Le congrès du PS commence ce dimanche avec la réunion des secrétaires de sections qui vont venir à Paris écouter les discours de J.C. Cambadélis et M. Valls. Samedi prochain, un Conseil national enregistrera les contributions générales et thématiques. Les premières ont vocation à devenir des motions qui seront soumises au vote d'orientation national. Les secondes sont dans la tradition délibérative du parti, laquelle voulait qu'elles soient largement ouvertes aux contributions de tous les militants.Cette fois-ci des restrictions ont été apportées (nombre de signes, pas d'édition papier, classement obligatoire dans des thématiques fermées). On trouvera ci-après et en avant-première la contribution déposée sur la 6° République. Elle l'a été sous les rubriques imposées "Libertés", "Réforme de l'Etat et décentralisation", "Vie du PS"; car rien n'a été prévu (ni "République", ni "Démocratie" par exemple) pour débattre du sujet qui agite pourtant bien des sensibilités dans le PS comme en dehors de lui, premier signe du refoulement délibéré d'un débat pourtant considéré comme central il y a quelques mois par le Premier secrétaire. Le texte suivant a été signé par 54 personnes représentant la "sensibilité" restée proche des idées d'Arnaud Montebourg dans 43 Départements (Fédérations).
Changer de Régime pour changer la politique
Les manifestants du 11 janvier ont affirmé leur attachement à la République et à ses valeurs. Demeure une crise de confiance majeure vis-à-vis de notre système politique. Nous devons apporter des réponses en promouvant un régime démocratique moderne.Or, s’il est un domaine où les espoirs de 2012 ont été déçus, c’est bien celui de la réforme du présidentialisme qui ronge le système politique français et gangrène ses institutions.
Pourtant François Hollande avait avancé, lors de sa campagne une série de propositions allant dans le bon sens. Dès son discours de Dijon le 3 mars 2012, il avait déclaré : "Je ne suis pas venu vous présenter une nouvelle Constitution (…). Ce qui ne signifie pas - je veux rassurer certains de mes amis - de renoncer à faire évoluer notre texte fondamental dans le cadre d'une République nouvelle" ; et de souhaiter que « les parlementaires se saisissent de la réforme des institutions ». Ni l’un, le Président, ni l’autre, la majorité parlementaire n’ont tenu ces promesses. La liste des propositions, affichée par le premier était pourtant ambitieuse: depuis la réforme du statut du chef de l'Etat et du Conseil supérieur de la magistrature jusqu'au contrat de législature en passant par la restauration des droits du Parlement (jusqu’à l’extension du contrôle des nominations à la direction des grands organismes) ; de la suppression de la Cour de justice de la République jusqu'à l'instauration d'une part de proportionnelle aux élections législatives en passant par la reconnaissance d'un droit de vote aux résidents immigrés. Et n’oublions pas l’engagement de « réorienter l’Europe » (Syriza l’a entrepris en Grèce), vite oublié lui aussi alors qu’il aurait pu améliorer le fonctionnement de ses institutions et leur redonner une dimension démocratique.
- Un immobilisme chronique.
Encore annoncée en janvier 2013, la convocation du Parlement en Congrès de révision de la Constitution pour le mois de septembre suivant a été bien vite abandonnée au motif que la majorité des trois cinquièmes requise ne serait pas atteinte. Si Sarkozy avait fait preuve de la même timidité en juillet 2008, il ne serait pas parvenu à modifier plus de la moitié des articles de la Constitution. Il ne restera donc rien des espérances réformatrices levées à l’aube du quinquennat.
