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Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

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Billet de blog 1 septembre 2022

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Former un·e enseignant·e en quatre jours ?

Le ministre reconnaît qu’on ne forme pas un enseignant en quatre jours. Certes… mais les moyens actuels permettent-ils de faire mieux ?

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Le ministre reconnaît qu’on ne forme pas un enseignant en quatre jours. Certes… mais les moyens actuels permettent-ils de faire mieux ? 

Le cercle vicieux de la pénurie de personnel n’y aide pas car organiser des temps de formation nécessite de disposer de moyens de remplacement… ce qui n’est pas le cas du fait même de cette pénurie. On peut donc penser qu’une grande partie des formations que l’institution déclare vouloir organiser pour les personnels non formés sera annulée, comme c’est le cas depuis plusieurs années, faute de disposer des remplaçants nécessaires pour libérer les stagiaires. 

Reste alors à tenter de mobiliser toutes celles et ceux qui pourraient assurer un accompagnement de terrain qui ne nécessite pas l’organisation formelle de stages de formation. Le problème est que les personnels sollicités (formateurs, conseillers pédagogiques, directeurs et chefs d’établissement, inspecteurs, …) ont déjà de la difficulté à trouver le temps d’assumer leurs charges habituelles. Il faudra donc se contenter d’aides ponctuelles, irrégulières, une sorte de « bricolage » largement insuffisant face aux besoins et cela malgré l’engagement des personnels chargés de ces accompagnements. 

Mais au-delà de ces questions de moyens reste la question qualitative. Faire reposer le développement des compétences professionnelles sur ces formes aléatoires d’accompagnement induit une centration de la formation sur le conseil pratique qui, s’il est utile, ne peut se substituer au travail pédagogique et didactique de fond. 

Nous finissons par nous satisfaire d’une trousse à outils minimale pour un métier dont la complexité d’exercice nécessiterait une maîtrise de haut niveau. 

Quelles en sont les conséquences ? 

  • Tout d’abord une fragilisation professionnelle qui augmente les risques psychosociaux, conduit à des démissions et renforce les représentations néfastes à l’attractivité de la profession. Là encore, c’est un cercle vicieux qui est engagé : la pénurie dégrade les conditions d’exercice ce qui renforce la baisse d’attractivité et donc la pénurie.
  • Ensuite, cela produit une représentation au rabais des exigences professionnelles où la capacité à gérer le groupe-classe finit par suffire à satisfaire l’institution. Et cela au mépris de la complexité des situations d’apprentissage et des savoirs professionnels, pédagogiques et didactiques, qu’elles nécessitent pour dépasser les difficultés des élèves.  
  • De ce fait apparaît une troisième conséquence de l’absence de formation : elle dessert surtout les élèves qui rencontrent des difficultés d’apprentissage. Cela étant bien sûr renforcé par le fait que les familles les plus aisées disposent des moyens financiers pour suppléer aux carences de l’offre publique en payant des aides individuelles (cours particuliers, « coaching » , …). Pas étonnant que nous constations l’incapacité de l’école française à réduire les écarts puisqu’on ne forme pas les enseignant·es à être davantage capable d’y parvenir. 

Quels impératifs pour améliorer la situation ? 

Tant qu’une politique déterminée ne permettra pas de disposer des moyens pour le faire, nous assisterons, impuissants, à une dégradation qualitative dont il ne faut cesser de rappeler qu’elle empêche structurellement de répondre à une volonté politique de démocratisation scolaire.

Mais les moyens ne suffiront pas, il faudra aussi écarter des conceptions graves de conséquences.

  • Celle d’une réduction des exigences de formation et de diplomation universitaires préalables qui se légitimerait par le déficit d’attractivité. La complexité du métier nécessite une formation universitaire de haut niveau et on n’améliorerait pas la reconnaissance nécessaire à l’attractivité en baissant le niveau de recrutement. Par contre, il est indispensable d’en démocratiser l’accès avec un pré-récrutement offrant les aides financières nécessaires. 
  • Celle d’une formation clé de début de carrière qui viserait des compétences minimales, l’expérience suffisant à faire le reste!  Rappelons que la formation professionnelle est une nécessité permanente de la carrière, l’expérience ne construit pas automatiquement l’expertise mais doit être alimentée par une formation continue : la diminution drastique de cette formation continue est une erreur majeure en terme de qualité du service public d’éducation. 
  • Celle d’une alternance pour les stagiaires de formation initiale fondée sur des rationalités budgétaires de main d’oeuvre et non sur un équilibre raisonné qui permettrait une entrée progressive dans le métier. 
  • Celle d’une formation professionnelle qui se limiterait à transmettre des procédures méthodologiques que l’enseignant se contenterait d’exécuter. L’enjeu, si l’on veut résoudre les difficultés d’apprentissage, prendre en compte leur diversité et s’adapter à la réalité des problèmes rencontrés par les élèves, est le développement d’une capacité à concevoir des situations d’enseignement, ce qui nécessite à la fois une bonne maîtrise des contenus disciplinaires et une compétence didactique. 
  • Celle d’une formation essentiellement centrée sur l’accompagnement des réformes ministérielles au dépens du développement de compétences professionnelles qui transcendent les alternances politiques et évitent des focalisations ponctuelles et fluctuantes.

En assignant à l’école une mission de réussite de tous les élèves sans la doter des moyens pour le faire, le service public d’éducation restera soumis à une injonction paradoxale et connaîtra une progressive dégradation qualitative.

Une société démocratique et égalitaire ne peut accepter un tel choix!

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