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Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

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Billet de blog 12 avril 2022

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Jusqu’où iront-ils dans le mépris des fondements démocratiques du service public ?

A propos de la lettre envoyée dans les écoles, les collèges et les lycées pour inciter à voter pour Emmanuel Macron. Au delà du risque de dérive autoritariste, une menace sur ce qui constitue le fondement démocratique de nos services publics.

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Les directeurs d’école et les chefs d’établissement ont reçu sur leurs boîtes mail institutionnelles un appel à voter Emmanuel Macron avec consigne de le diffuser auprès de leurs collègues. L’équipe de campagne du président-candidat affirme la légalité de cette pratique qui aurait donc été habilement conçue pour échapper aux risques d’un recours.  Les spécialistes du code électoral examineront si c’est le cas.
Mais quand bien même cela s’avérerait, reste la question de la légalité et de la légitimité d’une telle démarche au sein de la fonction publique.

La fonction publique exige la neutralité de ses agent·es. C’est à dire qu’elle ne permet pas que l’exercice de leurs fonctions puisse être instrumentalisé à des fins de propagande politique ou de prosélytisme religieux. Et c’est d’évidence à la fois une question de démocratie et d’égalité.

  • Une question de démocratie, parce que si la constitution affirme que le gouvernement dispose de l’administration pour mettre en œuvre sa politique, cela ne peut aucunement se confondre avec une instrumentalisation idéologique ou une propagande électorale. Cette distinction absolue est une condition de la démocratie. Y renoncer participe d’une tentation totalitaire où celui qui détient le pouvoir entend s’en servir pour le garder au mépris de la souveraineté populaire et des règles qui la garantissent. 
  • Une question d’égalité parce que les droits de l’usager comme ceux du fonctionnaire ne peuvent dépendre de leurs choix partisans. En rompant ce pacte fondamental, on ouvre la porte du clientélisme électoral voire de la prévarication et de la concussion.

En envoyant un appel à voter pour lui, Emmanuel Macron a rompu ces principes fondamentaux.
C’est d’autant plus insupportable que de multiples tentatives, au long de la campagne électorale, ont tenté de limiter les droits des fonctionnaires en allant parfois jusqu’à nier que l’obligation de neutralité ne concerne que l’exercice du service de l’agent mais ne le prive, en dehors, d’aucun de ses droits de citoyen. 

En demandant que cet appel soit diffusé au sein des écoles, le Président de la République incite les fonctionnaires à enfreindre une de leurs obligations au mépris des fondements démocratiques de cette obligation. Car d’évidence, distribuer un appel électoral au sein de l’école est illégal au vu de l’article 25 qui exige l’obligation de neutralité.

La déréglementation progressive ouvre une inacceptable conception de l’exigence institutionnelle qui tente de réduire la liberté citoyenne de l’agent·e tout en permettant à l’institution de se dédouaner de la contrainte légale.
Jusqu’où iront-ils… quand des inspecteurs, des DASEN ou des recteurs prétendent aujourd’hui pouvoir relativiser la légalité, considérant que leurs propres jugements et leurs propres convictions suffisent à justifier leurs injonctions. Cette conviction de légitimité, nourrie par la culture managériale, n’hésite plus à affirmer sa prétention à se substituer à la légalité et on voit aujourd’hui naître une théorisation de cette idée par un usage des plus discutables de la notion d’éthique de responsabilité chez Weber[1].

Et ne nous méprenons pas, ce n’est pas qu’un risque de dérive autoritariste… c’est une menace sur ce qui constitue le fondement démocratique de nos services publics.

Que le Président de la République, même en l’agissant comme candidat, puisse y céder est inquiétant et inadmissible !

[1] https://pauldevin.files.wordpress.com/2020/10/ia110p.12-14.pdf

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