Même la pratique des institutions est restée la même et tout particulièrement sur le terrain de l’assujettissement du Parlement à l’Exécutif (« un Parlement mineur » dit Sandrine Mazetier, vice-présidente de l’Assemblée Nationale), source du déséquilibre des pouvoirs dans cette République. François Mitterrand (dont on sait l’approche pragmatique qu’il avait eu des institutions en dépit de leur caractère qu’il avait jugé « dangereux » au terme de son mandat), avait consacré un de ses derniers discours, le 19 avril 1995, à ce sujet : " Les évènements qui se sont produits depuis quelques décennies, ont voulu que les pouvoirs du Parlement fussent rabotés, je dirais par le haut avec les institutions européennes et rabotés par le bas par la multiplication, que j'ai désirée moi-même des pouvoirs décentralisés. Si bien que l'Assemblée nationale (…) ne sait plus, exactement, où se trouve sa compétence.(…) Elle s'est trouvé ligotée dans un certain nombre de procédures: comme celle qui fait que le gouvernement a seul, l'initiative de l'ordre du jour. Elle s'est trouvé de toute part réduite dans ses compétences, ses autorités et ses fonctions. (…) Il n'est pas normal que le Parlement en soit réduit à l'état où il se trouve ; dans la lettre, le Parlement a beaucoup de pouvoir, il peut tout contrôler, mais je crois qu'il n'use pas assez de cette compétence-là. Il peut tout contrôler, et si on l'empêche de contrôler, il doit l'exiger, il doit se faire entendre, il doit refuser sa confiance au gouvernement parce qu'il s'agit là des institutions, il s'agit de la survie de notre République.(…) Je ne vous demande pas de faire une VI° République, je vous demande que le Parlement retrouve son droit de contrôle, j'allais dire sans limite. Et cette limite est souvent procédurière ou procédurale. Il faut que vous refusiez le pouvoir gouvernemental qui, par la procédure, vous interdit en réalité de débattre de ce dont vous voulez débattre, et de pouvoir aller jusqu'au terme de votre débat."
Or, dès les premiers mois de l’actuelle législature, l'Exécutif a sacrifié à la pire tradition des pratiques autoritaires anti-parlementaires de la V° République sur des sujets emblématiques. On s’en tiendra à un exemple, celui de l'accord dit de sécurisation de l'emploi (ANI) (mais on pourrait aussi prendre celui de l'amnistie sociale). C’est un registre sur lequel le Parlement détient des prérogatives essentielles: le droit d'amendement (et le pardon légal). Sur ce premier point, le 20 avril 2013 le gouvernement a eu recours à l'article 44-3 (le vote bloqué). L'assemblée n'a donc pu se prononcer par un seul vote que sur les amendements acceptés par le gouvernement sur un texte dont l’enjeu était une profonde révision du code du travail. C'était la même procédure qu’avait utilisé en 2010, le gouvernement Fillon sur la réforme des retraites. A l'époque, Martine Aubry, Première secrétaire du parti, avait déclaré: "On refuse aux élus de la Nation le temps nécessaire au débat. Cette décision déshonore et discrédite le gouvernement et le président de la République". A cela s’ajoute l’usage banalisé de l’article 40 qui, au motif d’empêcher les parlementaires de créer des dépenses nouvelles a restreint encore un peu plus leur droit d’amendement. Quant aux mesures héritées de la « réforme Sarkozy », J.J. Urvoas, actuel président de la commission des Lois à l’Assemblée Nationale en avait brillamment instruit le procès (dans une note pour Terra Nova du 19 janvier 2010 intitulée « L’agonie de la démocratie parlementaire »). Elles ont été toutes soigneusement conservées : la « procédure accélérée », le « temps législatif programmé », « le vote solennel » couplé avec le « vote bloqué », la « réserve de vote » ; ce sont là autant de dispositions qui restreignent la liberté des débats parlementaires. Même le principe de légiférer par Ordonnances (cette « législation de chefs de bureau » comme les qualifiait Guy Carcassonne) a été défendu à plusieurs reprises (le 12 mars 2013, le 2 janvier 2014, le 19 janvier 2015) par le Président de la République relayé par le Premier secrétaire du parti estimant qu’il convient de "ne passer par la loi que quand cela est strictement indispensable".
On ne s’étonnera donc pas que cette culture antiparlementaire de la V° République ait conduit à la séquence des réprimandes, menaces et autres intimidations des « députés frondeurs » quand ces derniers ont voulu, en 2014, exercer simplement leur mandat de représentant du peuple en amendant les textes du gouvernement.
Le président de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone a bien proposé en janvier 2013 de modifier le règlement de celle-ci dans trois domaines : une meilleure organisation des travaux en séance publique ; une meilleure valorisation du contrôle et de l’évaluation ; un renforcement de la transparence du fonctionnement de l’Assemblée. Mais le travail, présenté le 20 novembre 2014 a accouché d’une réforme minuscule qui de plus « n’étend pas les droits du Parlement mais ceux du gouvernement » (R.G. Schwartzenberg). Sans doute est-ce pour cela que le même C. Bartolone a pris l’initiative de mettre en place un groupe de travail sur « l’avenir des institutions » qu’il a installé le 27 novembre 2014. Mais son rapporteur, Michel Winock a d’emblée écarté « l’idée d’une réforme de la Constitution » si bien que les débats ont jusqu’ici tourné autour de considérations générales allant de la crise de la représentation à la prise en compte de la « société du risque ».
