Le ministre de l’Éducation nationale a désormais un rendez-vous hebdomadaire avec la communauté éducative : la minute Pap !
Le premier rendez-vous, à la veille des vacances scolaires de la Toussaint, a donné lieu à un propos simple : jusqu’à maintenant l’école républicaine se caractérisait par une centralisation totale… désormais il s’agit de donner « des marges de manœuvre à la communauté éducative ». Dans des centaines d’écoles, de collèges et de lycées, nous annonce le ministre, des chefs d’établissement, des professeurs, des élèves, des associatifs, des élus élaborent ensemble un projet pédagogique qui sera financé par des fonds d’innovation. C’est, nous dit-il, « une démarche de transformation par le bas, par le terrain. »
Passons sur une analyse historique qui a fait bondir Claude Lelièvre[1] qui souligne la « bourde » qui attribue à la Troisième République et à Jules Ferry la formulation d’un autoritarisme ultra-centralisateur qui caractérisait en fait le Second Empire…
Mais au-delà, quelle enseignante, quel enseignant pourrait croire aujourd’hui que la politique éducative macronienne se caractériserait par une liberté nouvelle pour les enseignants ?
Pendant cinq ans, Jean-Michel Blanquer a fait la preuve d’une vision ultra autoritaire fondée sur des injonctions méthodologiques, par exemple sur les méthodes d’apprentissage de la lecture, face auxquelles la Troisième république fait presque figure libertaire ! Dans sa lettre de novembre 1883, Ferry proposait que les méthodes puissent servir sans asservir.
Pendant cinq ans la politique macronienne en matière de fonction publique a réduit le rôle paritaire des organisations syndicales privant les enseignantes et les enseignants de la possibilité de s’exprimer par la voix de leurs représentants.
Depuis la rentrée, le ministre actuel n’a guère donne le sentiment d’un infléchissement.
La formation continue des enseignants poursuit son objectif de mise en application des consignes ministérielles aux dépens d’un véritable développement des compétences didactiques et pédagogiques. Le Conseil scientifique de l’Education nationale a annoncé la semaine dernière sa volonté à interdire des « pédagogies inacceptables[2] ». Les profs qui ne cessent d’expliquer pourquoi la nouvelle organisation calendaire du bac est préjudiciable à l’organisation annuelle des enseignements ne sont toujours pas entendus. Quant à la réforme de l’enseignement professionnel, les orientations majeures ont été prises bien avant qu’un simulacre de concertation soit mis en œuvre.
Une minute… ce n’est effectivement pas vraiment le format de l’échange et de l’explication qui seraient favorables à une concertation capable de prendre en compte la divergence des points de vue et la réalité complexe du système scolaire.
C’est juste le temps du slogan, la culture de l’influenceur, le spot de pub…
Celui où on continue à vouloir croire que l’habileté du message peut se substituer à une prise en compte de la réalité.
Pendant ce temps, les inégalités se creusent, les profs démissionnent, les usagers déplorent la dégradation du service public.
[1] https://blogs.mediapart.fr/claude-lelievre/blog/051122/pauvre-ferry-pauvre-ndiaye-bourdes-historiques-de-premiere-grandeur
[2] Le Figaro, 01/11/2012