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Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

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Billet de blog 10 octobre 2024

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Retour des vieilles rengaines réactionnaires

Alexandre Portier, ministre délégué à la réussite scolaire et à l'enseignement professionnel, étale dans la presse son « plan de bataille » pour l’école : démagogique et réactionnaire !

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 Alors que la ministre Anne Genetet se contente de répéter quelques formules d’Attal et tout particulièrement celles de « l’ascenseur scolaire » et de « l’élévation du niveau », son ministre délégué étale dans la presse son « plan de bataille » pour l’école.
On y retrouve les habituels poncifs de la droite réactionnaire.
Tout d’abord celui de l’instrumentalisation de Pisa, au delà de la réalité précise de ses analyses, pour tenir des propos catastrophistes sur la situation de l’école française. Rappelons que l’enseignement essentiel de Pisa n’est pas celui d’un niveau scolaire lamentable (la France est dans la moyenne des pays de l’OCDE) mais d’un écart particulièrement marqué entre les élèves qui réussissent et ceux qui ont des difficultés majeures (la France est dans le groupe des pays les plus inégalitaires). Mais Alexandre Portier, ministre délégué à la réussite scolaire et à l'enseignement professionnel, préfère s’en tenir au constat d’une chute … qu’il explique en toute simplicité (1) : « le niveau des élèves baisse parce que celui des enseignants baisse ». Mais au-delà de ce constat, la logique aurait voulu qu’il défende les investissements budgétaires qui seraient nécessaires pour augmenter et améliorer la formation initiale et continue des enseignantes et des enseignants… Sur cela, pas un mot !

Autorité, excellence, uniforme
C’est ailleurs qu’Alexandre Portier veut engager sa bataille : autorité, excellence, uniforme (2).
Pour ce qui est de l’autorité, la droite ultra conservatrice et l’extrême droite l’affirment depuis longtemps comme un slogan porteur de miracle : il faut restaurer l’autorité. Mais c’est quoi restaurer l’autorité ? Il n’y a pas besoin d’être un grand analyste du système pour percevoir que les enseignants n’ont évidemment pas renoncé à l’autorité par idéologie laxiste. Pour tout dire, au vu des difficultés que beaucoup rencontrent dans la vie scolaire quotidienne, ils sont plutôt demandeurs d’un exercice efficace de l’autorité et déplorent d’être trop souvent, « pas de vagues » oblige, laissés au milieu du gué par leur hiérarchie. Et puisqu’il s’agit de niveau scolaire, n’oublions pas qu’il ne s’agit pas seulement de l’exercice de l’autorité mais de son articulation avec la réussite des apprentissages scolaires.
Pour ce qui est de l’excellence, nous ne devrions pas avoir d’inquiétudes pour les meilleurs de nos élèves : Pisa confirme leur excellent niveau. La question, c’est plutôt les autres pour qui l’enjeu n’est pas tant de proclamer une ambition d’excellence que de définir les modalités pour y parvenir. Reste alors à se mettre d’accord sur ce qu’est l’excellence scolaire … Faut-il par exemple la soumettre à la question de l’emploi pour considérer que l’enjeu fondamental de l’orientation serait de mettre en tête de nos priorités les filières « où il y a de belles carrières à mener » (3)?
Reste l’uniforme. Le totem n’a pas encore fait la preuve de ses fonctions magiques… Il a par contre montré ses limites : pas grand monde n’en veut et on imagine mal que le ministère vienne contraindre la communauté éducative et les collectivités territoriales à une dépense fort coûteuse dont les effets sur le niveau des élèves laissent dubitatifs. Alors en faire un vecteur d’amélioration globale du système relève du mantra.

Fondamentaux
La clef essentielle pour Alexandre Portier est que l’école se recentre sur les fondamentaux. Cette fois-ci, on oublie Pisa qui montre pourtant que les fondamentaux c’est déjà l’activité majeure de l’école française et bien davantage que les autres pays de l’OCDE. Le problème n’est donc peut-être pas vraiment là… A moins qu’il ne s’agisse pas tant de viser les fondamentaux que de vouloir sortir du champ scolaire les ambitions d’une éducation égalitaire capable de construire le jugement critique de l’élève. Quand Alexandre Portier parle des champs extérieurs à la « vocation de l’école », de quelle vocation parle-t-il car l’école n’en a pas d’autre que celle que lui fixe la politique éducative nationale. La vision scolaire d’Alexandre Portier, ne lui en déplaise, ne constitue pas une vocation naturelle de l’école. Bien sûr qu’il faut rester raisonnable et ne pas imaginer que l’école puisse régler l’ensemble des questions sociétales mais cela ne peut se confondre avec un repli exclusif sur les fondamentaux (4) .

Sans ministre ?
Alexandre Portier fait un constat qui apparaît comme paradoxal dans la bouche de celui qui se propose, par ailleurs, de donner un « cap clair » à l’école : il n’y a pas besoin de ministre … Tout va mieux sans réforme et sans pilotage (2). Pour preuve la rentrée, même sans ministre, s’est bien passée. Et le ministre délégué de fustiger l’« annonce politique qui désorganise tout ». Déjà faut-il considérer que la rentrée s’est bien passée quand près de 14000 lycéens étaient sans affectation deux semaines après la rentrée et que des professeurs sont manquant dans près de la moitié des collèges ou lycées ? On peut en douter. Pour le reste, les enseignantes et enseignants ont appris à se méfier des déclarations qui vantent la confiance pour mieux préparer l’injonction… ils n’ont pas oublié Blanquer !

(1) L’Opinion, 4 octobre 2024
(2) JDNews, 9 octobre 2024
(3) Le Parisien, 4 octobre 2024
(4) Sur cette question des fondamentaux : Paul DEVIN, La question des « fondamentaux » dans l’école française depuis 1945 dans Carnets Rouges, 31

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