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Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

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Billet de blog 8 avril 2017

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Fillon : le retour du chèque-éducation?

L’engagement de François Fillon pour le financement du privé hors contrat, sans en définir précisément les modalités, ouvre à nouveau les perspectives du chèque éducation.

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Le chèque-éducation est la forme la plus radicale de réforme libérale de l’école. Il pose le principe de la fin du financement du service public par l’État pour lui substituer l’attribution directe d’une allocation versée aux familles qui financent ainsi pour tout ou partie la scolarité de leur enfant dans l’établissement de leur choix.

Peu de pays ont généralisé le chèque-éducation par son usage à la fois dans les écoles publiques et privées : les Pays-Bas, le Chili. D’autres l’ont réservé aux écoles privées (Colombie, Nouvelle-Zélande, Danemark, République Tchèque). Aux États-Unis, seuls certains états y ont recours et sa généralisation se heurte à un principe constitutionnel ne permettant pas un financement fédéral des écoles privées.

Aux arguments défendant le chèque-éducation sur les vertus de la concurrence entre établissements, se mêlent généralement des arguments plus idéologiques. La liberté familiale constituerait un rempart nécessaire contre un service public qui instillerait à ses élèves des idées bien trop progressistes, voire révolutionnaires. Jacques Garello, économiste, universitaire et président de l’ALEPS, association dédiée à la promotion du libéralisme, ne va pas dans la nuance pour défendre le chèque éducation comme instrument de résistance à une école jugée trop militante :  « Dans le système actuel, les jeunes sont amenés à gober toutes les idées reçues et les slogans d’enseignants militants : l’histoire de Zola à Guevara, de Robespierre à Staline, l’économie de Marx à Galbraith, la philosophie de Nietzsche à Derrida, la littérature d’Aragon à Neruda ». Jacques Garello ne craint pas le ridicule de l’excès!

Ces jugements outranciers sur l’école ont longtemps constitué une composante de l’engagement politique pour le chèque-éducation. C’est l’argumentation avec laquelle le Front National le défendait depuis 1981 pour l’abandonner par la suite. Argumentation reprise par le Centre national des Indépendants et Paysans : la liberté des familles et l’absence de tout contrôle par l’État sont revendiqués comme la seule lutte possible contre une école jugée propagandiste.

Pour autant si la droite est souvent restée en retrait d’une telle demande, les propos de François Fillon qui évoquent un financement de l’ensemble des choix éducatifs parentaux y compris vers le hors contrat ne sont pas une absolue nouveauté.

En 1979, dans une proposition de loi sur la famille, une centaine de députés du RPR et de l’UDF demandent la création du chèque-éducation.

En 1984, Alain Madelin publiait « Pour libérer l’école » un ouvrage plaidant pour une allocation scolaire directement versée aux familles. Son ouvrage diffusera l’idée qu’un tel financement permettrait l’ouverture du marché scolaire et les vertus de la mise en concurrence : « Seule l’introduction de l’allocation scolaire, dans le système éducatif, peut permettre l’émergence d’un véritable consumérisme scolaire grâce à la traduction immédiate sur le marché libre de l’enseignement, des besoins, des attentes et des demandes des consommateurs d’école. »

Aux législatives de 2002, Jean-Pierre Raffarin et Alain Madelin inscrivent le chèque-éducation dans leurs propositions électorales.

Lors de la campagne présidentielle de 2007, douze think-tanks réunis par l’ALEPS, réclament le chèque-éducation en liant sa mise en œuvre à la suppression du budget de l’Éducation nationale et du statut des fonctionnaires. Mais seuls Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers l’inscrivent dans leur programme. 

`L’idée ressurgit parfois, là où ne l’attend pas. Le rapport Attali (2008), en conclusion des travaux de la Commission pour la libération de la croissance française, en faisait la demande expresse.

Mais de façon générale, une grande partie de la droite semble avoir des difficultés à s’engager dans une conception qui renonce au contrôle de l’État sur l’éducation. Les modèles de subventionnement plus classiques ont la préférence. Interrogé sur la question devant l’Assemblée nationale, Luc Chatel considérait que le chèque-éducation n'était pas conforme à la conception française de la liberté d'enseignement.

Mais le discours actuel de François Fillon, celui tenu à Besançon par exemple, comme celui d’Annie Genevard, laisse planer l’ambiguïté. L’engagement pour le financement du privé hors contrat, sans en définir précisément les modalités, ouvre à nouveau les perspectives du chèque éducation.

  Paul Devin sur Tweeter : @pauldevin59

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