Paul Cassia (avatar)

Paul Cassia

Professeur des universités en droit

Abonné·e de Mediapart

205 Billets

0 Édition

Billet de blog 9 août 2017

Paul Cassia (avatar)

Paul Cassia

Professeur des universités en droit

Abonné·e de Mediapart

Pour un vade-mecum des droits et devoirs du conjoint du président de la République

Il n’y a guère de raison de s’opposer à ce qu’un document précise les droits et devoirs du conjoint du président de la République ; toute la question est de déterminer le contenu de ce document.

Paul Cassia (avatar)

Paul Cassia

Professeur des universités en droit

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Divers moyens matériels, financiers et humains sont traditionnellement attribués à l’entourage du président de la République, à la discrétion de ce dernier et en toute opacité.

Cette situation de fait a conduit à des excès (v. l’excellent « Croquis » de Hubert Huertas : Transparence et eaux troubles à propos de Brigitte Macron), entretenant des polémiques récurrentes comme en témoigne cet article de Cécile Dehesdin sur Slate.fr le 10 mai 2012, celui de Samuel Laurent sur Lemonde.fr du 14 janvier 2014 ou celui de Marie Simon publié le même jour sur l’Express.fr

C’est pour éviter leur réitération qu’il est nécessaire de formaliser ce à quoi le conjoint peut ou ne peut pas prétendre (ce que ne fait pas, contrairement à une idée reçue, la loi américaine du 2 novembre 1978 qui n’évoque qu’à la marge l’épouse du président et du vice-président des Etats-Unis : v. les articles Sec.105. (e) et Sec. 106. (c)), plutôt que d’attendre les rapports de la Cour des comptes ou les révélations de la presse d’investigation pour le découvrir a posteriori.

Aussi, le principe de l’établissement d’un vade-mecum des droits et devoirs du conjoint du président de la République – quel que soit le sexe de l’un et de l’autre, qu’ils soient mariés, pacsés ou en concubinage – est bienvenu.

La presse rapporte que l’Elysée réfléchit depuis « plusieurs semaines » à ce statut, s’interrogeant notamment sur le point de savoir s’il doit prendre la forme d’une charte, d’un communiqué de presse, d’un engagement, d'un guide voire d’un décret du président de la République comme cela fut le cas pour les cabinets ministériels (mais pas pour le cabinet du président lui-même).

Annoncée depuis mai 2017, la publication de ce statut, désormais évoqué sous le nom de « charte de la transparence », a été repoussée à fin août/début septembre par les services de l’Elysée.

On ne comprend pas très bien pourquoi il faut tellement de temps aux énarques/entrepreneurs de l’Elysée, qui affirment urbi et orbi carburer à « l’efficacité », pour élaborer ce document.

On ne voit pas davantage où est la difficulté à formaliser les droits et devoirs du conjoint du président de la République, ne serait-ce que pour dire qu’il ou elle n’a… quasiment aucun droit ni aucun devoir !

Autrement dit, on ne rejoint pas Hubert Huertas sur la forme lorsqu’il indique souhaiter « zéro statut » ; on le rejoint sur le fond en proposant un « statut zéro » (en faveur de la reconnaissance officielle d’un statut « actif » de conjoint du président de la République, v. Philippe Boggio, « Non à la Première dame ! », Slate.fr, 8 août 2017).

Voici à quoi pourrait ressembler ce « statut zéro » type du conjoint (homme ou femme) du président de la République, applicable quel que soit le ou la locataire de l’Elysée et quel que soit son statut marital :

DROITS ET DEVOIRS DU CONJOINT DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

1 – Le conjoint du président de la République veille, en toutes occasions, à ne pas intervenir dans le fonctionnement régulier des pouvoirs publics au sens de l’article 5 de la Constitution, ni à porter atteinte à la dignité, l’impartialité, l’intégrité et la probité avec lesquelles le président de la République exerce ses fonctions.

Sous ces réserves, le conjoint du président de la République peut exercer toute activité privée ou publique lucrative et intervenir publiquement sur tout sujet de son choix.

2 – Le conjoint du président de la République ne dispose, au sein des services de la présidence de la République, d’aucun traitement, d’aucune ligne budgétaire ni d’aucun personnel propre, à l’exception d’agents affectés à sa sécurité.

Le conjoint du président de la République et les enfants à leur charge peuvent bénéficier des avantages en nature (frais de bouche et logement) offerts par les services de la présidence de la République, à l’exclusion de toute autre dépense purement personnelle (frais vestimentaires ou de transport, équipement informatique, dépenses familiales…).

Aucun courrier ou courriel adressé personnellement au conjoint du président de la République n’est instruit par les services de la présidence de la République.

3 – Le conjoint du président de la République peut assister aux cérémonies publiques et privées officielles, en France ou à l’étranger, relevant des responsabilités du président de la République.

4 – Le conjoint du président de la République peut, à titre gracieux, répondre aux sollicitations d’organismes à but non lucratif, sous réserve que : a/ les frais afférents à cette participation soient assumés par l’organisation demanderesse, et b/ cette participation n’affecte ni le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, ni la dignité, l’impartialité, l’intégrité et la probité des fonctions exercées par le président de la République.

5 – Le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique peut être saisi par toute personne qui considère que le conjoint du président de la République aurait manqué aux devoirs ci-dessus énoncés.

Le président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique ou le membre de la Haute autorité qu’il désigne rend un avis public et motivé dans le mois suivant la demande. Les demandes non-anonymisées répétitives ou manifestement abusives sont publiées sur le site internet de l’autorité sans faire l’objet d’un avis.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.