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Professeur Emérite à l'Université de Montpellier. Doyen honoraire de la Faculté de Droit. Président de la Convention pour la 6° République (C6R).

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Billet de blog 25 avril 2013

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Le mépris du Parlement, jusqu'où ?

En quelques jours, l'Exécutif a sacrifié à  la pire tradition des pratiques autoritaires anti-parlementaires de la V° République. Ce n'est pas cette fois-ci, sur des questions de procédure mais sur des sujets emblématiques que sont, tout autant l'accord dit de sécurisation de l'emploi (ANI) et l'amnistie sociale. Ce sont deux registres sur lesquels le Parlement détient des prérogatives essentielles: le droit d'amendement et le pardon légal.

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En quelques jours, l'Exécutif a sacrifié à  la pire tradition des pratiques autoritaires anti-parlementaires de la V° République. Ce n'est pas cette fois-ci, sur des questions de procédure mais sur des sujets emblématiques que sont, tout autant l'accord dit de sécurisation de l'emploi (ANI) et l'amnistie sociale. Ce sont deux registres sur lesquels le Parlement détient des prérogatives essentielles: le droit d'amendement et le pardon légal.

Le samedi 20 avril, 48 heures après la fin de la discussion générale au Sénat sur l'ANI, face à quelques centaines d'amendements Communistes et Verts, le gouvernement a eu recours à l'article 44-3 (le vote bloqué). L'assemblée n'a donc pu se prononcer par un seul vote que sur les amendements acceptés par le gouvernement. C'est la même procédure utilisée en 2010 par le gouvernement Fillon sur la réforme des retraites. A l'époque, Martine Aubry, Première secrétaire du PS avait déclaré: "On refuse aux élus de la Nation le temps nécessaire au débat. Cette décision déshonore et discrédite le gouvernement et le président de la République". Et aujourd'hui ?

Ce jeudi 25 avril, c'est la proposition de loi défendue par le Front de Gauche qui se voit opposer un véto du même gouvernement. Elle avait pourtant fait l'objet d'un premier vote des sénateurs de gauche au Sénat avec l'approbation de la Garde des Sceaux, au prix d'une forte révision à la baisse du périmètre de son application. Ce pouvoir d'amnistier est fondamental, inscrit à l'article 34 de la Constitution, le noyau dur du domaine de la loi très réduit en 1958. Il déroge au principe de la séparation des pouvoirs puisqu'il donne au parlement un pouvoir de justice. Mais le Conseil Constitutionnel (décision du 8 juillet 1989) a confirmé qu'il était bien dans le ressort du pouvoir exclusif du Parlement. 

On n'entrera pas ici dans le contenu des deux textes. Il s'agit de prendre la mesure de ce qui est entrain de se passer: un alignement du pouvoir en place sur la dévaluation continue du parlement dans nos institutions.  On posait ici-même  la question (voir billet du 9 septembre 2012) de savoir si la Gauche allait revaloriser les droits du Parlement comme l'avait annoncé F. Hollande durant sa campagne. Cette question devient: jusqu'où ira cette dévalorisation ? On peut parier que les dispositifs de la révision de la Constitution par Sarkozy en 2008 vont s'appliquer: de la "réserve de vote" à la "procédure accélérée".

 La gauche a inauguré dés novembre 1982 cette marche à l'abime: il s'agissait alors de réhabiliter les huit anciens généraux putschistes de 1961 en Algérie, après qu'ils aient été amnistiés. Devant la ferme opposition du président du groupe socialiste d'alors, Pierre Joxe, le gouvernement eut recours à l'article 49-3. C'est l'arme nucléaire anti-parlementaire par laquelle la loi est adoptée sans vote des parlementaires ; le même article dont il est question aujourd'hui mais pour contrer la mauvaise volonté des députés sur les mesures anti-corruption.

Devant tant de reniement, on renverra aux débats concernant l'amnistie des (selon la droite) "criminels, assassins, incendiaires" de la Commune de Paris.  Amnistie partielle en 1879, complète en 1880. Gambetta, hésitant et prudent avait fini par la plaider en ces termes: " il faut que vous disiez à tous, à ceux-ci dont on déplore l'absence (10.000 exilés et déportés) et à ceux-là, dont on regrette quelquefois les contradictions et les désaccords (les anarchistes), qu'il n'y a qu'une France et qu'une République". C'était le 21 juin 1880 à la tribune de la Chambre des Députés quand le Parlement était respecté et que les républicains n'avaient pas peur de leur ombre.

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