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Professeur Emérite à l'Université de Montpellier. Doyen honoraire de la Faculté de Droit. Président de la Convention pour la 6° République (C6R).

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Billet de blog 30 avril 2011

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Nouvelles du front tunisien

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On mesure très mal en France le scandale que constitue la persécution des quelques 20.000 tunisiens entrés en Europe (500 millions d'habitants) par Lampedusa et la manière humaine, chaleureuse, digne avec laquelle les tunisiens accueillent dans le sud, à Dehiba plus de 260.000 personnes fuyant Khadafi (qui les poursuit jusqu'en Tunisie dont la population est d'un peu plus de 10 millions d'habitant). Sans soutien à la hauteur de la France. Notre gouvernement sait manifestement faire la guerre; il sait moins faire de l'aide humanitaire pour en gérer les conséquences.

Ce front-là nous ramène au front politique. La commission dirigée avec talent par Iadh Ben Achour a poursuivi son travail: l'adoption d'un code électoral parmi les plus progressistes qui soit (avec l'instauration d'une parité effective) et la définition d'une procédure fine pour l'élection de l'Assemblée Constituante (la représentation proportionnelle au plus fort reste). Elle s'oppose en ce moment à la prétention du président de la République qui a déjugé sa proposition concernant l'exclusion de membres du RCD (le parti de Ben Ali aujourd'hui dissout) des candidatures aux prochaines élections. Elle maintient son intransigeance portant sur les 20 dernières années (et pas seulement 10) d'appartenance au parti et refuse que le chef de l'Etat puisse décider de la légitimité démocratique de ceux qui ont collaboré avec un système de corruption inouï. Même les plus blasés ou avertis ne soupçonnaient pas le degré qu'a atteint celui-ci (On parle de 5 Milliards de dollars).

Pour le reste, les 156 membres de la "Commission" aborderont sans doute bientôt la question e la Déclaration des droits. Les islamistes d'Ennadah commencent à faire la fine bouche et demandent que cette question soit réservée à l'Assemblée constituante. En deçà des débats Ben Achour nous expose avec une grande intelligence son expérience des réunions compliquées de son assemblée , perdue dans l'immensité de la Chambre des conseillers (le Sénat) du Palais du Bardo, à l'architecture et décoration saoudo-ouzbèque de l'ère Ben Ali. Et il expose comment le sens même de la délibération a disparu du savoir pratique des délégués qui du coup s'en remettent, y compris les plus radicaux, aux "vieux sages" ou aux experts.

Le pouvoir délibératif est pourtant le socle de la démocratie représentative, amoindri qu'il est dans les plus antiques régimes de celle-ci. Alors en Tunisie ! Faut-il s'en désoler ? Oui, dit Ben Achour qui s'emploie à l'instiller dans la seule instance provisoire de type parlementaire que connaît son pays. Le président Ben Achour est vraiment un homme des Lumières et l'Islam politique ne l'inquiète pas outre mesure. Car il croit que la force de l'institutionnalisation, les procédures démocratiques et l'apprentissage du suffrage universel libre seront une contrainte forte, y compris pour leurs ennemis.

Pour ce qui est des partis politiques, nous en sommes à 63 formations reconnues légalement. Ce ne sont pas des partis mais des clubs dont la dispersion pose un problème de lisibilité populaire et d'identification électorale. La discussion avec les responsables d'Ettadjid nous le confirme: ils s'emploient à prôner la formation d'une "Alliance Démocratique et Moderniste" (moderniste signifie ici laïque et progressiste) entre les mouvements de gauche et plus largement , démocrates. Là, c'est l'absence d'un savoir pratique organisationnel qui se fait sentir. Les partis qui en revendiquent l'appellation n'ont pas les ressources humaines et matérielles pour tenir les promesses de celle-ci. C'est une réelle inconnue pour les élections du 24 juillet.

Problème que ne se posent pas vraiment les jeunes de Radio Mosaïque, la plus écoutée de toute la Tunisie. Les propriétaires sont restés mais les journalistes se sont imposés. Le ton des émissions y est indéniablement vif et créatif. Ils interrogent pendant une heure Arnaud Montebourg sur des sujets qui ne semblent pas intéresser autant les journalistes français.

Arnaud Montebourg effectue un séjour de quatre jours en Tunisie. Il enchaîne posément les rencontres dans tous les milieux, depuis le Premier ministre jusqu'aux blogueurs les plus connus. Ce samedi nous partons à Sidi Bouzid, cette ville à 400 km au sud où est née la révolution arabe, le jour où Mohamed Bouazizi s'y est immolé. C'est en tant que président du Conseil Général de Saône et Loire que Montebourg va dans ce gouvernorat signer des accords de coopération soigneusement préparés par ses services, avec des acteurs et entrepreneurs de la société civile. Il sera le premier et unique élu français à y séjourner et même à y coucher.

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