Finalement, c’est à la suite de scandales révélant l’immoralité qui a gagné la sphère des dirigeants politiques, socialistes compris, que s’est imposé ce qui restera comme le principal progrès institutionnel de ce quinquennat : la création de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique et les lois du 11 octobre 2013. Chargée d’une mission de service public, elle doit promouvoir en toute indépendance la probité des responsables publics et prévenir les conflits d’intérêts. Les vingt propositions qu’elle vient de faire dans son rapport du 5 janvier 2015 en matière d’exemplarité publique confirment qu’il y a de quoi faire pour reconstruire la confiance des citoyens dans leurs institutions. La loi du 14 février 2014 (il aura fallu presque deux ans pour l’adopter alors qu’elle aurait pu l’être dans les six premiers mois de la législature) interdisant le cumul des fonctions exécutives locales avec le mandat de parlementaire, va sans doute dans le même sens ; mais elle ne sera applicable qu’après mars 2017. Et surtout elle ne dit rien sur le cumul des mandats dans le temps (alors que 82% des Français sont pour un cumul limité à deux mandats consécutifs et 79% favorables à un âge limite pour se présenter à une élection –sondage Harris mars 2013-). Un statut de l’élu au rabais (il ne prévoit pas de définition du conflit d’intérêts) a été voté après deux ans de navettes le 22 janvier 2015 et ne s’appliquera qu’après les prochaines municipales.
C’est donc l’immobilisme qui aura caractérisé notre présence dominante dans les institutions de la République (faut-il rappeler qu’en 2012 nous y étions absolument majoritaires, tant au niveau national, Sénat compris, qu’au niveau territorial et local ?). Plus grave encore : en 2017 nous aurons totalisé prés d’un quart de siècle de présence en tout ou partie au pouvoir sans avoir rien changé à son exercice.
- Un présidentialisme mortifère.
Ce grand renoncement à essayer de changer quoi que ce soit est d’autant plus remarquable que la dénonciation du bonapartisme de la V° République fait partie du patrimoine génétique du Parti tel que refondé au congrès d’Epinay. De l’accusation de « coup d’Etat permanent » porté par F. Mitterrand, au « projet socialiste pour la France » de 2006, « refonder la République » a toujours été une des exigences des socialistes. Une inflexion est apparue avec la cohabitation conduite par Lionel Jospin en 1997-2002 : défendre « l’esprit des institutions » est devenu une nouvelle revendication qui a abouti à la promotion du quinquennat et à l’inversion du calendrier électoral de 2002 sans laquelle les Français auraient élu l’Assemblée Nationale avant de choisir le Président de la République. Double grave erreur à l’époque occultée par l’idée que l’on pouvait « Présider autrement » cette République (mot d’ordre de la campagne de L. Jospin). Depuis, l’idée que le style personnel de celui ou celle qui occupe la fonction peut l’emporter, surtout s’il est de gauche (le « Président normal » de F. Hollande en 2012) sur la logique présidentialiste, s’est imposée. Or l’histoire de ces 25 ans de présence au pouvoir démontre le contraire : les institutions sont plus fortes que les hommes et les femmes qui les incarnent, quelle que soit leur bonne volonté démocratique. Et ces institutions se résument à une exception française : la toute-puissance d’un chef de l’Etat qui gouverne (plus que jamais avec le Quinquennat) en dominant l’ensemble des autres pouvoirs, provoquant confusion et irresponsabilité. Il peut décider de faire la guerre sans que le Parlement en débatte vraiment (la présidence Hollande battra un record en ce domaine). Il peut même changer complètement de politique sans tenir compte ni de sa majorité parlementaire, ni du parti qui le soutient, ni de ses électeurs. Aucun des treize autres pays membres de l’Union Européenne où le Président de la République est élu au suffrage universel direct ne connaît ce désordre parce que le pouvoir de celui-ci y est clairement délimité et respectueux de la légitimité parlementaire (et du chef de sa majorité, le Premier ministre). En 1962, Pierre Mendès France fixait une position dont il ne se départira jamais et qui reste cruellement actuelle: « Choisir un homme sur la seule base de son talent, de ses mérites, de son prestige (ou de son habileté électorale), c’est une abdication de la part du peuple, une renonciation à commander et à contrôler lui-même, c’est une régression par rapport à une évolution que toute l’histoire nous a appris à considérer comme un progrès ». Pourtant méfiant et aguerri contre les usurpations de pouvoir par le Parlement de la IV° République dont il était un procureur inlassable, il restait fidèle au principe de la légitimité parlementaire : « Les citoyens qui élisent une Assemblée votent pour des partis dont les doctrines sont connues, au moins quant à leur orientation générale, ils se prononcent sur des programmes, sur des propositions. Par contre lorsqu’un homme est porté à la tête de l’Etat par le suffrage universel, c’est essentiellement sur sa personne que l’on vote. En fait, « on lui fait confiance », « on s’en remet à lui », et parfois sur la base de promesses plus ou moins démagogiques. » Le non-respect du programme sur lequel a été élu le Président est devenu banal. Cette condamnation radicale repose sur une philosophie politique qui fait toute sa place à la démocratie délibérative, à l’échange argumenté et public d’opinions contradictoires. Elle est le fondement de la culture démocratique et de la Gauche française. C’est le socle de la démocratie en Europe et au-delà que nous devons rejoindre au lieu de rêver à une nouvelle présidentialisation du Régime, redevenue à la mode.
