Paul DEVIN (avatar)

Paul DEVIN

Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

Abonné·e de Mediapart

218 Billets

0 Édition

Billet de blog 11 novembre 2023

Paul DEVIN (avatar)

Paul DEVIN

Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

Abonné·e de Mediapart

Harcèlement : quand l’enjeu politique subvertit l’enjeu éducatif

Sous un discours d'empathie, l'agitation médiatique du ministère semble bien lointaine de ses effets réels de protection des enfants et adolescents harcelés.

Paul DEVIN (avatar)

Paul DEVIN

Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La femme du président de la République, la première ministre, le ministre de l’Éducation nationale réunis pour promouvoir la lutte contre le harcèlement se livrent à de drôles de jeux.
Ici, un show télévisé laisse la troublante impression d’un selfie de groupe où les victimes souriantes se consolent en étant les vedettes d’un spectacle ou en appuyant leur tête sur l’épaule de la première dame de France.
Ici, c’est le visage d’un enfant qu’on livre aux médias et donc aux réseaux sociaux sans véritablement se préoccuper des conséquences que cela pourra avoir pour lui. Mais la première ministre semble satisfaite et y va de son bon mot pour faire sourire le public, …
Terrible paradoxe, alors que le ministère a ciblé sa campagne sur l’empathie, toutes ces scènes en sont si loin … on communique, alors on n’a pas le temps d’écouter. Et très vite, l’impression grandit que l’enjeu essentiel n’est pas l’enfant harcelé mais l’image gouvernementale et ministérielle.

C'est que dans cette agitation de communication, les paradoxes ne manquent pas.
Par exemple, celui de donner la parole aux élèves par un questionnaire anonyme… alors que l’annonce ministérielle[1] évoque, comme raison première, la volonté de « donner la parole à tous les élèves à partir du CE2 » « afin d’évaluer s’ils sont susceptibles d’être victimes de harcèlement scolaire ». Comprenez le désarroi de cette enseignante qui ayant constaté, dans les réponses recueillies, la présence d’un élève se considérant harcelé mais ne peut identifier de qui il s’agit ! A-t-elle vraiment « une vision précise des faits de harcèlement à l’échelle de la classe » alors qu’elle ne sait rien de ce signal d’alerte que le questionnaire lui renvoie…
Le choix d’une telle enquête est-il vraiment guidé par la volonté d’un outil au service des enseignantes et enseignants ou par la stratégie d’une opération dont la traduction immédiate dans toutes les écoles et tous les établissements permettra de rassurer les familles sur les bonnes intentions ministérielle ?

Au-delà, il y a comme une impression aigre quand la communication assure la nécessaire implication de toute la communauté éducative au moment même où le budget de l’année prochaine se dessine et qu’on y a renoncé à favoriser par la revalorisation de nouvelles candidatures aux postes de médecins ou d’infirmières scolaires. Avec un médecin pour plus de 12000 élèves, un nombre d’infirmières en baisse années après années, est-on sûr de pouvoir mobiliser la communauté éducative ?
Par contre le budget prévoit 30 millions d’euros pour créer des brigades « anti-harcèlement ». Voilà bien cette logique activiste encore à l’œuvre… plutôt que de vouloir agir en profondeur en dotant le service public de moyens à la hauteur de ses besoins, plutôt que de prendre le temps par la formation de développer dans les cultures professionnelles les compétences nécessaires à des améliorations pérennes … on crée des dispositifs, on lance des actions, on monte des opérations pour que être au cœur de l’annonce médiatique et construire une image positive de l’action politique quand bien même elle est incapable de ses promesses.

[1] Communiqué MENJ, 25/10/2023

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.