration démocratique que pourrait porter la société toute entière, dans l’esprit, bien moderne celui-là, de celle qui s’était intéressée et mobilisée ( avec un taux record de participation –près de 70%- au référendum) à la prétendue Constitution européenne en mai 2005.
Tout ceci montre l’importance d’un débat sur la question démocratique avant l’élection présidentielle d’avril prochain. Pour l’instant, les propos de Jean-Luc Mélenchon dégagent un fumet plutôt désagréable parmi les effluves parfumés de son meeting de Nantes.