Il y a toujours eu des socialistes qui préconisent le passage à un véritable régime présidentiel de type nord-américain. Cela voudrait dire chez nous et pour l’essentiel, supprimer le Premier ministre. Or, cette solution fait l’impasse sur cinq facteurs essentiels: 1) la tradition du bonapartisme propre à l’histoire politique de la France enracinée dans la société. 2) la faiblesse des Régions (même agrandies) et du contre-pouvoir territorial (très réel dans un Etat fédéral comme les USA). 3) l’aggravation des défauts inhérents à l’élection présidentielle : la schématisation des enjeux et la bipolarisation arbitraire. 4) le déport des pouvoirs actuels du Premier ministre sur ceux du Président. 5) l’exceptionnalité de ce système dans le cadre européen empêchant toute convergence des systèmes constitutionnels nationaux.
Les effets de cette réforme risqueraient donc d’amplifier la crise démocratique propre à la France. L’élection présidentielle engendre un taux de déception inégalé ailleurs, en nourrissant le mythe de l’homme providentiel. Et surtout elle dévitalise tous les autres scrutins, à commencer par l’élection législative qui lui succède et lui est inféodée. En 2012 au 2° tour de celle-ci, 43,7% des inscrits se sont abstenus (c’est le plus fort taux d’abstention depuis 1848). Si l’on ajoute les 3,9% de bulletins blancs et nuls et les 6% de non-inscrits ce sont 53,6% des Français en âge de voter qui se sont détournés du scrutin, tout spécialement les jeunes et les milieux populaires. La Gauche majoritaire n’a été élue que par un quart des inscrits. Comment s’étonner qu’en France, la moyenne d’âge des députés (55 ans) soit parmi la plus élevée des Parlements européens, que la diversité sociale et culturelle y soit particulièrement réduite, que les femmes y soient si peu nombreuses (27%) ? Avec une représentativité aussi fragile, comment s’étonner que les députés soient si dépendants du Président dont la domination est exagérée par une bipolarisation artificielle ? Au final 72% des Français ne font pas confiance à leurs responsables politiques (Harris et Ifop, mars 2013) et autant considèrent que le système politique fonctionne mal ou très mal, un des chiffres les plus bas d’Europe. Les moments comme ceux que nous venons de vivre avec les attentats, où le Président fait figure de recours opportun, sont et resteront l’exception ;
Le présidentialisme sous toutes ses formes est à la racine du mal qui ronge la V° République. Le renouveau démocratique exige de rompre avec lui et avec elle.
- Une 6° République ouverte à la société
De plus en plus nombreux sont ceux (en dehors du parti) qui estiment urgent un retour aux bases parlementaires de la Constitution de 1958. Les derniers en date sont plutôt inattendus : une importante fondation américaine (le « Peterson Institute ») estimait en novembre 2014 qu’ « une réforme du système politique est indispensable en France » par une suppression pure et simple des articles de la Constitution concernant le pouvoir de révocation du Premier ministre par le Président et son droit de dissolution. Il y a indéniablement un socle parlementariste dans la Loi fondamentale que les cohabitations (celle de 97 notamment) ont réactivé. Mais la longue dérive présidentialiste du régime, l’accumulation des pratiques a-démocratiques, la confusion des pouvoirs, leur colonisation par une caste technocratique, l’abus du système majoritaire ont complètement dénaturé cet héritage. L’abandon rapide des projets de la campagne de 2012 en est une nouvelle confirmation. Si bien que les propositions innovantes mais partielles (le droit d’amendement citoyen, la réduction du nombre de parlementaires, la dose de proportionnelle…) apparaissent comme insuffisantes pour rétablir la confiance parmi les citoyens.
