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Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

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Billet de blog 11 janvier 2023

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La réforme du collège de Pap Ndiaye : clysterium donare, postea seignare !

Comment pourrait-on être convaincu de la réforme du collège annoncée par le ministre ?

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Au chevet du collège que le ministre Ndiaye considère comme l’élément « malade » du système, le docteur Diafoirus semble de retour :  « Clysterium donare, postea seignare, ensuitta purgare[1]. ».
On annonce doctement qu’il convient de revenir aux fondamentaux : davantage de dictées, de conjugaisons et de rédactions pour venir à bout des difficultés des élèves. A ce même chevet, la prescription fut maintes fois répétée par tant de ministres successifs sans avoir pourtant fait la preuve de sa capacité à venir à bout des problèmes. Cette fois-ci, le ministre s’étant apparemment approprié les convictions de son prédécesseur, la fluence s’ajoutera à la liste des potions sans que personne ne vienne s’étonner que ses effets miraculeux ne soient guère perceptibles après cinq ans de prescriptions répétées. Et pour convaincre le malade de l’impérative nécessité de se soumettre à l’ordonnance, le ministre ne cesse de répéter que le niveau baisse.
Si la preuve scientifique semble désormais l’argument majeur des réformes et de leurs impositions pédagogiques, cela n’empêchera pas que l’expérience d’Amiens[2] soit généralisée après quelques mois et avant même que le premier bilan même provisoire n’en ait été fait. Mais, la logique est parfois difficile à cerner, celle par exemple d’affirmer l’impérative nécessité de l’aide apportée aux élèves de 6ème quand la politique mise en œuvre a depuis deux décennies les en a systématiquement privé en détruisant les réseaux d’aide aux élèves en difficulté dont c’était justement la raison d’être… Et qui nous expliquera par quel miracle, le professeur des écoles qui viendra, dans ce dispositif, assurer quelques heures entre midi et deux parviendra à venir à bout des difficultés qui ont résisté à cinq ans d’enseignement élémentaire ?
Pour tout dire, l’efficacité de l’opération peine à convaincre !  

Or le collège mériterait qu’on lui accorde quelque attention. Il serait temps de cesser les potions hasardeuses et autres cautères pour s’interroger sur les conditions nécessaires au choix engagé par notre société, il y a maintenant près d’un demi-siècle. Car si la volonté politique est réellement de fonder l’élévation générale du niveau de connaissances sur une scolarité commune jusqu’à 16 ans, il serait temps que nous devenions capables de faire le choix politique d’en dédier les moyens nécessaires au collège. Car aucune société ne peut réussir une telle ambition sans doter son système scolaire de la possibilité réelle d’y parvenir.

Oui le collège a besoin que les difficultés d’apprentissage puissent y être traitées au quotidien dans des classes moins chargées, par des professeurs mieux formés, par des équipes pluridisciplinaires capables de répondre à la globalité des problèmes des élèves.
Voilà ce qui aurait dû être votre enjeu, monsieur le ministre… mais vous avez préféré renouveler l’exercice désormais bien connu qui consiste à masquer l’absence de volonté réelle de démocratisation sous une opération habilement présentée comme une exceptionnelle innovation, quand bien même cela fait des décennies que le même scénario impuissant est rejoué.

[1] Molière, Le Malade imaginaire, Troisième intermède

[2] Dispositif « 6è tremplin » débuté à la rentrée 2022, visité par le ministre en novembre et décrété généralisable en décembre !

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