Les campagnes présidentielles n’ont jamais été le moment propice pour débattre des défauts de nos institutions et des remèdes à y apporter. Pourtant en 2007 le candidat Sarkozy a fait la promesse électorale de réformer en profondeur la V° République. Et il l’a tenue : une substantielle révision a été votée par le Congrès le 21 juillet 2008. Depuis, l’hyper-présidentialisme s’est renforcé plus que jamais. Si bien qu’un défi est lancé à la gauche aujourd’hui : elle qui n’a jamais réussi à démocratiser ce régime laissera-t-elle le débat sous le boisseau dans cette campagne et le monopole de la révision à la droite ? Pour le relever elle doit s’emparer de deux questions : l’une de méthode et l’autre de contenu.
La méthode est plurielle : du recours à l’une ou l’autre procédure de référendum jusqu’à l’élection d’une assemblée constituante, les trois candidats en lice (François Hollande, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon) les proposent avec plus ou moins de précision. Pour ce qui est du référendum, la conquête par la gauche de la majorité de Sénat en septembre dernier a levé un obstacle majeur si par hypothèse, celle-ci l’emportait aux législatives de juin : l’exigence de l’article 89 qui veut que le projet ou la proposition de révision soient votés en termes identiques par les deux chambres avant d’être soumis au Congrès ou à référendum sera aisément satisfaite. Mais peut-on se contenter d’un débat exclusivement parlementaire préalablement à un vote populaire de ratification par Oui ou par Non ? Les Français ont montré en 2005 sur le Traité constitutionnel européen un véritable engouement pour discuter d’un texte pourtant complexe. Depuis l’expansion de l’interactivité dans les réseaux sociaux comme la multiplication d’exemples à l’Etranger autorisent à imaginer une greffe de démocratie participative sur la procédure parlementaire et référendaire. Quant à la Constituante, si elle ouvre le cercle du débat avec l’élection spécifique de députés pour la circonstance, on a du mal à l’imaginer dans la foulée d’une élection législative gagnée. La promesse d’un temps spécifique dans l’ordre du jour du Parlement (deux jours par semaine pendant trois mois par exemple) ne serait-elle pas mieux adaptée dès lors que les candidats à la Présidentielle et à aux Législatives l’auraient faite leur durant leur campagne ? Une fois élus, ils pourraient alors se prévaloir de ce mandat constituant et lui donner corps.
L’autre question est celle du contenu de la révision. La V° République a conservé les bases permettant une relance du parlementarisme. Mais la dérive présidentialiste du régime, la confusion des pouvoirs, l’abus du système majoritaire ont complètement dénaturé cet héritage. Il est donc essentiel que soit établie la liste de réformes que la gauche s’engage à faire immédiatement dans le cadre des institutions actuelles pour favoriser ce mouvement. A entendre les trois candidats elle est déjà substantielle : depuis le mandat unique des députés jusqu’à de nouveaux droits garantissant l’indépendance de la justice et des médias. Il peut y avoir là le socle d’une transition vers un véritable régime démocratique. Mais celui-ci ne sera pas établi tant que la répartition des pouvoirs entre le Président et le Premier ministre ne sera pas redéfinie ainsi que la responsabilité politique de l’un comme de l’autre. En d’autres termes la gauche peut ouvrir la voie à un quinquennat doublement réformiste : d’abord changer la V° République pour mieux changer de République avec le soutien des citoyens. La VI° République serait alors l’autre nom d’une audace démocratique qui serait une des conditions de la confiance populaire retrouvée.
Il importe donc d’enrichir ce débat sans attendre les lendemains d’élection. C’est la contribution que la Convention pour la 6° République y apportera en organisant un forum sur ces thèmes le 9 mars à Paris.
(Ce texte est paru dans Libération. Jeudi 23 Février 2012 / Rebonds p.20)
Vendredi 9 mars 2012 à 19h
«Comment passer à une 6° République et laquelle ? »
avec
François Hollande, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon ou leurs représentants
et
Edwy Plenel, président-fondateur de Mediapart
Arnaud Montebourg, président d’honneur et fondateur de la C6R
Paul Alliès, président de la C6R
Musée Social - 5 rue Las Cases, Paris, 7°. Metro Solferino