William Christie est un nom qui flamboie au zénith de la musique française. C’est lui qui, américain de naissance, s’est employé, dès le début des années 70, à redécouvrir la musique baroque et tout particulièrement le répertoire français des XVII° et XVIII° siècles (Atys, de Lully, en 1987, c’est lui). Il n’aura pas été qu’un claveciniste, , mais aussi un précieux musicologue, un chef d’orchestre, un pédagogue, un entrepreneur culturel, ouvert à un large public.
Sans évoquer cet acte de basse police dont il aurait été victime sans considération aucune, les « Artistes et équipes du concert des Arts Florissants » affichaient dans la Philarmonie et diffusaient jusque dans le programme de salle (gratuitement distribué à tout spectateur) la déclaration suivante :
« Nous, intermittents artistes et autres membres du personnel ayant rendu ce soir ce concert possible, tenions à nous adresser à vous concernant la réforme des retraites. Si cette réforme des retraites touche l’ensemble des salarié-es, elle fragilise encore plus celles et ceux en emploi discontinu.
D’une part, à l’instar d’autres professions, nos métiers sont exigeants et comportent aussi des pénibilités spécifiques.
Nous nous opposons donc à cette réforme qui a été passée sans vote en utilisant l’article 49.3 et qui frappe les plus précaires, et particulièrement les femmes, aux carrières souvent fragmentées et aux salaires plus faibles dans bien des cas. Dans nos secteurs où il est difficile pour certains et certaines de travailler au-delà de 50 ans, les modalités seront encore plus défavorables qu’avec les règles actuelles.
Nous sommes solidaires avec les millions de personnes mobilisées depuis plusieurs semaines maintenant et continuerons à élever nos voix jusqu’à ce qu’elles soient enfin entendues par le président et le gouvernement.
C’est ensemble que nous devons agir par tous les moyens pour empêcher cette réforme injuste.
Merci pour votre attention et bon concert ».
Le concert fut plus que bon : William Christie (car il fut bien à son poste comme si de rien n’était) donna à cette version des « Saisons » une force remarquable et exaltante. Ce n’est pas un banal résultat, tant le livret de cet oratorio est faible et niais ; en résonance avec la sensibilité des Lumières sans doute, mais dans une célébration du bonheur sans conflit et par la vertu du travail.
Bref un credo libéral quasi macronien, heureusement noyé par une grande forme musicale. Sauf qu’il y a un éclair final fulgurant. Et il sauve tout le reste. C’est le récitatif final (n°42) d’un des trois personnages, Simon :
« Vois ici, homme fourvoyé,
vois l’image de ta vie.
Ton bref printemps est passé,
Epuisée, la force de ton été.
Déjà un automne décline vers la vieillesse (…)
Où sont-ils donc, les grands projets.
Les espoirs de bonheur,
La quête de la vaine gloire ? (…)
Où sont-ils donc les jours heureux ? (sic) »
Elégie parfaite à l’adresse de celui qui, se croyant président de la République, n’avait fait, à mi-journée que remplacer Jean-Pierre Pernaut. Et qui, à l'instar de sa police, ne connait pas cette musique.
Une involontaire mais belle revanche des « Artistes et équipes des Arts Florissants » … et de William Christie.