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Professeur Emérite à l'Université de Montpellier. Doyen honoraire de la Faculté de Droit. Président de la Convention pour la 6° République (C6R).

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Billet de blog 23 juillet 2008

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Discipline et politique: le temps des nouveaux notables.

Le tintamarre provoqué par l’indiscipline de Jack Lang a de curieux effets. Passons sur celui qui veut que le PS réussisse une fois de plus à faire oublier la vraie nature de cette réforme,

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Le tintamarre provoqué par l’indiscipline de Jack Lang a de curieux effets. Passons sur celui qui veut que le PS réussisse une fois de plus à faire oublier la vraie nature de cette réforme, quelques-uns de ses parlementaires regrettant maintenant à medias ouverts de ne l’avoir pas votée. Un procès s’instruit ainsi contre la discipline de vote au Parlement avec un sous-entendu : d’un côté les esprits libres affranchis de l’autorité de leur parti ; de l’autre les affidés en tout genre aliénés par celle-ci.

On gagnerait à faire une petite place à l’histoire de cette notion de discipline politique. Certes les premiers constituants décidèrent dés 1789 que « le mandat impératif est nul » formule qui figure encore au fronton de l’article 27 de l’actuelle Constitution. Jusqu’à ce qu’apparaissent les partis, au début du XX° siècle donc, les Chambres étaient peuplées majoritairement de notables qui n’imaginaient pas se voir imposer une quelconque « opinion commune », c’est-à-dire collective. Et ce n’est qu’en 1910 à la Chambre des Députés et en 1921 au Sénat que les groupes parlementaires ont été reconnus. A partir de ces dates, les groupes sont devenus un rouage essentiel de la vie parlementaire de tous les instants. Ils ont aussi été un instrument de moralisation politique : l’élu ne pouvait plus invoquer les intérêts particuliers du sol de sa circonscription contre ceux, collectifs de sa famille politique. La discipline de groupe est donc un moyen imparfait mais capital contre tous les corporatismes et particularismes. Elle n’est bien sûr pas un règlement intérieur de type militaire. Plus la démocratie est grande dans le groupe mieux sa discipline est acceptée. Enfin elle n’est qu’une résultante de l’investiture donnée par un parti à son candidat. Dans les systèmes représentatifs modernes, cette investiture est une condition préalable à l’élection et en particulier au suffrage uninominal. Un contrat s’établit ainsi entre le candidat et les électeurs dont le parti et son groupe parlementaire sont les garants. La discipline de groupe est donc à la fois un outil fonctionnel indispensable à la démocratie parlementaire et une précaution morale contre les aventures personnelles.

Si l’on veut supprimer la discipline de groupe, il faut aller jusqu’au bout : réclamer l’extinction des partis politiques comme le faisait Simone Weil (lire sa « Note sur la suppression générale des partis politiques » aux Editions Climats). Mais c’était en 1940 quand ils s’étaient avérés incapables de sauver la République. En sommes nous-là ?

Le cas de Jack Lang est le symptôme d’une crise, moins de cette « vertu disciplinaire » qui appartient à notre tradition démocratique qu’à celle du Parti socialiste. Le groupe socialiste s’est plutôt bien comporté dans cette révision : il n’a pas exclu à l’origine de la discussion de celle-ci de se montrer consensuel ce qu’avait bien su exprimer Arnaud Montebourg chargé du dossier. C’est l’espoir de Nicolas Sarkozy de casser une nouvelle fois la discipline du groupe qui a fermé toutes les portes d’un possible accord sur le fond. Il n’y a que Laurent Joffrin qui ne s’en est pas aperçu. Mais le Parti socialiste lui, n’a pas été à la hauteur de la situation notamment dans son travail de mobilisation de l’opinion.

L’indiscipline de Lang est donc le symptôme d'une décomposition bien plus ample d'une génération qui a accédé au pouvoir, il y a plus d'un quart de siècle avec François Mitterrand et qui ne sait plus vivre hors les institutions de la V° République. Lang en est le porte-voix quand il dit : " Je n'ai aucune leçon de socialisme à recevoir et il n'appartient à personne de décider si je dois faire partie de tel ou tel cénacle". Force est de constater qu’en ces périodes de privatisation généralisée de tout lien social et collectif, il fait école dans les cercles dirigeants du PS. Celui-ci ressemble de plus en plus au Parti radical du début des années Trente. Son incapacité à avoir une stratégie, tout particulièrement sur la question des institutions, en est l'illustration la plus criante. Il ne sait même plus s'il est parlementariste ou présidentialiste. S'il n'engage pas une authentique reconstruction à son prochain congrès, il pourrait bien se réduire à n'être plus qu'une agence semi-étatique dépourvue des ressources sociales et politiques de ceux et celles qu'il est censé représenter. Sa parole sera celle de la cohorte de ses innombrables chefs, petits et grands. Certains se réjouiront que là aussi la concurrence soit "libre et non faussée" . La discipline politique aura vécu ; le tempsdes nouveaux notables sera venu.

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