La SEGPA accueille, de la 6ème à la 3ème des collégiens qui ont d’importantes difficultés scolaires et qui nécessitent des enseignements adaptés avec des effectifs réduits et des enseignants spécialisés proposant des démarches pédagogiques particulières. L’origine des difficultés de ces élèves est diverse mais on y retrouve souvent la convergence de situations sociales ou familiales éprouvantes et de difficultés personnelles.
Pour le reste, les élèves de SEGPA manifestent leur adolescence comme toutes les autres collégiennes et tous les autres collégiens y compris par ces manifestations que le sens commun qualifie parfois « d’âge bête » : provocations, jeux de positionnements rebelles face aux adultes, connivences construites sur des pratiques verbales ou comportementales dont le sens échappe aux adultes, provocations et maladresses… Rien que de plus ordinaire à un âge adolescent perçu par les adultes comme une crise passagère mais incontournable.
Une série et désormais un film ont décidé d’en faire une autre analyse. Les élèves de SEGPA n’y sont plus des adolescents ordinaires rencontrant des difficultés mais des imbéciles butés, insolents, bêtes et ignares…
Ce n’est plus désormais le constat d’un problème scolaire qui les caractérise mais une déficience personnelle se résumant à une stupidité totale. Cette caricature à outrance, que d’aucuns chercheront bien sûr à justifier au prétexte de l’humour, est une succession d’images dégradantes, de scènes méprisantes et stigmatisantes, de récits dédaigneux.
Le taux de visionnage de la série sur YouTube a sans doute constitué, cyniquement, une annonce de profit suffisant pour que les conséquences d’une telle stigmatisation sur les élèves eux mêmes puissent passer pour un dégât collatéral.
Ceux-là même qui cherchent à construire une image de générosité prévenante à l’égard des porteurs de handicap et nous assènent parfois sur le sujet leur morale compatissante, n’ont plus aucune réserve quand il s’agit de traiter violemment et sans respect des adolescents victimes de difficultés sociales…
Cyniquement, toute considération sur les effets psychologiques de ce mépris est ignorée… alors qu’ils s’exerceront sur des adolescentes et des adolescents fragilisés par leur histoire et leurs difficultés. La perspective d’un succès commercial fait taire toute précaution, et ceux-là même qui tiennent des discours lénifiants sur le harcèlement scolaire, parfois en écorchant les enseignants sur le sujet, sont capables de mettre en scène les stigmatisations qui, demain, produiront le harcèlement des élèves de SEGPA.
Honte à une société qui livre à la moquerie et au mépris ses adolescentes et adolescents les plus fragiles…