Il faut donc passer à un système parlementaire primo-ministériel dans lequel sera redécoupé le périmètre des pouvoirs entre le Président et le Premier ministre, celui-ci exerçant, comme partout ailleurs en Europe la responsabilité principale de la conduite de la politique de la Nation.
Ce serait retourner aux fondamentaux du Parti, définis par les Projets socialistes successifs qui, depuis juin 2006 réclament tous « une République parlementaire » en déclinant les formes que cela doit revêtir : depuis le contrat de législature fondé sur le droit de dissolution du Premier ministre jusqu’à une redéfinition des pouvoirs modernes du Parlement (contrôle du gouvernement, des ministres, de leurs administrations ; évaluation ex-ante et suivi de la loi…) élu à la proportionnelle personnalisée (avec transformation du Sénat en grand conseil des opinions de France et des Régions). Cette nouvelle République devra instaurer un Etat de justice et réduire l’influence des "grands corps" que forment pour l'essentiel l'Inspection des Finances, le Conseil d'Etat, la Cour des Comptes (la V° République leur a donné une force spécifique inégalée ailleurs, dans la défense politico-administrative de leurs idéologies et logiques de carrière, jusque dans les arbitrages rendus à l’Elysée). Cette nouvelle République devra inventer une démocratie délibérative et participative, dans les assemblées locales (où elle est la grande oubliée de la réforme territoriale en cours) comme dans la société civile (avec une véritable procédure référendaire d’initiative populaire). Elle devra renouer avec une laïcité qui garantisse les libertés de tous sans exclure personne.
Ces pistes sont explorées par un nombre grandissant de clubs de réflexion et d’ONG qui travaillent à l’avènement d’une 6° République. Il est stupéfiant que le parti se ferme complètement à ceux-ci comme l’a fait le secrétariat national aux institutions au cours des derniers mois en décidant ne vouloir débattre qu’avec ceux (une petite fraction des socialistes et quelques responsables centristes) qui se contentent de vouloir « changer la Constitution plutôt que de changer de Constitution ».
Ces perspectives de changement de Régime peuvent être ouvertes à droit constant pour les prochaines élections présidentielles. Point n’est besoin d’attendre ni le « grand soir » d’une crise sociale ni la convocation problématique d’une assemblée constituante. N’avions-nous pas imaginé en 2007, au début de la campagne de Ségolène Royal, une méthode démocratique de révision et donc d’un possible passage à une 6° République ? Le ou la candidate à la présidentielle puis les candidats à la députation annoncent pendant la campagne, leur programme de changement institutionnel. Ainsi investis d’un mandat constituant et après l’approbation d’un projet de réforme sur lequel le Premier ministre a engagé sa responsabilité, les parlementaires consacrent une part de leur ordre du jour durant quelques semaines à la discussion d’un projet de loi constitutionnel. Dans ce même délai, un comité d’une cinquantaine de personnes, allant des représentants de la présidence de la République à ceux d’associations spécialisées en passant par des citoyens tirés au sort forme, sous l’autorité du ou de la Garde Sceaux, un Forum consultatif constitutionnel ouvert à l’interactivité citoyenne sur les réseaux sociaux. Une synthèse est faite entre le texte de l’Assemblée et celui du Forum. Un référendum (article 11) la ratifie ou pas. Cette méthode n’a sans doute pas l’allure flamboyante d’une assemblée constituante, mais elle permettrait un investissement populaire au moins égal à celui de 2005 sur le pourtant très abscons projet de « Traité établissant une Constitution pour l’Europe ». A condition de les vouloir, les conditions d’un changement sont donc bien possibles sans circonstances exceptionnelles.
Cette perspective d’une 6° République n’est pas l’affaire de quelques experts ou juristes. Elle est la réponse à l’exaspération démocratique qui a saisi la société française et dont profite le Front National : 62% des Français se déclarent favorables à une 6° République (Odoxa-Le Parisien 23 novembre 2014). « La question démocratique est partie intégrante de la question sociale » rappelait inlassablement Mendès-France. C’est encore plus vrai aujourd’hui où la révolution de l’information a fait naître un désir de participation et d’échange généralisé entre les citoyens. C’est une aspiration qui était latente dans les manifestations du 11 janvier pour une République de tous et pour tous, ouverte à la société. Osons répondre enfin à ce qui est une attente populaire. La 6° République est l’autre nom d’une audace démocratique, une des conditions de la confiance populaire retrouvée.
(Le 25 janvier 2014)